Pour sa septième édition, la foire off Poppositions 2018 s’installe au centre-ville dans les anciens ateliers Coppens, avec 29 galeries pour décliner des échappées vers un nouveau monde qui a réinventé ses liens avec son environnement.
En quelques années, la contre-foire est devenue une institution en son genre. Changeant d’implantation comme à son habitude, elle occupe cette année tous les niveaux des anciens Ateliers Coppens. A Poppositons, on n’est pas dans une foire avec ses espaces bien ordonnés mais plutôt dans ce qui tient du squat artistique avec tout ce que cela peut avoir d’ouvert et de généreux. Pour cette septième édition, le curateur Niekolaas Johannes Lekkerkerk a eu la bonne idée de proposer une thématique rassembleuse et dans l’air du temps qui cadre les différentes propositions des 29 galeries présentes. L’intrigant titre In Watermelon Sugar est emprunté à un roman de Richard Brautigan, paru en 1968, qui raconte comment une communauté recherche un nouvel Eden sur une terre dévastée par un cataclysme. Le rapport de la création à l’environnement dans un monde où les ressources s’épuisent est une des questions qui hantent une large partie des artistes invités.
Le parcours se déploie sur quatre niveaux, des sous-sols au deuxième, où Archiraar présente le travail de la Française Caroline Le Méhauté. L’huile de vidange contenue dans une baignoire en terre craquelée ramassée au Burkina Faso tend un miroir noir de notre avidité énergétique fossile et un raccourci saisissant du cycle de la consommation. Un petit monochrome en tourbe d’Irlande nous renvoie d’un regard quelques millions d’années en arrière. En face, l’artiste belge Johanna van Overmeir, exposée par Loft Projekt Etagi de St-Petersbourg, a imbibé des chaussures usagées avec des restes de cire récupérés dans les églises orthodoxes. Tordues et déformées par la cire autant que par des années de marche, ces objets de consommation, banales commodités, sont figés dans une dignité retrouvée. Un étage plus bas, l’Italienne Chiara Camoni déploie son univers de simplicité magique chez Arcade. Des sculptures en céramique associées aux bougies rappellent les éléments premiers. Deux grandes impressions sur soie représentent des divinités animistes faites de feuilles et de vent. Travaillant dans un petit village isolé de Toscane, elle s’inspire des légendes et des techniques populaires.
Les sculptures organiques que Chloé Delarue présente pour la galerie berlinoise Display ont de quoi inquiéter. Ces dispositifs autonomes, entre l’usine et l’autel, font écho au nouveau rapport à réinventer entre l’humain et une nature irrémédiablement transformée. La mousse séchée qui s’étale au sol tient du lichen mutant autant que des résidus industriels fossilisés. Heureusement il y a des lumières. Au rez-de-chaussée, le Néerlandais Joost Krijnen est représenté par les Madrilènes de Formato Comodo. Il y a dans ses pensées dessinées une bulle de légèreté, comme pour nous rappeler que les ressources, nous les trouverons toujours en nous. Et quand il réalise des installations qui mêlent les papiers découpés et l’argile, la gravité nous semble tout à coup supportable. La galerie Post Modern d’Amsterdam a eu la bonne idée de demander à des artistes de réaliser des oeuvres uniques au format carte postale. Les visages en argile de Roosje van Donselaar sont particulièrement réussis.
Animal Condensed >> Animal Expended, la vidéo Jennet Thomas chez Tin Type est un kaléidoscope délirant qui vise à nous apaiser des traumas que les outrages biotechnologiques ont imposés à la Terre. Pas sûr que les anthropologues désignés pour la mission s’en tirent par le bon bout de la mâchoire, mais au moins ils ont essayé. Et quand on sort, on a juste une envie : dévorer une tranche de pastèque. À pleine dents.
POPPOSITIONS
In a Watermelon sugar
Anciens Ateliers Coppens
22-23, place du Nouveau Marché aux Grains
1000 Bruxelles
Du 19 au 22 avril
Jeudi de 13h à 20h, vendredi de 13h à 21h
Samedi de 13h à 20h, dimanche de 13h à 18h
www.poppositions.com
Rédacteur en chef
Il n’imagine pas un monde sans art. Comment sinon refléter et traduire la beauté, la douceur, la sauvagerie et l’absurdité des mondes d’hier et d’aujourd’hui ? Écrire sur l’art est pour lui un plaisir autant qu’une nécessité. Journaliste indépendant, passionné et curieux de toutes les métamorphoses artistiques, il collabore également à Bruzz et COLLECT
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