La géométrie par conviction

Elisabeth Martin
04 juin 2015

C’est un tandem qui porte le projet depuis trois ans. Galerie implantée près du Wiels dans une ancienne imprimerie réhabilitée, ART’LOFT s’est imposé de ne présenter que des valeurs confirmées. Satoru Sato est l’hôte de marque d’une exposition superbement mise en scène qui le confronte au designer belge Stijn Ruys. Convergence entre registres d’expressions peu voisins. Pour démontrer, sans ostentation, qu’un lieu d’art doit d’abord être un lieu de plaisir.

La première réaction n’est autre que la surprise. Dans ce sublime oasis baigné de lumière, le visiteur est chaleureusement reçu. Minyoung Lee et Gil Bauwens placent leur démarche dans la vie quotidienne. La galerie est à l’image de leurs accrochages, crédibles et pleins d’humanité !

Autant sculpteur que peintre, Satoru Sato propose ici un parcours sous le signe du carré et d’un subtil jeu de lignes qui génèrent une émotion bien réelle. L’alphabet formel et chromatique de cet artiste japonais (1945) est exceptionnellement restreint. Raffiné et rigoureux, il est pourtant loin d’être froid. Formé à l’Ecole des Beaux-Arts de Tokyo, Sato arrive à Paris en 1969. Il s’y mesure avec ses contemporains puisant aux sources du Bauhaus, de l’art géométrique et de l’art concret. Membre du groupe constructiviste M.A.D.I., il ne renonce pas à une culture millénaire qui vénère la nature. D’où une démarcation progressive avec des matériaux naturels comme le bois ou la toile brute dont la texture adoucit l’ascèse des compositions et en souligne la beauté. A l’instar d’un architecte, il conçoit ses tableaux comme une construction fictive qu’il modèle avec équilibre et justesse. Le secret  mathématique de ces proportions parfaites ? Un nombre d’or issu des temples japonais, le chiffre deux au carré, confie l’artiste. La façade de l’œuvre n’est que la partie émergée d’une réflexion profonde, un idéogramme, une synthèse de l’essentiel.

Stijn Ruys, lui, brouille notre perception. Il déstructure le meuble et expose des pièces insolites, entre design et objets d’art, tout en préservant l’efficacité fonctionnelle. Tables et chaises s’affranchissent de la pesanteur dans un jeu subtil de distorsion et de déséquilibre. Sophistication technique et simplicité des formes se marient avec beaucoup d’élégance dans des pièces qui tiennent de la sculpture. Un même désir d’élémentarisme et de pureté, une même passion pour les lois de la composition dans ces deux engagements plastiques. A voir !

 

DESéquilibres
ART’LOFT
36 rue du Charme
1190 Bruxelles
Jusqu’au 20 juin
Du jeudi au samedi de 14h à 18h
www.artloft.eu

 

Elisabeth Martin

Rédactrice

Traductrice puis pédagogue de formation, depuis toujours sensible à ce vaste continent qu’est l’art. Elle poursuit des études de sociologie et d’histoire de l’art avant de relever le défi de dire avec des mots ce que les artistes disent sans mots. Une tâche d’interprète en somme entre deux langages distincts. Partager le frisson artistique et transmettre l’expérience esthétique et cet autre rapport au monde avec clarté au lecteur, c’est une chance. Une sorte de mission dont elle nourrit ses textes.