Art’Loft, Lee-Bauwens Gallery nous fait découvrir Mauricio Sbarbaro, un artiste au long cours et une oeuvre inventive, loin des modes et des diktats plastiques. L’ensemble réuni à Bruxelles offre une œuvre multiple où la danse du trait structure l’espace et joue de codes bien établis. Un travail que l’on aime pour ses ombres et ses lumières.
Mauricio Sbarbaro part des principes moteurs du tableau : la ligne, la couleur et la surface. Adepte d’une abstraction issue d’une synthèse figurative, il donne libre cours à une gestuelle graphique qui engendre autant des agencements formels que des mouvements. Le peintre est à la fois spectateur et traducteur d’une réalité qu’il reconstruit en posant des indices. On apprend que ce féru de navigation est épris de la mer, qu’elle est sa compagne de route et qu’il y puise son inspiration.
« L’eau toute seule et la haute mer sont des choses horribles, effarantes, d’une stérilité désagréable. (…) En revanche, le mélange de la terre et de la mer est magnifique – d’une beauté surprenante et continue» écrivait l’auteur catalan Josep Pla. Les traits de Sbarbaro, loin d’être rigides, sont des énigmes et l’on ne sait avec certitude si l’on est en présence de rivages, d’horizons, de voilures ou de coques. La mer et la terre s’entremêlent au point de devenir indistinguables. La ligne, imprévisible et bohémienne, flotte, s’enfuit de la toile et fait naître de nouveaux espaces. Tout est admirablement suggéré. Car l'artiste a cette particularité de nous faire voir l’espace autrement. Par les lignes qui fragmentent la surface de la toile. Par ce jeu qui conduit l’œil vers de nouveaux territoires imaginés lorsqu’il tente de suivre un trait toujours libre au point de parfois fuir le tableau vers d’autres destins. Soit un discours sur l’espace où il nous inclut. Car la volonté de l’artiste est d’attacher notre regard, de nous inviter dans le sillage de ses voyages. L’oeil se perd, l’artiste s’amuse.
Le travail de Mauricio Sbarbaro est empreint d’une fine perception de coloriste. Notre préférence va aux nocturnes, ces minuits monumentaux où tout se tait sur la plaine des eaux. Ces claires ténèbres côtoient des teintes chaudes et onctueuses. Un orange extraverti et incandescent, un rouge flamboyant émouvant, un ocre né dans un moment d’intériorité artistique, tranchent par leur luminosité. Simples, puissants. Remplis de sens car dans le langage marin chaque couleur est fonctionnelle et traduit un code. “La sobriété des rayures noires et blanches permettait de distinguer un marin d’un village d’un autre village” raconte l’artiste. Ses petits formats et ses dessins ont le goût du détail pictural. L'artiste double son registre de peintre d’un travail sculptural dans une suite d’objets peu ou prou hétéroclites. On en dénombre cinq dans l’exposition: maquettes de vaisseaux, marine à trois dimensions pleine de poésie, grilles ouvertes en bois dont l’ombre projetée sur les murs fait naître de nouvelles formes. Il tente par là d’étendre le champ pictural. Avec un caractère d’entre-deux.
Sbarbaro est né à Montevideo (Uruguay) en 1960 où il fait ses études d’architecture tout en se formant à la peinture auprès du peintre Miguel Angel Pareja (1908-1984). Il part pour l’Espagne en 1993. Aujourd'hui, catalan de coeur et d'adoption, il partage son temps entre Cadaqués, balcon sur la Méditerranée, et Barcelone. Son travail a été exposé dans de nombreuses galeries dans son pays natal ainsi qu’au Musée National des Arts Visuels de Montevideo en 1986 et 1991. En Europe, à Londres, en Allemagne, et en France, notamment dans l’Atelier Mondrian à Paris en 2016. La mer en mouvement, couleur et forme. C’est cette simplicité, ce retour à la primitivité, au regard originel, qui nous touchent.
Mauricio Sbarbaro
Sillages
Lee-Bauwens Gallery
36 rue du Charme
1190 Bruxelles
Jusqu’au 22 décembre
Du mardi au samedi de 14h à 18 h
http://www.artloft.eu
Rédactrice
Traductrice puis pédagogue de formation, depuis toujours sensible à ce vaste continent qu’est l’art. Elle poursuit des études de sociologie et d’histoire de l’art avant de relever le défi de dire avec des mots ce que les artistes disent sans mots. Une tâche d’interprète en somme entre deux langages distincts. Partager le frisson artistique et transmettre l’expérience esthétique et cet autre rapport au monde avec clarté au lecteur, c’est une chance. Une sorte de mission dont elle nourrit ses textes.
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