Après trois années de prévisualisation, Kanal a fermé ses portes fin avril. Rencontre avec Yves Goldstein, son directeur, qui fait le point et nous détaille les grandes lignes pour le futur.
Yves Goldstein : Avec Kanal Brut et It never ends, nous avons accueilli près de 500 000 personnes. Ces deux expositions très différentes nous ont permis de réfléchir à l'ADN du projet. Notre grand désir est de pouvoir donner la possibilité aux Bruxellois de s'approprier le musée. Cette phase nous a permis de faire découvrir le lieu, d'expérimenter la collaboration avec le Centre Pompidou mais aussi de tester les possibilités de pluridisciplinarités du lieu (arts visuels, musique, performances, théâtre, cinéma...).
Nous avons vécu ces trois années comme un espace de liberté et nous avons d'ailleurs été contactés spontanément par de nombreuses personnes ou institutions pour réaliser des partenariats : La Cambre pour exposer le travail de leurs étudiants, HISK, le Kunstenfestivaldesarts, Design September, etc.
Quelles sont les propositions qui ont eu le plus de succès ?
L'installation du studio de cinéma L'usine des films amateurs de Michel Gondry a eu beaucoup de succès et a montré l'attente des Bruxellois d'espaces de cocréation.
Quel enseignement tirez-vous de ces trois années d'expérimentation ?
Nous avons, je pense, dépassé les clivages entre les disciplines artistiques. Il s'agit de déplacer le centre de gravité du musée. Aujourd'hui, les artistes eux-mêmes bousculent ces frontières. C'est un enjeu important.
Qu'en est-il de la collaboration avec le Centre Pompidou?
Nous avons un accord de 10 ans qui a été signé en 2017 et qui court donc jusque 2027. Nous pourrons donc emprunter des pièces de leur collection pour notre ouverture, d'autant plus que le Centre Pompidou ferme ses portes en 2023 pour 3 ans de rénovation. Mais il faut savoir que, pour l'exposition It never ends, nous n'avons pas emprunté d'œuvres chez eux.
Quels contacts avez-vous avec les collectionneurs privés bruxellois et belges ?
Plusieurs, comme Walter Vanhaerents, Alain Servais et Frédéric de Goldschmidt, entre autres, font partie de notre comité de sélection pour l'acquisition des œuvres. Mais en effet, la mise en place d'un partenariat public-privé avec les collectionneurs (privés ou d'entreprises) est important. C'est en fait un travail de maillage que nous faisons avec tout l'écosystème bruxellois des arts.
Si le ministre en charge de la Politique scientifique et des Musées fédéraux (à l'époque, la ministre N-V.A. avait refusé toute possibilité de prêt des œuvres des collections des musées fédéraux à un projet de la Région bruxelloise - ndlr), seriez-vous prêt à discuter avec les MRBAB pour avoir accès aux œuvres d'art contemporain de leurs collections ?
Oui, bien sûr.
Grâce à l'implantation à Molenbeek, avez-vous touché un public diversifié ?
Oui, mais pas assez. Il est important de continuer à travailler sur cette idée de musée collectif, qui rassemble les mémoires collectives artistique et sociétale de Bruxelles. C'est un enjeu important. Beaucoup continuent à penser que le musée n'est pas fait pour eux. Il faut sortir le musée de l'élitisme.
Qu'en est-il de l'appel pour désigner un directeur artistique ?
Nous avons reçu 40 candidatures et le comité de sélection a fait un premier choix de 7 candidats. Le choix définitif sera annoncé en juin. Nous avons déjà une directrice adjointe, Anna Loporcaro, qui est aussi en charge des publics.
Où en êtes-vous de la constitution de la collection ?
En 2018, nous avions alloué 250 000 € pour l'acquisition d'œuvres de neuf artistes. En 2019 et 2020, nous avons consacré du temps à la réflexion et à l'élaboration d'une charte de bonnes pratiques pour nos achats. Cette année 2021, nous avons donc un budget de 750 000 € et avons déjà démarré une salve d'acquisitions, dont les casiers des ouvriers sur lesquels Younes Baba-Ali avait travaillé.
Quelles sont les missions pour les prochaines années ?
Il y en a trois : la transformation du bâtiment, la constitution de l'équipe - nous sommes 30 et nous serons bientôt un peu moins de 100 personnes - et continuer à définir et concrétiser l'ADN de Kanal. Sur les 40 000 m2 disponibles, nous aurons 12 500 m2 d'espaces d'exposition, c'est une ville dans la ville, un sorte de laboratoire permanent, un vrai défi au niveau de la production et du financement. La moitié des espaces sera publique, avec des expositions ouvertes.
Je pense qu'aujourd'hui nous avons commencé à changer le centre de gravité artistique bruxellois. Nous voulons continuer à être un lieu d'expérimentation, en perpétuelle mutation. Notre force, je crois, c'est cet immense espace, qui permet une nouvelle dynamique.
Fondatrice
Voir et regarder l’art. Puis transformer en mots cette expérience première, qui est comme une respiration. « L’écriture permet de transmuter ce que l’œil a vu. Ce processus me fascine. » Philosophe et sculptrice de formation, elle a été journaliste entre autres pour L’Echo, Marianne Belgique et M Belgique. Elle revendique de pouvoir écrire dans un style à la fois accessible et subjectif. La critique est permise ! Elle écrit sur l’art, la politique culturelle, l’évolution des musées et sur la manière de montrer l’art. Elle est aussi artiste. Elle a fondé le magazine Mu in the City en 2014.
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