La jeune artiste française Marion Verboom propose son premier solo show bruxellois à La Verrière. Elle nous emmène à la croisée des chemins, entre sculpture, architecture et artisanat. Jusqu’au 22 avril, ses œuvres hybrides font s’entrechoquer les styles pour notre plus grand bonheur.
8 colonnes déroulent leur présence verticale sous les voûtes de La Verrière. On se situe quelque part entre la superbe des péristyles antiques et le chaos hétéroclite des jeux de construction de notre enfance. En empilant ses modules comme autant de cubes, la sculptrice Marion Verboom se joue des collisions entre les styles, les formes et les matières.
Elle n’hésite pas à combiner la transparence d’une roue dentée en résine violette avec les plis d’une collerette très 16e siècle. Ou un bas-relief orné de têtes de vaches avec les irrégularités d’un bloc de plâtre imitation rocaille. Ces totems, entièrement modulables, font partie d’une vaste série entamée en 2016 et intitulée Achronie. Pied de nez au temps qui passe, ode aux vestiges des civilisations disparues, ce cycle propose une archéologie débridée mâtinée de références préhistoriques, antiques, médiévales et contemporaines. Marion Verboom mêle les références comme les lettres d’un alphabet et nous suggère une histoire verticale inédite.
Marion Verboom se définit volontiers comme une bâtisseuse. Originaire des pays de la Loire, elle grandit entourée d’églises et de châteaux et reste fascinée par leurs volumes. D'ailleurs, les modules et motifs qu’elle incorpore à ses œuvres sont directement inspirés de vestiges ou de lieux qu’elle a visités, comme le Palais de Pena à Sintra, ou, plus proche de nous, la statue de Peter Pan du parc d’Egmont. « Ce qui m’intéresse, c’est la mutation des formes, c’est de créer des échos entre les différentes temporalités de l’homme », confiait-elle d’ailleurs dans les Carnets de la création sur France Culture.
Volontiers architectural, son travail emprunte aussi quelque chose aux techniques mixtes de l’artisanat. Verboom imite la texture de la pierre, l’éclat du laiton ou les nuances du bronze avec des matériaux "pauvres" comme le plâtre ou le béton. Un tour de passe-passe matiériste digne d’une alchimiste des temps modernes. Installée dans l'un des coins de la pièce, Cornucopia, sculpture-poutre tout en résine acrylique et poudre de bronze, est un parfait exemple de cet illusionnisme. Un seul coup d’œil suffit à comprendre que le « faire », le modelage, la manipulation et surtout le moulage, font partie intégrante du processus créatif de l'artiste. De part et d’autre de la salle d’exposition, la présence très brute des moules dans lesquels sont coulées ses œuvres renforce cette sensation.
En écho à ces expérimentations matiéristes, six artistes contemporains ont été invités à accorder leur univers à celui de Marion Verboom. Un "solo augmenté" que l'on doit à Joël Riff, curateur de l'exposition et chargé de la programmation de La Verrière depuis peu. Outre les céramiques comme des coquillages de Chloé Vernerey, notons la minéralité de toiles de Maud Maris et la présence du sculpteur Richard Deacon, qui fut le tuteur de Marion Verboom aux Beaux-Arts de Paris. Avec son mobilier tellurique où se blottissent d’étonnants fossiles, le collectif touche-touche fait mouche. Autant de propositions qui font ricocher nos perceptions de structures en textures et forment un écosystème très convaincant.
Marion Verboom
Chryséléphantine
La Verrière Hermès
50 boulevard de Waterloo
1050 Bruxelles
Jusqu’au 22 avril
Du mardi au samedi de 12h à 18h
www.fondationdentreprisehermes.org
Journaliste
Historienne de l’art avec un goût prononcé pour l’art contemporain, Mylène Mistre-Schaal est collaboratrice régulière pour le magazine culturel Novo. Elle écrit également pour le city-magazine français ZUT et pour la revue Hermès. Co-autrice du livre L’Emprise des Sens aux éditions Hazan, elle s’intéresse tout particulièrement aux rapports sans cesse renouvelés entre l’art et les cinq sens.
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