Le Musée du Louvre et le Musée La Boverie, partenaires du renouveau culturel à Liège ! Le nouvel espace d’exposition La Boverie deviendra incontestablement un lieu de référence culturelle pour la Cité ardente. Il vient ainsi rythmer l’axe urbain de la métropole liégeoise, à un jet de passerelle entre la gare de Santiago Callatrava et Médiacité.
Sept ans après l'inauguration de sa nouvelle gare internationale, La belle Liégeoise, nouvelle passerelle dessinée par le cabinet d'architecture Greisch, signe désormais le paysage de la ville mosane. A une centaine de mètres d’une tour cybernétique de Nicolas Schöffer restaurée pose le nouveau musée. Oubliée la candidature évincée de la ville à l’Exposition internationale 2017 qui visait à son repositionnement européen. L’opération LiègeTogether reprend le flambeau vers le même objectif : poursuivre le renouveau économique de cet ancien bassin industriel en misant sur le tourisme culturel.
Situé dans l’écrin verdoyant d’un parc presqu’île posé entre la Meuse et sa dérivation, ce vestige Beaux-Arts de l’exposition universelle de 1905 abritait l’ancien MAMAC, Musée d’Art moderne et d’Art contemporain. Aujourd’hui subtilement complété et restauré par le tandem Rudy Ricciotti et le cabinet d’architecture liégeois pHD, il retrouve l’énergie de la modernité innovante qui le caractérisait à sa construction puisqu’il reposait sur les plus anciennes fondations en pieux de béton battu. A la façade néoclassique s’adjoint la légèreté d’une aile contemporaine de béton et de verre sur pilotis. Huit cents mètres carrés de surfaces vitrées presque suspendues au ciel par une rangée de colonnades stylisées.
Mise en espace de l’invisible aussi puisque les sous-sols, jusqu’alors inexploités, ont été creusés pour y accueillir l’exposition permanente, une Galerie Noire dédiée aux œuvres fragiles sur papier et un auditorium de 165 places. Une optimisation muséale « sans mettre les pieds sur la table » qui redonne confiance, énergie, densité et volumétrie à ce lieu patrimonial dans le respect de la structure historique existante. Cette métamorphose, on la doit à Rudy Ricciotti, architecte du MUCEM, Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée à Marseille, et de l’extension du Louvre dédiée aux arts de l’Islam. Homme au franc-parler, il fustige tour à tour les cultureux et le minimalisme en architecture qui interdit toute narration, bannit toute écriture et exile la beauté.
Rénové pour 27 millions d'euros, ce nouveau musée liégeois voit grand et a signé en 2015 avec le Musée du Louvre une convention de partenariat pour quatre ans. Cette collaboration est d’abord l’histoire de l’amitié qui lie Vincent Pomarède, Conservateur général du Patrimoine et Directeur de la Médiation et de la Programmation culturelle au Musée du Louvre, et Jean-Marc Gay, nouveau directeur de La Boverie. Le Louvre ne crée pas à Liège un site destiné à accueillir le redéploiement de ses collections, comme c’est le cas à Lens et à Abu Dhabi. Il y joue un rôle de conseiller artistique. Vincent Pomarède est chargé de proposer et d’élaborer le concept et la scénographie de trois expositions internationales sur trois ans, ainsi que de concevoir la mise en valeur des collections liégeoises dans l’exposition permanente avec le concours de son adjointe Aline Françoise Colin.
Echanges sur la scénographie, coopération dans la politique d’approche des publics, mise en place d’une programmation d’expositions, événements dans l’auditorium, développement des outils et programmes éducatifs et pédagogiques sont autant de formes que revêtira ce partenariat, premier du genre signé entre le Louvre et une ville européenne. Il permettra à la Cité ardente de bénéficier de l’expertise d’une institution muséale mondialement connue, d’un prêt d’œuvres d'art de renom facilité par son réseau, d’une exposition internationale annuelle. « Pour le Louvre, sortir de ses murs est tout à fait essentiel, précise Vincent Pomarède. Entre 72 et 73 % de nos visiteurs sont étrangers, nous avons du mal à atteindre un public de proximité. Nous essayons donc d'aller à la rencontre de structures qui ont cette expérience et d'apprendre d'eux. C'est un échange de savoir-faire. »
Cet enthousiasme mutuel comporte tout de même une contrepartie puisque 50.000 € annuels sont prévus pour rémunérer les missions du Louvre. Ces prestations sont proposées par l’unité Louvre Conseil, fondée en 2014 afin de diversifier les ressources financières de l’institution parisienne et de répondre aux demandes d’accompagnement et de transmission d’expertise d’acteurs culturels extérieurs. Pour le Louvre, ces prestations sur mesure rentrent dans le cadre de la politique de coopération scientifique du musée et lui permet de développer son réseau de partenaires internationaux.
