Hébergé dans un ancien bâtiment industriel tout de verre et de métal, qui fut construit en 1911 à l’occasion de l’exposition de Charleroi pour abriter le Palais d’Art wallon, le BPS22 renoue avec ses origines culturelles de façon magistrale. Suite à son édification en centre d’Art contemporain en 2000, son directeur Pierre-Olivier Rollin a le projet de faire accéder le BPS22 au rang de musée.
L’ancien entrepôt, qui fut également l’école d'enseignement technique de la province de Hainaut, a dans ses gènes un potentiel à la fois artistique et pédagogique. «
Nous avons tout mis en œuvre pour donner au lieu l’espace nécessaire à nos ambitions, non seulement de faire tourner les chefs-d’œuvre appartenant à la province de Hainaut, mais aussi de montrer des artistes internationaux, d’organiser des performances, etc. », explique Pierre-Olivier
Rollin, directeur et commissaire de l’exposition en cours. Afin d’illustrer son propos, le directeur avait invité, lors du week-end d’ouverture du musée, Emmanuel Giraud, un maître de l’art culinaire qui s’adonna à une orgie littéraire mêlant vins et mets italiens avec les nourritures célestes. Après 18 mois de travaux, ajoutant 1500 m² au 1000 existants, respectant un budget de 4 millions d’euros alloués par la province de Hainaut, la Fédération Wallonie-Bruxelles et la ville de
Charleroi, le BPS22 deviendra officiellement un musée en 2017.
«
Nous sommes extrêmement fiers de permettre la création d’un nouveau musée belge qui, par la richesse de la collection permanente du Hainaut et l’originalité de sa philosophie, donnera encore plus de crédit à Charleroi, après la création du Musée de la photographie », explique Joëlle Milquet, vice-présidente de la Fédération Wallonie-Bruxelles et ministre de l'Education, de la Culture et de l'Enfance. Et quand nous l’interrogeons sur les raisons personnelles qui l’enjoignent à soutenir un tel projet, dans cet espace, celle-ci fait référence à son enfance à Charleroi et au souvenir d’un lieu triste. «
C’est le pied de nez d’un site sans vie pour un espace plein de vie ! Son ampleur, sa vision culturelle, les œuvres exposées sont un moteur pour l’exportation de nos artistes et un tremplin pour le quartier, le boulevard Solvay, qui est historiquement entouré d’écoles et de lieux pédagogiques », ajoute la ministre.
La programmation 2016 reposera essentiellement sur la collection d’environ 6000 œuvres appartenant à la Province de Hainaut, parmi lesquelles on retrouve des artistes du XIX
e siècle jusqu’à nos jours, de la peinture à la vidéo ou la performance en passant par l’installation ou la tapisserie, ainsi qu'un important fonds d'archives. Ce sera l’occasion d’engager le dialogue entre des œuvres d’artistes belges comme Anna Boch, Constantin Meunier, Pol Bury, Marcel Broodthaers ou Wim Delvoye avec d’autres artistes de renom tels que Andy Warhol, Wang Du, Banks Violette ou Cindy Sherman. Le BPS22 a également acquis ses propres œuvres, principalement relatives à la création punk belge, et a reçu plusieurs dons. Cet important fonds permanent rend possible l’orchestration originale des réalisations artistiques selon une scénographie qui se veut à la fois particulière et pédagogique. Des axes de constitution ont été définis : l’art en Hainaut, le surréalisme et les rapports entre l’art et les différentes formes de pouvoir. Ces trois axes s’articulant pour interroger les relations entre l’art et les sociétés qui le produisent. Dans cet esprit fondateur, l’exposition inaugurale rassemble un ensemble d’œuvres contemporaines puisant dans les cultures populaires, créant une explosion créative entre la
low et la
high culture.
Les mondes inversés, art contemporain et culture populaire
Inspirés d’une ballade anglaise,
The World Turned Upside Down (1646),
Les Mondes Inversés sont une mise en réflexion esthétique, ludique, politique et surtout non académique de notre société actuelle, tiraillée entre une fidélité à la tradition et une évolution en perte de contrôle. En ressort une vision romantique, inspirée de la piraterie qui était régie selon ses propres codes, créant une société marginale mais où le droit à la parole de chacun était respecté. «
Cette première exposition inaugure un courant d’idées qui conduiront au renversement de l’ancien monde pour restaurer la démocratie », explique le commissaire de l’exposition, Pierre-Olivier Rollin. Cette mise à l’envers symbolique de l’ordre dominant est une caractéristique de la culture populaire, et particulièrement des carnavals.
Les Mondes Inversés donnent la parole à des œuvres qui utilisent le langage de la culture folklorique, d’artisanats oubliés, pour engendrer un retour
à la maison comme
Home Sweet Home de Pascale Marthine Tayou. Cette œuvre, étonnante, fascinante, de l’artiste camerounais installé à Gand interroge la notion protectrice du
chez soi avec son cortège de dérives nationalistes pour suggérer d’autres façons d’être dans son
nid. Dans le grand hall, le
Dais de Patrick Van Caeckenbergh, carrousel de falbalas, répond au
Cloaca Numéro 5 de Wim Delvoye, tous les deux mélangeant l’art dit noble aux objets ou productions les plus bassement humaines. La machine
D9 d'Eric Van Hove est une reproduction du moteur du célèbre bulldozer Caterpillar, réalisée avec 35 essences de bois et matériaux d’une préciosité en contradiction avec l’usage de l’objet ; une réflexion sur l’artisanat poursuivie par Joana Vasconcelos et sa
Madame du Barry corsetée dans un treillis brodé. Dans la
White box, un carrousel de fête populaire tournant sans bruit amène le regard vers la table autour desquels semblent discuter 14 mannequins sans tête habillés dans les fameux tissus wax, illustrant les 14 pays occidentaux qui se sont partagé l’Afrique lors de la conférence de Berlin en 1885 : les identités nationales sont des constructions politiques et nous nous sentons exclus de la conversation, nous montre l’artiste nigérien Yinka Shonibare.
En conclusion de cette première exposition, nous avons le sentiment que, malgré le côté monumental du lieu, les œuvres sont disposées de façon telle que l’on entre dans l’univers de chacune, grâce au fil conducteur qui les relie entre elles. Le BPS22 est un lieu de rencontre et de liberté, fait de vides dynamiques, de souffle dans les hauteurs et d’échappées dans d’autres espaces plus intimistes, avec entre autres une white box à l’atmosphère particulière. «
En réactivant la dialectique culturelle entre le haut et le bas, les artistes produisent une révolution esthétique, morale, culturelle, politique, économique, religieuse… pour ouvrir la voie à d’autres possibles, d’autres organisations, d’autres normes : une infinité de mondes inversés », conclut le directeur du BPS22.
Le BPS22 est aussi un espace ouvert à l’inattendu, au sein duquel ont lieu des rendez-vous convoquant des disciplines telles que la danse, les performances, des lectures, des journées thématiques ou des goûters philosophiques pour les adultes, et aussi des ateliers pour les plus jeunes comme le festival
Pépites au mois de mai 2016.
Les Mondes Inversés
BPS22 – Musée d’Art de la province de Hainaut
22 boulevard Solvay
6000 Charleroi
Jusqu’au 31 janvier 2016
Du mardi au dimanche de 11h à 19h
http://www.bps22.be