Marthe Donas, au cœur de l’avant-garde

Joost De Geest
16 mars 2016

L’avant-garde en Belgique, c’était le travail d’une artiste anversoise francophone, Marthe Donas. Il a fallu près d'un siècle pour s'en apercevoir. Et autant pour découvrir ses œuvres révolutionnaires – ou ce qu’il en reste. Le Musée des Beaux-Arts de Gand montre ses œuvres dans leur contexte international, les salons d’avant-garde de Berlin, Paris, Genève et Londres.

De 1917 à 1926, Marthe Donas fut une star sur la scène de l’avant-garde européenne. On a pourtant longtemps considéré que la Belgique n’avait joué qu’un rôle secondaire dans l’avant-garde, à cause de l’occupation en 1914-1918 et de l’absence de contacts internationaux. C’est oublier une Anversoise entreprenante comme Marthe Donas, fille de commerçants ayant fui les bombardements en 1914 pour s’établir à Goes et ensuite à La Haye. Elle réussit à atteindre Dublin en 1916 – où elle réalise quelques vitraux d’église – et part ensuite pour Paris. A Anvers, contre l'avis de son père, elle avait suivi des cours de dessin. Elle n’éprouve aucune difficulté ni à Dublin ni à Paris – où elle s’installe à Montparnasse – à s’introduire dans les cercles artistiques. Elle devient l’élève d’André Lhote. A Nice, elle rencontre Archipenko, déjà célèbre, et devient son élève, sa collaboratrice et sa compagne. Etrangement, on ne trouve aucun document personnel à ce sujet mais bien les témoignages de Mondrian, van Doesburg et Tzara. Le talent de Marthe Donas fait impression et elle participe avec succès aux grandes expositions de l’avant-garde en Europe.

Le sommet de sa jeune carrière sera atteint en 1920 avec son exposition dans la galerie berlinoise Der Sturm. L’artiste américaine Katherine Dreier – qui a monté avec Marcel Duchamp et Man Ray la Société Anonyme – y achète quatre tableaux de Donas. Celle-ci expose aussi au Stedelijk Museum à Amsterdam, où un journaliste estime ses six œuvres supérieures à celles de Nathalie Goncharova ou Léopold Survage, jugées trop décoratives. Il est curieux de constater que Marthe change sa signature – sur le conseil d’Archipenko – en Tour d’Onasky. Plus russe et un peu mystérieux ? Sans doute aussi pour effacer le fait qu'elle est une femme et donc censée ne jamais faire carrière dans l’art. Cette stupide mentalité a probablement nui plus qu’on ne le pense à la carrière de Marthe. Après la rupture avec Archipenko, bien qu’elle continue à exposer un peu partout, on constate un certain désarroi et elle abandonne la peinture quelques années plus tard. Mais soulignons aussi que l’avant-garde est tombée dans l’oubli à cette période, pour être redécouverte une génération plus tard.

Marthe ne recommence à peindre qu’autour de 1950, dans un environnement bien belge. En 1963, la parution du livre de Michel Seuphor, L’art abstrait en Flandre et l’exposition à la Hessenhuis suscitent un intérêt nouveau pour l’avant-garde historique. Une reconnaissance bien tardive pour Marthe Donas qui disparaît en 1967. Ce n’est qu’aujourd’hui qu’on se dispute ses rares œuvres de la période 1920, tellement significatives d'une époque où l'on espérait un monde meilleur. Quant à la condition de femme artiste, il y a matière à réflexion : le parcours de Donas montre un immense talent réduit finalement à un provincialisme – plus rassurant ? Allez découvrir sa vraie dimension européenne à Gand !

Marthe Donas
L’avant-gardiste belge
MSK
Fernand Scribedreef 
Citadelpark
9000 Gent
Jusqu’au 5 juin
Du mardi au dimanche de 10h à 18h
http://www.mskgent.be/

 

Joost De Geest

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