Jusqu’au 23 octobre, la galerie Clearing accueille les projections laser de Matt Copson. Son installation complète, intitulée Age Of Coming, réaffirme le goût du jeune Anglais pour l’image animée, le conte populaire et l’interaction des formes artistiques.
Le récit raconté est celui d’un passage sans fin d’un état vers un autre. C’est celui d’un bébé qui grandit, mais ne vieillit jamais. Seule sa taille se modifie jusqu’à devenir géante. Par l’ingestion d’objets divers, du livre à l’avion, en passant par la chaise et le pistolet, il voit son corps prendre des dimensions de plus en plus importantes. Puis vient la destruction corporelle, due à l’absorption de l’élément même qui nourrit. Le bambin retrouve alors sa position de départ, presque fœtale. Là enfin, la chronique recommence, à l’identique.
À ce spectacle, s’ajoute la diffusion d’un chant opératique, et plus exactement de vers interprétés par le soprano Kiran Christopher Subramanian. Ceux-ci confèrent une couche narrative supplémentaire à l’installation. Attribuée au bébé par une animation efficace, la voix juvénile rapporte explicitement son état d’insatiabilité. En parcourant le texte chanté, inscrit à l’entrée de la salle, l’on y repère par ailleurs des allusions au conte célèbre Jack et le Haricot magique. La comparaison est alors vite faite. À l’instar de Jack, l’enfant souhaite manger, sans cesse avide de nouveautés. Ce qui procure au bébé de quoi se sustenter n’est pas une simple forme ovale et abstraite – elle ressemble tout à coup étrangement à celle d’un haricot, en référence à celui permettant à Jack de grimper vers un autre monde et d’y trouver des trésors. Lorsque le haricot nourricier est lui-même avalé, il est difficile ne pas y apercevoir la représentation moderne de Jack tuant le géant.
Seulement, le protagoniste du conte de Matt Copson est voué à un tout autre destin : malheureux et cyclique. Si le bébé ne cesse d’assimiler ce qui lui est offert, la leçon, elle, ne l’est jamais. Nous sommes confrontés à son besoin perpétuel de surconsommation, qui le mène sans cesse à sa perte : c’est là tout le fatalisme de la vie humaine exposé brutalement en une dizaine de minutes. Face au mur blanc où l’enfant grandit, notre corps se révèle éminemment impuissant. La taille surdimensionnée du bébé met en lumière notre petitesse, alors même que nous sommes tapis dans l’ombre. Comme le bébé explose et recouvre son état originel, nous nous rappelons aussi que nous sommes des êtres finis, et que la vie continue après nous, encore et encore, avec les mêmes erreurs. « Progress is fake », entendions-nous résonner dans la salle.
La notion de progrès artificiel est aussi introduite par l’installation elle-même, hautement technologique. Outre les animations laser, divers effets sonores contribuent à instaurer une ambiance virtuelle. Dans la salle obscure, où les points de repère se font rares, nous nous interrogeons dès lors sur notre propre condition, sur notre devenir dans un monde en constante transformation, au travers d’un dialogue avec un enfant, qui lui aussi, et comme tous, grandit trop vite.
Matt Copson
Age Of Coming
Clearing
311 avenue Van Volxem
1990 Forest
Jusqu’au 23 octobre
Du mardi au samedi de 10h à 18h
http://www.c-l-e-a-r-i-n-g.com/
Journaliste
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