Art Base expose dix artistes iraniens autodidactes qui dévoilent la créativité et la diversité de l'art brut en Iran, entre singularité et influences diverses.
En Iran, l'art brut est une expression souterraine qui émerge à travers tout le pays comme autant d'îlots d'expression individuelle, intime ou personnelle en offrant un autre regard sur ce pays à la culture millénaire.
On a l'habitude de dire qu'un dessin vaut mieux qu'un long discours. Et c'est sans doute particulièrement vrai pour l'art brut. Partout dans le monde, des femmes et des hommes s'inventent et se découvrent artistes, pour exprimer en dessin, en peinture ou en broderie ce qu'ils ne peuvent ou ne veulent dire en mots. En Iran, pays placé sous une chape pour le moins autoritaire depuis plus de 40 ans, l'art brut nous plonge dans une réalité alternative où des créations individuelles composent la mosaïque de l'imaginaire d'un pays. Art Base, un lieu situé juste en face du Centre belge de la Bande dessinée, rassemble les œuvres de dix artistes autodidactes venus d'Iran, qui nous plongent dans des univers poétiques, visionnaires ou surréalistes bien loin des images stéréotypées du pays des mollahs.
Plusieurs fois reportée, l'exposition coordonnée par l'artiste et cinéaste belgo-iranienne Vida Dena s'ouvre alors que l'Iran est balayé par de nombreuses vagues de protestations sans précédent qui, malgré une répression brutale et aveugle, rassemblent toutes les classes et les âges de la société avides de liberté. « J'étais contente de monter enfin cette exposition aujourd'hui avec des œuvres qui expriment d'abord et avant tout une liberté intérieure, en prologue on l'espère à une liberté plus large pour tous. » L'Iran possède une culture visuelle millénaire, très riche et très diverse, mais l'accès à l'enseignement artistique y est très limité ou inexistant pour les classes populaires. C'est sur ce paradoxe que s'est développé l'art brut en Iran, qu'on désigne d'ailleurs en farsi sous un terme qui correspond à art autodidacte, ce qui évite toutes les controverses suscitées par le terme art brut.
Dans un pays où beaucoup de choses sont interdites, les gens ont appris à intérioriser leur expression. Au fil des œuvres peuvent ressortir des références à l'imagerie populaire, aux arts textiles, à une épopée perse du 11e siècle ou alors des échos d'un monde intérieur aux contours étranges.
Davood Koochaki est un des artistes autodidactes iraniens les mieux connus à l'international. Ses dessins au crayon, souvent noir, représentent dans un fouillis de lignes vibrantes des êtres hybrides aux contours lisses, mi-hommes, mi-animaux, tantôt effrayants, tantôt rassurants.
Zabihullah Mohammady fait des dessins aux feutres de couleur inspirés par les peintures murales des cafés populaires et par les récits épiques et les contes de Mille et Une Nuits.
Couturière, Tajesar Jafari a travaillé toute sa vie avec une machine à coudre. Un jour, elle découvre que son outil de travail peut aussi être un inépuisable instrument de création. Dans ses compositions sur toile, elle crée un univers de boucles et de fils enchevêtrés où, après quelques secondes, l'on distingue des fleurs, des animaux et des personnages qui émergent du chaos.
Entre pixels et points de croix, Zahra Mahmoudkhani crée un univers déconcertant parfois inspiré par les formes traditionnelles persanes avec des oiseaux, et qui parfois se détache de toute représentation, hormis l'écriture, pour vibrer comme des compositions abstraites d'art optique.
Khaleh Kaniz ne savait ni lire ni écrire, et c'est après la rencontre avec un prof de peinture qu'elle s'est mise à dessiner et peindre ses souvenirs et son monde intérieur comme dans ce dessin où elle représente ses parents et tous les enfants que sa mère a portés. Les quatre arrivés à terme et les 20 fausses couches. Quelques décennies plus tard, c'est une artiste qui voit le jour.
En liberté
Panorama d'art brut d'Iran
Art Base
rue des Sables, 29
1000 Bruxelles
Sur rdv jusqu'au 10 mars
contact 02 217 29 20
commentpeutonetrepersan@gmail.com
frans@art-base.be
Rédacteur en chef
Il n’imagine pas un monde sans art. Comment sinon refléter et traduire la beauté, la douceur, la sauvagerie et l’absurdité des mondes d’hier et d’aujourd’hui ? Écrire sur l’art est pour lui un plaisir autant qu’une nécessité. Journaliste indépendant, passionné et curieux de toutes les métamorphoses artistiques, il collabore également à Bruzz et COLLECT
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