Ce ne sont pas moins de quatre institutions qui ont été réunies pour constituer l’exposition permanente de La Boverie rénovée. Le Musée des Beaux-Arts de Liège (BAL), le Musée de l’Art wallon (MAW), le Cabinet des Estampes et des Dessins et enfin le Fonds d’art ancien. Entre 350 et 370 œuvres de qualité exceptionnelle, dont certaines arrivées dans les collections via de la vente d’œuvres d’art dit dégénéré de Lucerne le 30 juin 1939 et celles de la vente de Paris du 1er août de la même année. Picasso, Gauguin, Chagall, Monet, Kokoschka, Ingres et Ensor, Toulouse-Lautrec et Matisse. La nouvelle abstraction avec Magnelli et Poliakoff, l’art optique avec Vasarely, du cinétique avec Pol Bury, de l’abstraction synthétique avec Nicolas de Staël, du mouvement CoBrA avec Corneille et Appel.
En sous-sol, l’art ancien de la principauté de Liège (Lambert Lombard, Gérard de Lairesse, Gilles-François Joseph Closson, etc.) et la Galerie Noire qui accueille les arts sur papier – dessins, esquisses et pastels, estampes – particulièrement sensibles à la lumière.
Pour cette première exposition commune, le Louvre et La Boverie profitent de l’implantation du musée pour prendre une bouffée d’oxygène et travailler sur le paysage – paysage dans lequel, dès le XVIIIe siècle, des artistes posent leurs chevalets. Illustrations in situ des rapports de l’homme à la nature, évocations multiples des loisirs en plein air abordés en scènes thématiques simples : promenades quotidiennes ou festivités collectives comme les envols de montgolfières. La Veduta, vue souvenir d’une ville représentée par des paysagistes dans son animation quotidienne. Les guinguettes, ces petits restos bistros où les classent sociales se mélangent, lieux de détente, de convivialité populaire et d’insouciance. Avec le culte de la santé, la nature devient espace de jeux et de sports.
Plus intime, l’espace isolé Chambres avec vue touche au paysage vu à travers la fenêtre, relation entre pénombre et la lumière vibrante. Des banlieues parisiennes aux villages et leurs campagnes, des berges des rivières et des fleuves aux plages du bord de mer, des gens s’amusent et se promènent sous le regard des artistes en quête de nouvelles expressions esthétiques. Sur le thème du Déjeuner sur l’herbe, Léger et Jacquet offrent leurs variations à la peinture éponyme de Manet, ainsi, les œuvres de Corot, Boudin, Cézanne, Matisse, Chagall, Béraud, Signorini, Luce, Jeffery’s et des Belges Rops et Van Rysselberghe sont autant de fenêtres ouvertes sur la nature qui entoure le bâtiment et de résonances avec l’architecture lumineuse de Ricciotti.
Si cette nouvelle scénographie signée Jean-Marc Huygen imprime une volonté didactique dynamique, elle semble malheureusement un peu empêtrée dans un accrochage old school et un jeu de cimaises rigoristes qui tendent à masquer l’élégance de l’architecture intérieure. L’extension contemporaine aurait gagné à s’offrir à la sculpture. Pourquoi pas une œuvre monumentale d’un représentant de l’Arte Povera ? Le dialogue avec le parc alentour s’en serait trouvé sublimé. Cette sélection coup de cœur de 125 œuvres présentes dans l’exposition réunit néanmoins un ensemble d’artistes connus et moins connus. Et elle crée ce moment où le regard s’inverse, où les promeneurs regardent les artistes.
Pour la Ville de Liège et la nouvelle direction, réfléchir à un musée dans une perspective de culture populaire, partagée et pas forcément négociée par des négociateurs culturels, proposer un lieu au service de la cité, restera un objectif essentiel pour les années à venir. Il leur faudra penser au public et, comme le disait si justement Vincent Pomarède, à ces deux moments d’émotion, celui où il rentre dans l’espace et découvre le lieu pour la première fois, et celui où il se l’approprie en revenant.
En plein air
Musée La Boverie
Parc de La Boverie
4020 Liège
Jusqu’au 15 août
Du mardi au dimanche de 10h à 18h
http://www.laboverie.com
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