En hommage à l'artiste qui nous a quittés ce mercredi 13 juillet, revoici l'article paru en 2015 lors de son expo au Mac's.
Impressionnante exposition qui vient de s’ouvrir au Mac’s du Grand-Hornu : Christian Boltanski y a installé sur plus de 5 000 m2 plusieurs installations spectaculaires, qui n’en font qu’une, comme un voyage au fil de la mémoire et de l’absence. “C’est l’exposition dans son ensemble qui est l’œuvre. Le visiteur est à l’intérieur de l’objet qui est l’exposition”, explique l’artiste. C'est sa première grande exposition muséale en Belgique.
Christian Boltanski, né en 1944, est un artiste français. Il arrête l’école à 13 ans et commence à peindre de grands tableaux expressionnistes. "Enfant, j’étais spécial, raconte-t-il. Mes parents ont essayé de me mettre dans plusieurs écoles, je m’enfuyais et on me retrouvait dans la rue en train de crier. Vers 12-13 ans, ils ont finalement décidé de m’enlever de l’école. Je restais à la maison. J’étais un garçon calme, je passais mes journées à compter les voitures et toutes sortes de petits amusements comme ça. Un jour j’ai fait un truc en pâte à modeler et mon frère m’a dit que c’était beau. C’était la première fois qu’on me disait que j’avais fait une chose bien. Mes parents m’ont alors acheté de la peinture, des grands panneaux de bois et j’ai fait des centaines de tableaux. J’ai toujours été très actif et comme j’étais incapable de me servir du langage et de l’écriture, il a fallu que cela passe par la chose visuelle. C’est un hasard si je ne suis pas fou. Petit à petit, l’art m’a guéri ", raconte l'artiste. Aujourd’hui photographe, sculpteur et cinéaste, connu avant tout pour ses installations, il se définit lui-même comme peintre, bien qu'il ait depuis longtemps abandonné ce support.
Pénétrons d’abord dans l’immense grenier à foin : y est présentée une monumentale installation, un mur constitué de boîtes de métal (anciennes boîtes à biscuits) dont certaines sont garnies d’une photo et d’une étiquette avec un nom. Boltanski utilise les boîtes à biscuits de manière récurrente dans son travail. Les Registres du Grand-Hornu ont été créés en 1997 spécialement pour les anciens charbonnages et font partie de la collection de la Fédération Wallonie-Bruxelles depuis cette date. Boltanski y convoque les mineurs qui travaillèrent sur le site. Les noms sur les étiquettes proviennent des cahiers de travail conservés dans les archives des charbonnages de la région.
La visite se poursuit dans une autre aile du musée. On plonge dans une salle où pendent des dizaines de manteaux noirs. Certains sont mobiles puisqu’ils circulent via un rail. Pour traverser, il faut se laisser effleurer par ces manteaux vides, étranges, inquiétants. On se croirait au centre d’une scène de film noir. Nommée La salle des pendus, cette installation fait référence au vestiaire des mineurs. Avant d’entrer dans la mine, ils suspendaient leur manteau au plafond par un crochet, en hauteur. Ici, plus que les mineurs, ce qui est prégnant c’est la présence en pointillés de multiples humains oubliés ou morts, qui ont porté chacun un de ces vêtements noirs.
Le noir encore pour, dans la salle suivante, un tas géant de vêtements, référence évidente aux terrils qu’on trouve dans la région. Présenté dans la pénombre, touchant presque le plafond, surmonté d’une unique source de lumière zénithale, c’est un monument à l’oubli, à l’abandon, à l’effacement. On y voit aussi une référence à l’Holocauste. Au fil de l’exposition, on ne trouve aucun cartel. Pas d’explication. Aucun mot. Boltanski est un homme du silence, de l’absence de mots.
Pointons aussi la collection de battements de cœurs, à laquelle l’artiste s’attelle depuis 2000. Dans la seule installation sonorisée, ces battements rythment la lumière d’une seule ampoule, qui pend du plafond et qui s’allume et s’éteint. Le visiteur, au centre de celle-ci, se trouve envahi par cette atmosphère dramatique, ce comptage sonore que nos entrailles connaissent.
“L’art n’est pas fait pour être beau, il est fait pour poser des questions et procurer des émotions”, dit encore Christian Boltanski.
Christian Boltanski
La salle des pendus
Mac's
Grand-Hornu
82 rue Sainte-Louise
7301 Hornu
Du mardi au dimanche de 10h à 18h
Jusqu'au 16 août 2015
www.mac-s.be
Fondatrice
Voir et regarder l’art. Puis transformer en mots cette expérience première, qui est comme une respiration. « L’écriture permet de transmuter ce que l’œil a vu. Ce processus me fascine. » Philosophe et sculptrice de formation, elle a été journaliste entre autres pour L’Echo, Marianne Belgique et M Belgique. Elle revendique de pouvoir écrire dans un style à la fois accessible et subjectif. La critique est permise ! Elle écrit sur l’art, la politique culturelle, l’évolution des musées et sur la manière de montrer l’art. Elle est aussi artiste. Elle a fondé le magazine Mu in the City en 2014.
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