Le musée d'Ixelles grandit

Muriel de Crayencour
16 janvier 2018

Le Musée d'Ixelles fermera ses portes début mars pour trois ans pour restructuration et rénovation. Une aventure pour ce petit musée communal qui, ces dix dernières années, a déployé plusieurs expositions par an dont certaines ont voyagé à l'international. Dans ses réserves riches de 12 000 œuvres, une vingtaine de Delvaux, entre autres, qui sont régulièrement prêtés pour des expositions. La rétrospective Doisneau, actuellement, celle de Gao Xingjian, de Vasarely, des expositions comme Nervia/Laethem-Saint-Martin, Duane Hanson ont mis le musée sur la carte européenne. Une nouvelle phase se prépare, dont les étapes ont été présentées hier par la bourgmestre d'Ixelles, les échevins de la Culture et des Travaux publics, ainsi que par l'équipe du musée.

Ouvert en 1892 dans les bâtiments d'un ancien abattoir, le Musée d'Ixelles a vu le jour suite à une importante donation, celle d'un peintre animalier, Edmond de Praetere (1826-1888). En 1893, on construit une salle des fêtes destinée aux remises des prix, concerts, bals. Au début du XXe siècle, le musée reçoit de nombreux dons ; celui de Léon Gauchez - marchand, collectionneur et critique d'art -, de Friz Toussaint - peintre, collectionneur et mécène. Lors de la Seconde Guerre mondiale, le musée entrepose ses œuvres à la Banque nationale. Il sera occupé par le service de ravitaillement. A partir de 1949, le musée subit une profonde rénovation pour rouvrir enfin en 1952.

C'est le conservateur Jean Coquelet, arrivé en 1957, qui fait entrer le musée dans la modernité. Il organise une politique dynamique d'expositions : René Magritte en 1959, Spilliaert en 1961, Delvaux en 1967. Avec l'exposition Je-Nous en 1975, il réunit pour la première fois en Belgique des œuvres de Ben, Boltanski, Christo, Daniel Buren, Josef Beuys, Robert Filiou, Spoeri.

Une nouvelle aile est construite en 1973, avec une réserve en sous-sol, une salle d'exposition et des bureaux à l'étage. Nicole d'Huart, conservatrice de 1987 à 2007, organise des expositions thématiques d'envergure internationale, comme L'Impressionnisme et le Fauvisme en Belgique, Turner en Europe, ou encore Le sphynx de Vienne. Freud, l'art en l'archéologie.

Depuis 2007, c'est Claire Leblanc qui officie comme conservatrice. Les collections permanentes, les expositions temporaires, sont autant d'occasion de mettre en avant une sélection précise d'artistes belges et internationaux. Paul Delvaux, Walter Leblanc et Jef Verheyen,  mais aussi, dans les petites salles Mig Quinet, Elie BorgraveAlfred Courtens, Juan d'Oultremont, Delphine, Johan Van Mullen. Les artistes belges actuels n'ayant finalement que ce musée-ci à Bruxelles pour exposer, à moins d'avoir un parcours international comme Jan Fabre, chouchou des MRBAB. Nous en parlions déjà ici.

A la fin de l’expo Doisneau, qui a déjà accueilli aujourd’hui plus de 50 000 personnes, le musée fermera ses portes pour 3 années. Les espaces seront revus et on y annexera l’ancienne gendarmerie voisine ainsi qu’un jardin. C’est le bureau B-architecten qui s’est chargé de repenser les espaces. Sven Grooten explique : " L’entrée du musée est peu visible, celui-ci est, comme introverti, fermé sur lui-même. Nous avons prévu de rendre cette entrée plus visible et ouverte sur le quartier. Les espaces d’accueil - billetterie, shop, cafétéria, etc - seront regroupés dans ce premier vaste espace qui mènera vers les collections, les expositions mais aussi vers le jardin de sculptures. L’ancienne gendarmerie accueillera les ateliers techniques du musée (bois, papier). "

La Commune investit 2,5 millions d’euros dans cette restructuration, dont une partie constituée d’un don important ", détaille Yves de Jonghe d’Ardoye, échevin de la Culture.

 

Une équipe investie


" Pour nous, cette fermeture est l’occasion de prendre un virage important, détaille Claire Leblanc, la conservatrice. Durant ces trois années de fermeture, nous allons pouvoir préparer l’avenir. Tout d’abord en repensant, en reconceptualisant le musée. Qu’est-ce qui fonctionne ? Qu’est-ce qui ne fonctionne pas ? Tant dans notre programmation que dans la vie administrative du musée. Ensuite, nous allons profiter de ce temps pour mettre à jour notre base de données des œuvres et des collections. Ce recensement se fera à l’aide d’un nouveau programme informatique et l’équipe technique sera formée pour cette mission. Des expositions hors-les-murs continueront à être organisées, comme celle sur Toulouse-Lautrec actuellement à Madrid. Et enfin, nous allons préparer la réouverture. Notre objectif étant de positionner le musée comme un lieu phare dans la ville sans rupture brusque. "

Le musée est depuis longtemps attentif à tous ses publics, on le sait. Pointons l’extraordinaire petite exposition interactive Hop ! à destination des enfants, ouverte actuellement dans les salles arrière du musée. Cette attention sera présente lors du week-end de fermeture du 2 au 4 mars. Last Call sera l’occasion pour les habitués, jeunes travailleurs, familles, habitants du quartier ou autres de profiter d’ateliers, spectacles, concerts et autres activités festives. Durant la première année de fermeture, 10 habitants du quartier pourront accueillir chez eux durant un week-end une œuvre du musée. Ce projet Musée chez soi sera un occasion passionnante de faire vivre l’art dans le quartier, jusque dans l’intimité des maisons. D'autres actions seront prévues.

Un musée dans la ville


Au moment où l'on parle beaucoup du projet Kanal au Citroën, comment un musée communal comme celui d'Ixelles peut-il se positionner ? " Peut-être que leur programmation va nous titiller, et nous obliger à nous positionner... mais je ne crois pas que nous allions nous marcher sur les pieds ", commente Claire Leblanc.

Il nous semble qu'un musée communal, qui ne doit en référer qu'à une seule entité, a plus de facilités à déployer ses projets. Le projet Kanal est imbibé de politique et est, de ce fait, un paquebot très difficile à manœuvrer. Nous apprécions d'autant plus le projet du Musée d'Ixelles, qui a sa place dans le paysage urbain, auprès des habitants et des visiteurs. Sa rénovation et son agrandissement sont d'excellentes nouvelles. Nous en suivrons toutes les étapes avec interêt.

Muriel de Crayencour

Fondatrice

Voir et regarder l’art. Puis transformer en mots cette expérience première, qui est comme une respiration. « L’écriture permet de transmuter ce que l’œil a vu. Ce processus me fascine. » Philosophe et sculptrice de formation, elle a été journaliste entre autres pour L’Echo, Marianne Belgique et M Belgique. Elle revendique de pouvoir écrire dans un style à la fois accessible et subjectif. La critique est permise ! Elle écrit sur l’art, la politique culturelle, l’évolution des musées et sur la manière de montrer l’art. Elle est aussi artiste. Elle a fondé le magazine Mu in the City en 2014.

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