Le conte en images de Laurent Busine

Gilles Bechet
17 janvier 2023

Pour marquer son vingtième anniversaire, le MACS du Grand-Hornu a fait appel à son ancien directeur pour concevoir une exposition qui lui ressemble et qui rassemble des mots et des œuvres dans un parcours inattendu.

20 ans déjà. Depuis septembre 2002, le paysage de l'art contemporain en Belgique n'est plus le même. C'est à cette date que l'ancien phalanstère du Grand-Hornu est devenu le MACS, acteur majeur de l'exposition, de l'acquisition, de la lecture et de la médiation des œuvres contemporaines en Fédération Wallonie-Bruxelles. Pour célébrer cette double décennie, le musée a fait appel à Laurent Busine, directeur et âme des lieux jusqu'en 2016, pour concevoir une exposition anniversaire. Fidèle à sa vision du monde, l'homme fuit le spectaculaire pour un parcours à hauteur de femme et d'homme. L'exposition trace un trait d'union entre des œuvres puisées dans les collections du MACS et celles prêtées pour l'occasion par d'autres institutions ou des particuliers. L'art y devient, comme il devrait l'être, un compagnon ou un miroir de la vie, pas un univers complexe et inaccessible lardé de références savantes comme un gigot piqué d'ail.

Au commencement du parcours, une sculpture de Giuseppe Penone, où une bande de terre enroulée comme un ruban de Mœbius s'échappe du soc de la charrue pour fertiliser une enfilade de pots de terre, une métaphore de l'enracinement et de notre lien à la terre. L'impression de familiarité avec les œuvres se nourrit des thématiques embrassées, nos intérieurs domestiques ou anatomiques, nos paysages de promenade, ce qu'on mange et ce qu'on y ramasse, nos souvenirs, le bombé d'une paupière et le profil d'un visage, des herbiers ou des bouquets de fleurs des champs.


Voisinages inattendus

Dans ce parcours poétique conçu comme un conte, tout est accessible, à portée d'émotion. On y croise des œuvres accrochées à l'intuition. Le propre du conte, c'est qu'on ne s'étonne de rien. Ici non plus, on ne s'étonne pas des voisinages inattendus. On se moque des catégories ou des a priori. Ici une vidéo de David Claerbout tient compagnie à une toile d'Henri de Braekeleer ou des photos contemporaines de Juliette Delaporte. Là des dessins d'Ensor, instantanés de mouches et de silhouettes de promeneurs font face aux photos d'un pique-nique naturiste fleuri de Sigmar Polke. Ailleurs encore, une photo de Lewis Carroll avec un conte rejoué dans la nursery côtoie un peinture ricanante de Pierre Bettencourt, des têtes de mineurs de Constantin Meunier ou un énigmatique surgissement de Luc Tuymans. Un dessin de Lise Duclaux est posé à proximité d'une photo de famille ou d'un dessin d'enfant. En fait, peu importe le nom de l'artiste, la date d'exécution de l'œuvre, ce qui compte, c'est la singulière expérience du regard que Laurent Busine invite chaque spectateur à exercer en faisant appel à sa mémoire et à son imagination pour interroger l'expression de l'artiste. Il ne faut pas chercher de logique pour trouver son bonheur au détour des pages d'un livre dansant dans un rayon de soleil, ou d'une planche anatomique du 18e siècle des organes des sens qui ressemble à une œuvre contemporaine à l'humour trash. Ces images glanées çà et là nous montrent à l'évidence que l'art peut se dévoiler partout, dans les pages d'un traité alchimique du 16e siècle ou dans la lumière étrange de la radiographie d'une main baguée.

Le charbonnage du Grand-Hornu a été conçu au 19e siècle comme une utopie sociale et industrielle. Les Fabriques du cœur en font de même avec l'art, marquant l'utopie d'une rencontre entre la spectatrice ou le spectateur et l'œuvre d'un artiste.

 

Les Fabriques du cœur et leur usage
MACS Grand-Hornu
rue Sainte-Louise, 82
7301 Hornu
Jusqu'au 19 mars 2023
Du mardi au dimanche de 10h à 18h
www.mac-s.be

 

Gilles Bechet

Rédacteur en chef

Il n’imagine pas un monde sans art. Comment sinon refléter et traduire la beauté, la douceur, la sauvagerie et l’absurdité des mondes d’hier et d’aujourd’hui ? Écrire sur l’art est pour lui un plaisir autant qu’une nécessité. Journaliste indépendant, passionné et curieux de toutes les métamorphoses artistiques, il collabore également à Bruzz et COLLECT

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