Le Musée de la Photographie de Charleroi fête ses 30 ans ce mois-ci. Portrait d’un musée et rencontre avec son directeur, Xavier Canonne.
C’est en 1987 que le Musée de la Photographie est créé et s’installe dans l’ancien carmel néogothique de Mont-sur-Marchienne. Ce musée est un projet porté depuis 1978 par un groupe de photographes dont Georges Vercheval, qui avait ouvert une galerie de photos dans une petite maison au centre de Charleroi. On y trouvait à la fois des photos d’art et des photos témoignant de l'histoire de la ville et de la région industrielle de Charleroi. A l’époque, la photographie n’est pas encore considérée comme un art et il n’existe en Belgique ni musée ni galeries dédiés à cette discipline.
Au moment de la fédéralisation de la Belgique en 1970, on a voulu répartir les compétences, chaque Communauté avec sa langue et sa culture. C’est l’existence de la galerie de photos à Charleroi qui a prévalu au choix de cette localisation, puisque la Communauté française avait choisi de s’appuyer sur les initiatives locales. Bruxelles a hérité du théâtre, Tournai de la tapisserie, le Centre et La Louvière de la gravure. De cette manière, les musées étaient intégrés dans un vécu et un tissu social.
Autour du cloître central de ce carmel, le musée s’adjoint en 1993 de nouvelles réserves et la climatisation. Xavier Canonne en devient le directeur en 2000. Celui-ci a travaillé au Service des Arts plastiques de la Province de Hainaut de 1987 à 2000. Il est professeur d’histoire de la photographie, de cinéma et d’image artistique moderne à l’UCL Mons et à l’Ecole supérieure d’Arts de Mons. C’est lui qui porte le projet de l’agrandissement du musée, avec une nouvelle aile inaugurée en 2008, amenant la superficie du musée à 6.000 m2, dont 3.000 accessibles au public - espaces d’exposition, café, bibliothèque, boutique - dont 2.200 destinés aux expositions. Le parc à l’arrière est ouvert au public.
"Les années 2012 à 2016 furent très difficiles pour le musée, en raison notamment de la fuite des budgets de la Fédération Wallonie-Bruxelles vers Mons 2015. Le budget des acquisitions, entre autres, est considérablement raboté, puis supprimé. En 2016, nous avons organisé une vente aux enchères, avec plus de 184 pièces offertes par des photographes et des privés. Celle-ci fut très médiatisée et rencontra un franc succès avec un résultat de 130.000 €, ce qui permit de renflouer les caisses. Elle a permis aussi d’attirer l’attention de la ministre de la culture sur les difficultés de notre musée."
Aujourd'hui, comment le musée est-il financé ?
"Il nous faut 1,5 à 1,6 million d’euros par an. La Région wallonne nous soutient via des aides à l’emploi. La Fédération Wallonie-Bruxelles a récemment augmenté son soutien. La Ville de Charleroi nous donne 65.000 €. Nous avons au départ un déficit de 25 % chaque année qu’il faut combler en entrées propres. La billetterie, la boutique et la location d’expositions complètent notre budget. Le musée emploie 35 personnes pour 28 équivalents temps plein. Nous sommes aussi soutenus par la Loterie Nationale, l’Association des Amis du Musée ainsi que par des sponsors comme Nikon, Sigma, etc."
Comment exposez-vous les photographies ?
"Les collections permanentes sont exposées avec un roulement tous les cinq ou six mois. On y présente l’histoire de la photographie, avec les différentes techniques, de manière pédagogique, puis les collections de façon chronologique, de l’apparition de la photo vers 1840 jusqu’à 1980. De plus, nous présentons trois à cinq expositions temporaires tous les quatre mois. Trois grandes plus une ou deux plus petites. Ce qui fait plus de 12 expositions par an."
Concernant les acquisitions ?
"Le budget annuel est de 60.000 €. Que choisir ? Il faut définir les besoins du musée, les thématiques dans les acquisitions, ainsi qu’être attentif aux opportunités sur le marché. Pourquoi cette photo-là ? Choisit-on une image ou une signature ? Les questions à se poser à propos d’une photographie sont : Est-ce que ça tient ? Est-ce cohérent ? Cela fera-t-il sens auprès des gens ? Pour quels publics ? Les initiés, le grand public, les praticiens, les écoles, les écoles d’art ? Avec quoi cela vient-il s’articuler en notre collection ?"
Quelles catégories de photographies choisissez-vous ?
"C’est difficile de fixer les catégories. Reportage, document, artistique... Le genre va évoluer dans le temps, suivant le regard du spectateur et de son époque. Par exemple, Eugène Atget est aujourd’hui considéré comme le témoin d’une époque. Il amène un regard sur la photographie entre le vernaculaire, le document et l’œuvre.
Si une photo ne nous apprend pas quelque chose, elle n’est pas intéressante. La photo n’est pas une fin mais bien le point de départ d’une réflexion. Beaucoup de photos sont prises au piège de leur apparence. Il faut dépasser le seuil de l’image, dépasser l’illustration. L’image doit être une énigme, qui ne doit pas nous permettre de nous contenter de ce que l’on voit mais de rechercher ce qu’il y a derrière."
Recevez-vous des donations via des personnes privées ou des successions ? A quoi faut-il être attentif lors de l’acceptation de ces dons ?
"Tout d’abord, il faut que les photographies proposées aient un intérêt. Il faut que nous ayons les moyens réels de conserver ce don. Ensuite, il faut qu’il y ait une cohérence avec le reste de la collection."
Un exemple ?
"En 2005, nous avons reçu la donation Piron, qui représente trois générations de photographes namurois. 300.000 photos et plaques de verre, soit 17 palettes ! Ce fond, très intéressant, nous oblige à refuser une éventuelle autre donation de la même taille. Uniquement pour une raison de place. Il a fallu s’interroger : est-on capable de répondre à l’attente du donateur ? Le traitement de cette donation a occupé deux personnes durant deux ans. Ensuite, il faut entamer une étude scientifique, à partir d’un fait, d’une ville, mais aussi du matériau même de la photographie."
Fondatrice
Voir et regarder l’art. Puis transformer en mots cette expérience première, qui est comme une respiration. « L’écriture permet de transmuter ce que l’œil a vu. Ce processus me fascine. » Philosophe et sculptrice de formation, elle a été journaliste entre autres pour L’Echo, Marianne Belgique et M Belgique. Elle revendique de pouvoir écrire dans un style à la fois accessible et subjectif. La critique est permise ! Elle écrit sur l’art, la politique culturelle, l’évolution des musées et sur la manière de montrer l’art. Elle est aussi artiste. Elle a fondé le magazine Mu in the City en 2014.
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