Le temps d’une saison, avec l’exposition Local Heroes, le MIMA fait peau neuve en se métamorphosant en un espace dédié à la boxe. La boxe anglaise est mise à l’honneur au travers de créations artistiques mais aussi de combats prestés par des jeunes talents belges. Cross-over entre art martial et champ des beaux-arts.
Si, depuis des décennies, la boxe s’invite dans la culture populaire, dans le septième art, elle est restée en marge de l’institution muséale, du monde des beaux-arts. L’exposition novatrice, transdisciplinaire, transversale, qui a pour curateurs Raphaël Cruyt et Alice van den Abeele, rompt la séparation des sphères. Local Heroes n’est pas conçu comme un projet sur la boxe, qui convoque le sport par le biais de l’art. Loin de se contenter de présenter des œuvres, des installations, l’espace instaure un dialogue entre sports de combat et créations artistiques afin de penser le croisement, les échos, les différences entre deux disciplines, martiale et esthétique.
La topologie du MIMA se met à l’heure de la boxe en se subdivisant en vestiaire, salle d’entraînement et ring. Les artistes plongent les héros du ring dans une esthétique qui fait parfois songer à la pop culture. C’est le cas avec les affiches de Dave Decat, ses portraits des jeunes boxeurs, mais aussi avec les vêtements de combat conçus par Kenza Vandeput-Taleb. Les photographies d’Édouard Valette mettent en scène les athlètes de la boxe dans un climat poétique, parfois méditatif, tandis que, dans une orgie de couleurs, Rocco Alvarez revisite l’histoire de la boxe, la reconnaissance de la boxe féminine dans les années 1990. Les saisissantes photographies en noir et blanc de Christophe de Béthune révèlent l’entraînement quotidien des boxeurs, la discipline des corps qui se surpassent. Les perspectives et angles d’approche explorent tant la culture, l’héritage d’un sport qui remonte au pugilat, au pancrace chez les Grecs, aux gladiateurs romains que l’enseignement d’un nouage entre le corps et l’esprit au cœur de la boxe. Comment mettre en forme plastiquement des corps en mouvement, qui font l’expérience d’une ritualisation de la violence ? Si certaines œuvres se focalisent sur les séances d’entraînement, sur l’acmé des combats, d’autres donnent à voir les corps au repos, se tenant dans le vestiaire.
Les affiches des stars locales, les films, les portraits en noir et blanc, les installations audio-vidéo in situ de Yannick Jacquet et Antoine Bertin, le stylisme, transforment l’espace molenbeekois en un ring qui permet à l’institution muséale de se redéfinir à coups d’uppercuts, de crochets droits, de s’ouvrir à d’autres territoires. Le langage esthétique ressaisit les fondamentaux d’un sport de combat, les techniques et les visées d’un art martial fondé sur le corps-à-corps, la lutte, l’affrontement compétitif entre deux adversaires, la codification morale de la violence et de sa maîtrise, la philosophie de la victoire sur l’adversaire qu’il s’agit de mettre K.O. Violence et grâce, le ring devient la métaphore de la vie.
À côté des interventions des plasticiens, le MIMA accueille certains jeunes boxeurs belges, des Local heroes qui gagnent le ring ou expliquent leur pratique sportive aux spectateurs. La boxe se vit mais s’écrit aussi en images, en films qui redéploient le lien intime entre entraînement du corps et ascèse de l’esprit. Aux outsiders à la boxe anglaise, qualifiée de « noble art », l’exposition dévoile les coulisses d’un monde de sueur et d’endurance, ouvre les portes sur la fièvre du ring, des cordes, renseigne sur les règles offensives et défensives, les catégories des boxeurs selon leur poids, les gants à lacets, les styles, les légendes locales.
Dans De la boxe, ouvrage de réflexions et de méditations sur les enjeux de la boxe, l’écrivain Joyce Carol Oates écrit « La boxe est notre théâtre tragique. L'individu réduit à lui-même. » C’est à cette théâtralité aussi ludique que profonde que le MIMA nous convie le temps de quelques rounds. En accord avec son nom (MIMA étant l’acronyme de Millennium Iconoclast Museum of Art), il revenait à un musée iconoclaste de briser le temple muséal par le gymnase et le ring.
Local Heroes
MIMA
39-41, quai du Hainaut
1080 Bruxelles
Jusqu’au 28 mai 2023
Du mercredi au vendredi de 10h à 18h
Samedi et dimanche de 11h à 19h
www.mimamuseum.eu
Journaliste
Véronique Bergen est philosophe, romancière et poète. Docteure en Philosophie de l’Université de Paris 8, auteure d’essais philosophiques, dans le champ de l’esthétique, de romans, de recueils de poèmes, de nombreuses monographies sur des plasticiens. Membre de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, elle collabore à diverses revues, notamment des revues d’art.
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