Pour Pluvial Protocol, sa troisième exposition à la Galerie Rodolphe Janssen, Marcel Berlanger questionne, dans une série de peintures réalisées en 2023, les harmoniques esthétiques et conceptuelles de la notion de pluie. Au fil d’un renouvellement de ses moyens et de son langage visuel, il génère des sortilèges picturaux qui font tituber la figuration.
Chaque exposition de Marcel Berlanger est un événement au diapason de la nouvelle pensée de l’image qu’il ne cesse de mettre en œuvre. A première vue, les œuvres au souffle puissant qui sont présentées affichent une épure éloignée du "multiperspectivisme", des jeux sur les illusions d’optique. Le quadrillage des toiles - l'un des opérateurs privilégiés de l’artiste - se voit à son tour déconstruit, débordé par les torsions d’un clinamen qui n’est autre que le mouvement de déclinaison de la pluie, de l’eau.
Le protocole pluvial annoncé par le titre se joue à deux niveaux : au niveau de la présentation d’un phénomène physique ressaisi dans son émergence, sa genèse, son mystère, et au niveau de la traduction plastique qui en est donnée. Travail sur le miroitement, sur le binôme de la profondeur et de la surface, réécriture hypnotique de l’écriture de la pluie… Marcel Berlanger repense et redynamise les virtualités de l’image en déconstruisant l’espace du paysage. Loin d’être encloses dans la cérébralité, ses innovations protocolaires électrisent les sens des spectateurs, bousculent les horizons d’attente, revitalisent l’histoire de l’œil.
L’éblouissement provient de l’art du détournement des codes et des langages acquis et du creusement des strates du visible. Comment saisir, laisser affleurer la dynamique de la pluie, son action painting naturelle ? Présent dans le titre, le terme de protocole renvoie à un double sens. D’une part, il fait signe vers un ensemble de règles structurant un champ particulier, d’autre part, dans le domaine de la paléographie, il désigne le premier feuillet collé sur les rouleaux. La magnificence de la palette de Marcel Berlanger jaillit au confluent d’une double attention : une attention au protocole (active dans les choses et activée dans le regard) et une attention au chaos qui brouille l’ensemble protocolaire des contraintes. On pourrait déceler dans ses œuvres une réélaboration du motif baroque du pli à l’infini que Gilles Deleuze a conceptualisé. De façon exemplaire, les gouttes de pluie exposent combien notre macroperception est le fruit d’une combinaison de microperceptions inconscientes.
Marcel Berlanger
Pluvial Protocol
Rodolphe Janssen
32, rue de Livourne
1050 Bruxelles
Jusqu’au 8 juillet 2023
Du mercredi au vendredi de 10 h à 18h
et le samedi de 14h à 18h
www.rodolphejanssen.com
Journaliste
Véronique Bergen est philosophe, romancière et poète. Docteure en Philosophie de l’Université de Paris 8, auteure d’essais philosophiques, dans le champ de l’esthétique, de romans, de recueils de poèmes, de nombreuses monographies sur des plasticiens. Membre de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, elle collabore à diverses revues, notamment des revues d’art.
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