Les beaux jours durent deux mois à Louvain-la-Neuve

Gilles Bechet
17 octobre 2017

Pour sa neuvième édition, la Biennale de Louvain-la-Neuve invite 70 artistes belges et internationaux à tester les limites qui nous conditionnent. Sur les murs, les places et dans les halls du quartier du Biéreau, c’est un portrait fragmenté de notre époque qui prend forme.

Dans l’espace public aujourd’hui, les artistes sont devenus des intrus invisibles. Les commandes réduites comme peau de chagrin et les murs, places et voiries de nos villes envahies de multiples images et installations n’ayant rien d’artistique, les artistes, quand leur présence est tolérée, n’ont plus qu’à s’imposer et à émerger du brouillard visuel ambiant. Et puis, il y a les manifestations d’art public qui changent le centre de gravité du regard par une diversité de propositions artistiques qui percolent dans le réel.

Le cœur historique

La Biennale de Louvain-la-Neuve en est à sa 9e édition. Ses commissaires, Angel Vergara et Joël Benzakin, ont suggéré aux artistes de travailler dans une « esthétique des moyens disponibles », une thématique dans l’air du temps qui creuse l’idée des limites liées aux ressources, à l’expression, aux pratiques et au rôle de l’artiste.

Le parcours se concentre dans le cœur historique de la ville nouvelle avec comme épicentre la librairie logée au bas du musée L, l’emblématique bâtiment d'André Jacqmain. Il est vivement conseillé de s’y procurer le guide du visiteur car, sur site, les œuvres ne sont ni signalées ni identifiées. D’autant plus quand ce sont des performances ou des actions interactives. Comme toujours, la thématique générale est un point de départ et non un point d’arrivée. Les installations, images, vidéos et performances que proposent les 70 artistes belges et internationaux invités traduisent à des degrés divers les tensions entre l’homme et son environnement.

 

Anthropocène malmené

Timidement, la nature prend sa revanche avec la Forêt fantôme de Sophie Whettnall qui capte les ombres des arbres disparus. Helena Schmidt capte des comptines enfantines enfouies dans la curieuse excroissance d’un arbre. Michel François s’est installé dans les serres du Earth and Life Institute pour y mettre en scène, avec Transgenic Music Hall, un ballet d’épis de maïs décharnés emportés par le souffle d’un gros ventilateur. David Claerbout ne croit plus trop en l’homme dans sa vidéo The Pure Necessity, où il a redessiné Le Livre de la Jungle en libérant les animaux des chansons et autres cabrioles anthropomorphes. Les visions de notre anthropocène malmené ne sont pas toujours des plus réjouissantes. Mathias Kessler et sa photo aérienne de la ville la plus polluée des Etats-Unis, Hervé Le Nost et son amas de plastiglomérats et autres sédiments marins échoués sur une plage, en témoignent. Pour en sortir, il nous faudra bien le radeau de brindilles d’Erwan Mahéo, mais il n’y aura pas de place pour tout le monde.

La persévérance humaine

Pas mal d’artistes ont joué le jeu en puisant dans les moyens disponibles sur place. Igor Antic a érigé une pyramide philosophe en assemblant près de 200.000 chewing-gums mâchés. Krijn de Koning a récupéré des débris de chantier oubliés dans un local de service technique pour les installer en plein air avec des touches de peinture verte. De manière détournée, le sculpteur Dougie Eynon s’est intéressé, lui, au matériau humain en demandant à des mal-voyants de se représenter en sculptures de plasticine qu’il a ensuite reproduites et agrandies en bronze. Lucia Bru voulait poser son amas de pierres dans une petite serre inutilisée. Comme cela lui a été refusé, elle a amassé son tas devant la porte. Les limites n’en sont que plus claires. Dans sa pièce Oh les beaux jours, Samuel Beckett rend un hommage ambigu à la persévérance humaine. Son avenir est incertain. Surtout s’il s’imagine plus fort que la nature.

Oh les beaux jours !
Biennale9
Quartier du Biéreau
Louvain-la Neuve
Jusqu'au 10 décembre
www.ohlesbeauxjours.be

 

Gilles Bechet

Rédacteur en chef

Il n’imagine pas un monde sans art. Comment sinon refléter et traduire la beauté, la douceur, la sauvagerie et l’absurdité des mondes d’hier et d’aujourd’hui ? Écrire sur l’art est pour lui un plaisir autant qu’une nécessité. Journaliste indépendant, passionné et curieux de toutes les métamorphoses artistiques, il collabore également à Bruzz et COLLECT

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