Pour sortir de l’asphyxie des années d’après-guerre, les artistes européens et américains des années 1960 font voler en éclats les codes de l’académisme, entraînant avec eux des faunes hétéroclites désireuses d’en finir avec les vieux modèles. Ainsi naît cette salutaire contre-culture, expression d’une transgression sauvage au-delà des convenances et conduites explicites.
Avec son titre emprunté à Rimbaud, cette exposition – placée sous le commissariat de Denis Gielen, futur directeur du MAC's – réunit des artistes représentatifs de l’art européen de la seconde moitié du XXe siècle. Longtemps décriés, ils sont le reflet de l’éclectisme artistique de l’époque et ils ont, à leur manière, marqué de leur empreinte l’Histoire de l’art par leur singularité et leur dissidence. Rentrer en résistance contre la culture dominante, l’académisme, les mass-médias, l’industrialisation, la morale et la religion, telle est cette histoire qui s’écrit à la marge du faire beau et de l’hégémonie bourgeoise.
Une contre-culture en cinq tableaux
Pour se libérer de l’académisme, Cy Twombly, Mark Tobey et Simon Hantaï réinventent l’écriture plastique dans des entrelacs de signes, griffonnages, grattages et empreintes sur toiles écorchées. Esthétique humoristique du rebus chez Enrico Baj. Dialogue mimétique entre œuvre et support chez Gaston Chaissac. Juxtapositions des profondeurs et ivresse de la transe chez Asger Jorn.
Au milieu des années 1960, des artistes du Land Art et de l’Arte Povera retrouvent un rapport sensible et sensuel à la nature, s’en remettant aux énergies créatives qui en ont façonné les formes. Giuseppe Penone touche au mystère organique des surfaces, lieux de tout contact et de la trace laissée. Dennis Oppenheim joue de l’apesanteur et du déséquilibre alors que Barbara et Michael Leisgen fusionnent avec les lignes du paysage.
La contestation sociale se réapproprie le langage confisqué par la société de consommation et du spectacle pour nous en restituer la poésie. Quand Jacques Villeglé vandalise et violente les affiches où mots et langues s’entrechoquent anarchiquement, d’autres comme Erró s’en servent pour caricaturer un monde insensible aux conflits impérialistes.
Au conformisme des mœurs, les années 1960 opposent une attitude provocante et théâtrale en se jouant des stéréotypes des genres sexuels. C’est l’avènement des androgynes, des travestis, des drag queens, emblèmes de la marginalité. C’est la naissance de la créature sublimée d’une autre faune, comme celle qui se retrouve autour de Warhol. Jack Smith, photographe et cinéaste expérimental, joue des effets de saturation et nous plonge dans un monde excentrique, étrange et presque d’un maniérisme baroque. Nan Goldin touche de l’objectif des drag queens dans une série d’instantanés intimes et complices.
Les sixties, c’est aussi le retour à un art incarné, à l’expression primitive du corps, à l’expérience initiatique, au rite sacrificiel et à la peinture corporelle. Si les Actionnistes viennois en constituent certainement la forme la plus violente avec une esthétique entre vie et mort, on découvre une matérialité étrange et anachronique chez Pierre Bettencourt, des images clachées de peinture et de fusain chez Arnulf Rainer. Dieter Appelt, quant à lui, questionne l’origine des rituels oubliés et le périmètre épidermique de son propre corps en émergence d’une boue originelle.
Parade sauvage a le mérite de présenter des œuvres plutôt underground de l’iconique Pop Art dans un parcours lisible. L’univers propre d’un musée a cependant du mal à restituer l’énergie et l’effervescence de cette époque. Cette exposition n’aurait-elle pas mérité d’envahir tous les espaces du BAM ? Ainsi, tels des voyageurs lointains, à notre tour vagabonds, nous observons ces réminiscences d’une décennie passée, en quête de nos propres débordements et excès en cette époque où s’entrelacent la fin d’un monde et la naissance d’un autre.
Parade Sauvage
BAM – Beaux Arts Mons
8 rue Neuve
7000 Mons
Jusqu’au 24 janvier 2016
Du mardi au dimanche de 10h à 18h
www.polemuseal.mons.be
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