Le Salon d’Art expose les dernières œuvres de Koyuki Kazahaya, pour la plupart créées au Japon lors du confinement, un travail intitulé Lotus in mud qui interroge les cycles de la vie au travers des splendeurs végétales.
Réverbérations de fleurs de lotus dans l’eau, évocation d’un ciel des profondeurs, jeu sur l’immobile et le mouvant, le permanent et l’impermanence… l’artiste née à Ibaraki, près de Fukushima, vivant à Bruxelles, célèbre une nature dont les fusains, l’encre de Chine, la peinture à l’huile captent les esprits, les sortilèges, la beauté de paysages rendus à leurs puissances, vierges d’humains. Le cycle de la floraison des lotus condense le mouvement de la vie, de l’éclosion au crépuscule, avant qu’un nouveau cycle ne s’emporte. Porteurs de méditations, ces lotus in mud sont des lotus in mind, des visions qui accueillent les vibrations de la nature, des âmes des arbres, de l’eau et qui se placent au plus loin de l’expression subjective d’un moi conquérant. Une intense proximité relie l’intériorité du sujet et l’extériorité des lieux.
La série d’œuvres Spirit of the forest approche l’animisme nippon au travers des fûts d’arbres élancés, dressés vers les cieux, connectant la terre et le ciel, dans la verticalité d’une existence peuplée d’esprits, traduite par les nuances de noir, de gris et de blanc. Koyuki Kazahaya convoque la fragilité et la force immémoriale des éléments fondamentaux sans lesquels l’humain ne peut exister.
Fil conducteur de son travail, l’eau est appréhendée, non sous l’angle esthétique dans lequel l’enferme souvent une vision occidentale, mais en tant que source de vie et de mort, comme principe symbolique, ingrédient d’un système de pensée cosmologique. L’unité du cosmos a pour pulsation un monisme qui noue intrinsèquement nature et culture, environnement naturel et environnement humain.
Davantage qu’une célébration de la ronde des saisons, de la majesté de forêts sacrées situées dans les montagnes du Japon, l’artiste cède son regard à l’apparition de paysages, de sites en soi, délivrant des images illuminées de reflets qui nous montrent l’impalpable, l’envers du visible, la danse des esprits végétaux. Éminemment sensibles, les lieux révèlent les rites que l’œil se doit d’accomplir pour en capter un monde de détails infinis. Léchés par la lumière, les troncs dansent une partition silencieuse. Jamais elle ne tend à lever le mystère des énergies vitales de la nature.
Contrainte de demeurer durant un an au pays du Soleil levant en raison du confinement, ne pouvant regagner la Belgique, Koyuki Kazahaya a renoué avec une mémoire, des sensations, des schèmes culturels de son pays natal. Son questionnement du changement des saisons, des variations des régimes de lumière a libéré un dialogue avec la durée, le souffle de la nature, une forêt millénaire qui abrite des sanctuaires. C’est à ce dialogue avec une nature non polluée, légendaire, au respect des esprits sacrés qui y vivent que l’exposition nous invite.
Koyuki Kazahaya
Lotus in mud
Le Salon d’Art
81 rue Hôtel des Monnaies
1050 Bruxelles
Jusqu’au 5 mars
Du mardi au vendredi de 14h à 18h30
Samedi de 10h à 12h et de 14h à 17h30
www.lesalondart.be
Journaliste
Véronique Bergen est philosophe, romancière et poète. Docteure en Philosophie de l’Université de Paris 8, auteure d’essais philosophiques, dans le champ de l’esthétique, de romans, de recueils de poèmes, de nombreuses monographies sur des plasticiens. Membre de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, elle collabore à diverses revues, notamment des revues d’art.
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