Le bijou contemporain s'hybride

Muriel de Crayencour
14 novembre 2017

Aux Anciens Abattoirs de Mons, la Triennale européenne du Bijou contemporain a ouvert ses portes il y a quelques jours. Cette année, la France et la Suède ont été invitées à rejoindre les artistes belges. Jusqu'en février, c'est l'occasion de découvrir les créations d'une quarantaine d'artistes.

Pour rendre visible le travail des artisans, le WCC-FB organise un événement chaque année aux Abattoirs. Un Prix européen des Arts appliqués, une Triennale européenne de la Céramique et du Verre et, cette année, la Triennale du bijou contemporain. Le World Crafts Council est une organisation internationale non gouvernementale dont l’objectif est de renforcer la place des artisans en tant que forces vitales dans la vie culturelle et économique, de faire des liens entre ces artisans à travers le monde, de les soutenir et de les conseiller.  Le WCC-BF (Belgique francophone) vise à la promotion, en Belgique et à l’étranger, des arts appliqués d’expression contemporaine. C’est LA référence en matière d’arts appliqués. Ce ne sont pas moins de 200 créateurs qui sont représentés à l’année via la Vitrine des Créateurs aux Abattoirs. On y trouve des céramistes, des créateurs de bijoux, des maîtres verriers, des artisans du textile, des relieurs, etc.

Le bijou contemporain est devenu, ces dernières années, un objet d'art à part entière. D'accessoire chargé de compléter une tenue, il est aujourd'hui une petite - ou grande - sculpture portable. Chaque pièce mêle les techniques traditionnellement liées au bijou - comme le travail du métal précieux et de la perle - à d'autres savoir-faire et des matériaux surprenants. L'audace des artistes-créateurs et leur interdisciplinarité font naître des objets hybrides chargés d'une belle énergie qu'il est plaisant de découvrir au fil des vitrines le long du mur du fond de la longue salle d'exposition.

Voici par exemple Isabelle Carpentier, qui nous met littéralement les tripes sur la poitrine avec son Ex-voto de cou noir, en forme d'intestin, ou ses Colliers de hanche figurant deux reins précieusement rehaussé de perles en pâte de verre. Patrick Marchal utilise des sucres en morceaux sur segments de cuivre, pour Sugar stay or sugar go ?, un collier éphémère. Les petites météorites en faïence blanche de Stella Bierrenbach évoquent le côté fugace du souvenir. Mais encore La panoplie de Pauline F de Monika Brugger est faite d'objets ni vêtements ni bijoux, et l'on retrouve, suspendue à un ruban comme celui d'une décoration militaire, une petite paire de seins en argent, délicate.

Sébastien Carre crochète fils de coton, soie, nylon ou papier japonais en y insérant un maillage de perles, créant Rêve aquatique, une broche multicolore qui semble figurer un poulpe ou une autre créature marine un peu mythologique. L'artiste suédoise Karin Roy Andersson utilise des écailles nacrées découpées dans le plastique de bouteilles de savon recyclées. Préciosité et matériaux récupérés sont aussi au rendez-vous des créations d'Helena Johansson Lindelle, lauréate de cette triennale, qui mêle plastique, bois, laiton, polyester dans ses pendentifs Synthetic fruits. Mais encore Side Effects de Johanna Törnqvist, un immense et sublime sautoir multiples rangs fait de blisters de médicaments réutilisés.

D'autres pièces sont définitivement plus portables, on pense aux posters découpés de Liesbet Bussche, qu'on avait pu découvrir à Anvers, l'immense menhir en béton armé d'Octave Vandeweghe ou la trace dans le sable, comme une tombe, faite avec un cachet d'acier et de chêne, d'Eve Wolfs. L'ensemble est d'une remarquable qualité, les créations, réjouissantes, hybrides, un peu folles. A voir.
 

Triennale européenne du Bijou contemporain
Les Anciens Abattoirs
17/02 rue de la Trouille
7000 Mons
Jusqu'au 4 février 2018
Du mardi au dimanche de 12h à 18h
www.wcc-bf.org

 

Muriel de Crayencour

Fondatrice

Voir et regarder l’art. Puis transformer en mots cette expérience première, qui est comme une respiration. « L’écriture permet de transmuter ce que l’œil a vu. Ce processus me fascine. » Philosophe et sculptrice de formation, elle a été journaliste entre autres pour L’Echo, Marianne Belgique et M Belgique. Elle revendique de pouvoir écrire dans un style à la fois accessible et subjectif. La critique est permise ! Elle écrit sur l’art, la politique culturelle, l’évolution des musées et sur la manière de montrer l’art. Elle est aussi artiste. Elle a fondé le magazine Mu in the City en 2014.

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