Les belles et douces couleurs des acryliques de Marion Charlet, qui expose à la Patinoire Royale, donnent l’envie de rentrer dans les toiles pour s’y installer dans leurs canapés colorés ou fauteuils en bambou, y siroter quelque cocktail fluorescent, se baigner dans les eaux turquoise de la piscine ou se prélasser sur un futon douillet.
Bref, l’envie de laisser le temps s’écouler lentement dans un décor de chaleur et d’été. Comme une longue paresse. Même si dans ce cas, il ne s’agit pas vraiment de farniente au sens propre. Bien au contraire. C’est savoir se poser et plutôt faire quelque chose. Mais qui plaît, selon ses envies et en toute tranquillité. L'œuvre de Marion Charlet est donc un éloge à cette paresse-là… D’ailleurs, qui a dit que celle-ci était un vilain défaut ?
Déjà Sénèque et Cicéron parlaient d’Otium, qui est un peu le mot magique pour cette artiste qui expose déjà pour la troisième fois dans les lieux. Cet otium est le temps dédié autant au repos qu’à l’apprentissage et à la liberté, comme une parenthèse qui permet de se recharger les batteries, de faire ce qui nous plaît, loin des préoccupations trop terre à terre du travail, des horaires, de la vie terne et de ses grisailles trépignantes. Le temps libéré évoqué ici par Marion Charlet s’exprime par les couleurs de ses acryliques. C’est celui d’un moment pour soi, dédié à l’art ou à la lecture, aux proches et aux amis, à la créativité en toute sérénité...
Ses couleurs sont autant d’indices évocateurs de chaleur et d’été. Elles s'admirent à travers les stores de ses espaces imaginaires dédiés à la villégiature avec leurs terrasses et piscines à portée de palmes, leurs serviettes de bain posées qui sèchent au soleil plus vite que leur ombre, leurs transats qui attendent le visiteur sous un azur implacable. Voilà donc un petit air de vacances qui s’invite dans cette expo et accroche le regard attiré par autant de toiles colorées aux titres évocateurs : In my bed, Night and day, Sun Cream, Rêveuse, Caresse, Essentiel... On voit d’emblée de quoi l’artiste nous parle.
Les acryliques de cette série, une vingtaine, datent de fin 2021 à début 2023. Les lieux qui sont peints sont des inventions de l'artiste. Des pièces qu’elle a reconstituées à partir de photos et de souvenirs, comme un mélange onirique. Le seul lieu qui existe réellement est ce petit salon de coiffure où elle a seulement ôté quelques objets. L'artiste précise qu’elle a mis beaucoup de temps à peindre cette toile baptisée Essentiel. Avec ses grands miroirs colorés, tout Narcisse qui s’y mirerait ne s’y verrait pas, tant ces miroirs sont occupés par les couleurs qu'ils renvoient. Un peu comme si tout se dérobait. Comme si une image se refusait pour une autre.
« On est toujours dans un intérieur relié à l’extérieur. Parfois, on ne sait pas trop si l’on est dedans ou dehors, et vice versa. Un peu entre les deux, avec des portes toujours ouvertes, comme les stores, les rideaux ou les fenêtres coulissantes comme des cloisons japonaises. Comme si tout cela était un peu irréel ou trop beau pour être vrai… », explique Marion Charlet. L'artiste a développé cette iconographie, presque toujours sans personnages, autour de l’attente, du temps qui passe lentement, de la plage et du ciel bleu, du silence, des activités lentes mais nobles et nécessaires à la construction d’une pensée. Il y a un dialogue entre les tableaux qui expriment la chaleur, la lumière et ce bleu que Marion adore particulièrement.
Elle y déploie également l’idée de plans séquences, un peu comme au cinéma où un long événement va se passer. Ou s’est passé. Certaines toiles sont parsemées de différents objets comme des bouées, des serviettes, des fauteuils, des oreillers. Les rares personnages sont ces deux enfants ou cette personne sur un canapé, autant autobiographiques que chers à l'artiste. Nombre de toiles affichent également et discrètement des références à quelques grands maîtres de la peinture, tels ce Gauguin accroché ou ces murs tordus comme par Dali, etc. Ou simplement les dessins de ses enfants, reproduits par elle dans le coin d’une toile, comme un écho au temps qui passe, à la relation entre les objets, les entre-sorts de l’imagination.
Partout, on sent la chaleur et la lumière. Il est vrai que ces acryliques évoquent l’été avec des couleurs lentement adoucies, comme diluées par le temps qui s’écoule lentement. C’est presque du contemplatif. Marion Charlet, qui a créé ces toiles dans son atelier parisien, conclut : « J’aurais pu appeler cette expo Hommage à la paresse, mais trop " matissien" à mon goût. J'ai donc décidé de donner comme titre de l’expo La paresse n’est pas un vilain défaut, car il y a toujours un peu d’attente et de contemplatif dans mes œuvres, avec toujours ce temps qui passe lentement. » Comme celui de la paresse, justement, que l'on voudrait éternelle…
Marion Charlet
La paresse n’est pas un vilain défaut
La Patinoire Royale (Galerie Valérie Bach)
rue Veydt 15
1060 Saint-Gilles
Jusqu’au 1er avril
Mardi et mercredi, de 14h à 18h
Du jeudi au samedi de 11h à 19h
www.prvbgallery.com
Journaliste
Reporter et photographe pour de nombreux magazines et éditeurs, spécialisé dans le tourisme depuis plus de trente ans et après plus de mille voyages, Eric Valenne a plusieurs cordes à son arc...-en-ciel : la nature, l’architecture et l’art. Tous les arts, en fait. Quand je vois une œuvre d’art qui me plaît, quelle qu’elle soit, je sens vibrer en moi une bonne énergie qui m’inspire et réveille ma créativité. Et si elle ne me plaît pas, c’est que je ne l’ai pas comprise. L’art nous donne une direction, un cap. Vers quoi, aucune idée. Mais c’est comme une boussole qui nous mène à travers la vie.
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