Le monde désirable de Michele De Lucchi

Gilles Bechet
13 mai 2023

Au CID du Grand-Hornu, Futuro Gentile présente les objets et les bâtiments du designer et architecte Michele De Lucchi. Un futur à habiter et à partager. Sans attendre. Jusqu'au 27 août.

On n'en avait plus l'habitude, des futurs désirables. Pour Michele De Lucchi, c'était dès le début une évidence, une nécessité même. Si on le connaît surtout pour son travail de designer, notamment au sein du groupe Memphis et d'Alchimia, Michele De Lucchi a commencé par étudier l'architecture à l'Université de Florence dans l'effervescence du mouvement d'architecture radicale. Quand le CID lui a proposé d'exposer au Grand-Hornu, il y a mis une condition : pouvoir y parler du futur. Et des recherches et projets qu'il développe actuellement pour construire un monde meilleur et digne d'être vécu.


Laboratoire de création

Pour l'architecte designer, les mains sont l'outil le plus proche du cerveau et donc le plus directement lié à l'imagination, c'est ce qu'il met en application dans la première section de l'exposition Produzione Privata, qui présente le travail de recherche et d'expérimentation de l'atelier fondé en 1990. Michele De Lucchi et ses collaborateurs ont pu y produire des objets qu'ils n'auraient pas eu la liberté de créer dans un cadre industriel ou sériel.

À l'époque du groupe Memphis, De Lucchi, qui s'occupait de la partie production, avait déjà des contacts avec des artisans qu'il a poursuivis avec l'envie de cultiver l'expérimentation et d'encourager l'artisanat. Travaillant le verre, la céramique, le textile, le bois, le métal et le ready made, ils ont produit des pièces en prototypes ou en séries limitées. « Dans l'artisanat, on se donne la possibilité d'être confronté à des erreurs pour lesquelles on trouve des solutions. »

De ce laboratoire de création sont sortis des vases qui témoignent de sa période Memphis, ou ce tabouret empilable en multiplex de bouleau, conçu comme un objet multifonctionnel, et une sculpture évoquant un totem qui peut aussi servir de porte-manteau, ou encore ces lampes en verre soufflé de Murano, inspirées par la philosophie soufie, pour laquelle la lumière est du même tissu que l'esprit. La petite maison en tapis, conçue comme un élément architectural modulable, a été confectionnée par des communautés de femmes en Inde à partir de 35 dessins réalisés à l'atelier pendant la période de confinement.

Qu'il conçoive un objet ou un bâtiment, Michele De Lucchi le pense en relation avec l'espace et avec les besoins de ses utilisateurs. « Ce sont les objets qui font l'espace et pas l'inverse », précise-t-il.


Usage multifonctionnel

Dans le studio d'AMDL CIRCLE, le temps consacré à la recherche et à l'expérimentation est aussi important que celui consacré aux projets effectivement réalisés. Les deux pratiques s'infusent et se prolongent en permanence. L'architecture doit anticiper et prévoir la transformation des styles de vie, promouvoir le bien-être des personnes et la santé de la planète. Les Earth Stations sont une réponse à ces besoins et à ces constats.

Dans cette série de projets en maquettes, souvent premières ébauches d'un bâtiment, De Lucchi transforme ou hybride les formes pour les rendre à un usage multifonctionnel. Ce qui débouche, par exemple, sur la Station de la montagne, un espace de conférence au sommet d'une montagne, ou la surprenante Station de la couronne, une bibliothèque suspendue entre deux flancs de montagne, comme entre passé et présent.

Dans les Earth stations many hands, il s'inspire des techniques d'artisanat locales et des matériaux, comme le bois, le bambou, l'écorce ou la terre cuite pour imaginer des bâtiments collectifs adaptés à différents climats. Chaque bâtiment que construit le studio est donc l'aboutissement d'une recherche et d'une réflexion très poussées. À titre d'exemple, on peut citer l'UniCredit Pavillon à Milan. Un bâtiment multifonctionnel dont la structure nervurée en poutres de lamellé collé reproduit la forme naturelle d'une graine. Le pavillon Novartis à Bâle est une structure circulaire qui abrite un centre d'éducation et d'information de la firme pharmaceutique. À l'extérieur, une membrane multimédia équipée de cellules photovoltaïques et de lumières LED permet la projection d'images et d'informations.

Dernière recherche du studio, présentée à la Milan Design week de 2022, les Station satellite poussent encore plus loin l'intégration de l'habitat dans son environnement. Ces « architectures fertiles » qui nourrissent les hommes comme la terre, petites structures, serres ou pavillons construits en matériaux naturels, sont pensées pour se transformer au cours du temps et retourner à la terre.

Les Habitations verticales étaient des projets radicaux et paradoxaux d'habitations sans plancher ou avec des planchers inclinés que Michele De Lucchi a réalisés pour conclure ses études d'architecture en 1975. Ces impressionnantes maquettes, qui font aujourd'hui partie des collections du Centre Pompidou, sont une belle manière de montrer la continuité créative et conceptuelle de son travail. « Nous devons être conscients qu'un architecte ne conçoit pas seulement des murs, des formes et des couleurs, mais aussi les comportements qui résultent de l'utilisation des objets et de l'espace. »

 

Michele De Lucchi & AMDL Circle
Futuro Gentile. Un futur aimable
CID Grand-Hornu
Rue Sainte-Louise, 82
7301 Hornu
Jusqu'au 27 août 23
Du mardi au dimanche de 10h à 18h

www.cid-grand-hornu.be

Gilles Bechet

Rédacteur en chef

Il n’imagine pas un monde sans art. Comment sinon refléter et traduire la beauté, la douceur, la sauvagerie et l’absurdité des mondes d’hier et d’aujourd’hui ? Écrire sur l’art est pour lui un plaisir autant qu’une nécessité. Journaliste indépendant, passionné et curieux de toutes les métamorphoses artistiques, il collabore également à Bruzz et COLLECT

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