Pour sa première rétrospective belge, Leen Voet rassemble au M Museum Leuven différentes séries où elle joue avec les couleurs et les formes pour tester le regard du spectateur et son attachement affectif à l'œuvre d'art.
Comme un parcours parsemé de portes, de fenêtres et de paysages, l'exposition de rétrospective de Leen Voet au Musée M de Louvain est un catalogue ludique. Une tentative d'objectiver par une transformation, entre l'abstrait et le géométrique, des souvenirs, des images et des objets qui font son monde. Leen Voet aime bien travailler par série. Par la répétition et l'application systématique de grilles de motifs et de couleurs, elle « épuise » son sujet pour le transformer et faire apparaître une nouvelle réalité figurative. Derrière chaque série, il y a un concept assez simple qui n'est jamais un carcan mais plutôt un guide.
Les 12 grands tableaux de la série Alda & Armand sont des variations sur les motifs de quatre essuies de cuisine promotionnels aux motifs floraux et végétaux. Il s'agit pour Leen Voet d'objets communs qui faisaient partie du quotidien familial depuis ses 12 ans. C'est sa mère, Alda, qui les avait reçus lors d'une foire alimentaire, et c'est son père, Armand, qui les lui a transmis à la condition qu'elle en fasse une peinture.
Dans une autre série de petits dessins à l'aquarelle, elle peint des objets qu'elle collectionne, des objets en bois, sans valeur artistique, un cerf, un cactus, une tête, qui quittent l'anonymat pour l'unicité de l'œuvre. C'est la série Je fais ce que je veux, inspirée par le passage de Bourvil dans une émission télé de Jacqueline Joubert dans les années 1960, où il chantait une ritournelle ironique sur les vertus de mariage. Déjà présentée en partie chez Baronian en 2022, elle bénéficie ici d'une installation où, aux toiles accrochées au mur, répondent des portes aux motifs géométriques colorés qui se dressent dans l'espace dans un dédale de couleurs, où les pas du visiteur peuvent se glisser dans ceux du chansonnier.
Dans la série Bert Vandael, du nom de son prof de peinture en humanités artistiques à Turnhout, l'artiste reprend systématiquement des aquarelles qu'elle avait réalisées pour le cours lorsqu'elle était adolescente, pour en donner une nouvelle version. Des aplats de couleurs vives, des zigzags électriques, des lignes de boucles, des hachures prennent la place du sage paysage ou de la paisible nature morte. L'original et sa version contemporaine sont disposés côte à côte, ce qui permet de voir jusqu'où peut aller la transformation. Par cette relecture radicale, elle pose aussi la question du statut de l'œuvre d'art et de son pouvoir transformateur.
Dans l'installation Sainte-Rita, Leen Voet présente des intérieurs d'église sur des toiles sans cadre qui pendent comme une feuille de papier ou un linceul. Comme toujours avec l'artiste, le traitement coloré ne cherche pas la fidélité au réel. Des couleurs vives qu'elle applique sans tenir compte de la perspective ou des jeux d'ombre avec un effet très pop. Une série dans laquelle l'artiste n'exprime pas de rejet ou de critique de l'Eglise, mais plutôt une fascination pour les intérieurs des lieux de culte construits entre les années 1930 et 1960 et des objets de rituel qu'ils contiennent.
La série Felix se compose de 774 dessins au crayon, de format A4, placés côte à côte sur des panneaux et sur des murs. Il s'agit de la totalité de l'œuvre du peintre Felix De Boeck, conservée au FelixArt Museum, le musée qui lui est consacré à Drogenbos. Elle s'est imposé cette méthodologie systématique comme une réflexion expérimentale et critique sur le système de cercles et de droites sécantes que Felix De Boeck s'était imposé lui-même dans son œuvre.
Pour la dernière série, Bernard, Paul et Constant, logée dans la lumineuse salle sous les combles, Leen Voet a répondu à la demande du musée de réaliser un travail à partir d'une ou plusieurs pièces de leur collection. L'artiste s'est alors inspirée de trois œuvres du XIXe siècle où les peintres mettaient en scène leur atelier. Les peintres, dont elle n'a retenu que le prénom, ont disparu de leur atelier où ne subsistent que des éléments de mobilier basiques ou la silhouette schématique d'un modèle, présence passive d'un corps chosifié. La palette réduite aux couleurs de base, rouge, jaune, bleu, noir et gris et le jeu de formes et de surfaces schématiques dynamitent l'idée de représentation qu'accentue encore la présentation de certaines peintures à plat sur des tréteaux. Entre l'atelier du peintre et de la peintre, et la toile, il y a quelques coups de pinceau. Et tout un monde de formes et de couleurs façonné par le regard.
Leen Voet
M Museum
Leopold Vanderkelenstraat, 28
3000 Leuven
Jusqu'au 10 septembre
Du jeudi au mardi de 11h à 18h
Le jeudi jusqu'à 22h
www.mmuseum.be
Rédacteur en chef
Il n’imagine pas un monde sans art. Comment sinon refléter et traduire la beauté, la douceur, la sauvagerie et l’absurdité des mondes d’hier et d’aujourd’hui ? Écrire sur l’art est pour lui un plaisir autant qu’une nécessité. Journaliste indépendant, passionné et curieux de toutes les métamorphoses artistiques, il collabore également à Bruzz et COLLECT
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