La Lee-Bauwens Gallery souffle dix bougies avec Dix ans déjà, une exposition anniversaire retraçant une décennie de découvertes et de rencontres artistiques avec une centaine d’œvres. Pour l’occasion, elle investit la Maison Noire (Zwart Huis) à Knokke et réunit les principaux travaux d’une quinzaine d’artistes coréens et européens, créateurs confirmés comme plus jeunes talents, issus des accrochages précédents.
L'histoire est belle. À l’origine, il y a eu cette première rencontre entre Min Young Lee et Gil Bauwens. Quelques mois plus tard, le couple belgo-coréen décidait de se lancer dans l’aventure d’une galerie d’art. Ils ouvrent au public leur propre appartement, une ancienne imprimerie de la fin du 19e siècle tout près du parc Duden à Forest. Chacun apportant et transmettant son expérience de manière singulière.
La ligne de la galerie est venue naturellement, Min Young Lee ayant été commissaire d’exposition dans un musée de Corée du Sud. Alternant les expositions in situ et les projets hors les murs, elle s’est donné pour but de bâtir des ponts entre deux parties du monde, entre la création contemporaine de Corée du Sud et la scène européenne. Elle nous fait régulièrement découvrir des artistes coréens et, à l’inverse, montre aussi là-bas des artistes européens, en étroite collaboration avec les institutions culturelles et muséales. L’objectif est de faire converger des formes d’expression lointaines, traduction plastique d’autres sensibilités parfois montrées en solo, parfois en regards croisés ralliant imaginaires et horizons divers, certains œuvrant à la synthèse entre l'esprit traditionnel coréen et l'abstraction occidentale.
La galerie est pensée pour favoriser les rencontres entre le public et les œuvres dans un lieu vivant, avec l’envie de faire résonner et de mettre en perspective architecture du passé et œuvres contemporaines dans un seul et même lieu. « Parce qu’il nous tient à cœur de montrer qu’un lieu d’art doit d’abord être un lieu de rencontre, de dialogue ainsi qu’une expérience immersive », souligne le duo. Et en effet, ils ont sans aucun doute ce petit quelque chose qui rapproche et crée des liens.
Cette fois-ci, le tandem belgo-coréen met le cap sur la côte belge pour une belle exposition anniversaire fêtant dix ans de passion, de rencontres, de découvertes et de lieux. « Durant ces dix années, nous avons eu la chance d’accueillir des œuvres incarnées et captivantes d’artistes reconnus et influents ou bien de créateurs émergents qui nous ont confié leur travail. Nos coups de cœur ont été choisis autant pour leur talent que pour leur humanité », expliquent Gil et My Lee.
Le choix pour cette exposition anniversaire de ce lieu emblématique qu’est la Zwart Huis s’impose comme une évidence. Conçue en 1924 par l’architecte Huib Hoste, un des grands noms de l'architecture moderniste en Belgique, restaurée de fond en comble en 1999-2000 et classée par la suite, c'est une maison chargée d’histoire et d’histoires. Elle devient donc, pendant tout le mois de mai, leur nouvel espace d'exposition et un lieu de coexistence propice aux rencontres. Les visiteurs ont la possibilité de découvrir un bâtiment riche de sens et des artistes réunis dans un dialogue stimulant avec la sobre architecture de la maison. Notons qu'un programme de visites organisées en néerlandais et en français est prévu en parallèle.
L’exposition s’appuie sur quelques pièces d’exception. Médiation et curation impeccables mettent magnifiquement en valeur les artistes montrés. Dès l’entrée, on se retrouve face à un mur avec trois œuvres tridimensionnelles d’Esther Stocker, figure marquante de l’art abstrait géométrique. Fascinée par la notion d’espace, elle travaille avec des structures et des grilles géométriques basées sur des modules répétitifs, en procédant à des expériences spatiales à la limite de l'architecture et de la sculpture.
Ce n’est que la mise en bouche, car à chaque étage, dans chaque pièce, l’exposition amène tout un univers fait de douce abstraction, de rapprochements inusuels, de diversité culturelle. Les artistes choisis explorent l’abstraction en finesse, partent de leur matériau de base pour en révéler les mystères et expriment souvent un état de concentration presque méditatif. Gestes, répétitions, rythmes, matières, tels sont les grands axes qui traversent l’accrochage.
Au premier niveau, notons un Chun Kwan Young royal, une des figures les plus marquantes de la scène coréenne actuelle, les pièces de la plasticienne belge Carole Solvay, installation frémissante dont la matière - des plumes d’oiseaux - anime toute l’œuvre.
Ou bien les livres déconstruits de Jukhee Kwon dont la poésie et l’humour stoppent notre trajectoire.
Parmi les Coréens, retenons également Nam Tchun-Mo, dont l'intensité chromatique et quasi hypnotique des effets de lignes invite à la contemplation. L'artiste est issu du courant Dansaekhwa. Puis également Kim Hym Sik, dont les infimes sillons veinent les surfaces de ses tableaux, la pureté de Moon-Pil Shim, la beauté et l'extrême fragilité de la porcelaine chez Jiana Kim, ou encore Sunghong Min fleurtant avec l'art conceptuel. Par un travail étonnant avec du savon, la virtuosité de Meekyoung Shin s'accompagne d'une réflexion et d’une position critique subtile : une œuvre résiste-t-elle à l’épreuve du déplacement d’une culture à une autre, d’une époque à une autre ?
Parmi les artistes européens, notons également les traits d'Ode Bertrand, articulés et modulés à l'infini, Paola Pezzi, qui amadoue des matériaux les plus ordinaires, Javier León Pérez et sa prédilection pour le papier washi, les photos de Lucas Leffler, jeune artiste prometteur, les compositions géométriques de Jeanine Cohen et, avec une émotion toute particulière, Maurice Frydman récemment disparu. Ensemble, ils illuminent l’espace de leur énergie et de leur magie pendant un mois.
Une exposition évènement incontournable à Knokke, l’agrément d’une sortie sur la côte se mêlant à l’intérêt d’un parcours artistique passionnant dans un lieu utilisé comme jamais. À découvrir jusqu’au 29 mai !
Dix ans déjà !
Lee-Bauwens Gallery
Zwart Huis
Dumortierlaan, 8
8300 Knokke
Jusqu'au 29 mai
Du mercredi au dimanche, de 11h à 18h00
Lee-Bauwens Gallery
Rédactrice
Traductrice puis pédagogue de formation, depuis toujours sensible à ce vaste continent qu’est l’art. Elle poursuit des études de sociologie et d’histoire de l’art avant de relever le défi de dire avec des mots ce que les artistes disent sans mots. Une tâche d’interprète en somme entre deux langages distincts. Partager le frisson artistique et transmettre l’expérience esthétique et cet autre rapport au monde avec clarté au lecteur, c’est une chance. Une sorte de mission dont elle nourrit ses textes.
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