Mon fils de 3 ans dessine mieux!

Muriel de Crayencour
25 janvier 2014
Un nuage rose sur un fond presque blanc. Flottant en haut à droite d’une grande toile. Tracé au pinceau, en larges cercles vifs et souples. Un dessin d’enfant? Est-ce que la simplicité frontale du motif, la couleur joyeuse et les traits imprécis sont le fait d’un enfant? Le peintre se moque-t-il du spectateur? Mais alors, pourquoi est-ce que je m’arrête devant cette toile de 1 x 1,2M accrochée aux cimaises du Wiels?

Venu de la poésie, le belge Walter Swennen, né en 1946, se met à la peinture dans les années 80.  Tout d’abord, il trace au pinceau les mots de ses poèmes, utilisant la couleur pour les faire baver sur la toile. Il joue avec la matière formelle des mots. Leur signification devient secondaire. Plus tard, il s’inspire de tout ce qui fait son quotidien pour produire une peinture dite vitaliste. Les personnes de bande-dessinée, des motifs banals et naïfs trouvé autour de lui peuplent ses toiles. Le sens n’importe pas, et Swennen tâche de n’y mettre aucune émotion. Il s’agit de trouver le plaisir du geste laché, qui marque la toile. Sans pensées, maniant les couleurs, il peint des motifs éclectiques, comme choisis par hazard,  flottant sur un fond travaillé comme une toile abstraite. Narratives, ses oeuvres se tendent entre représentation visuelle graphique spontanée, frontale et tout un monde d’imprévus et d’imprécisions. Le geste de la main, vivifiant et dansant, n’est pas sans rappeler sur certaines toiles les interrogations chromatiques de Cy Twombly

Alors, ce nuage rouge, facile? Essayez, pour voir. Car chez ce peintre, chaque toile est un petit caillou blanc sur la route quotidienne de sa créativité. Chaque jour il se remet au travail, interrogeant la couleur et le geste. Picasso disait: “J’ai mis toute ma vie à savoir dessiner comme un enfant.” Pour Swennen, c’est le même chemin: désapprendre le geste académique, littéraire, descriptif, pour donner au pinceau une liberté qu’on pourrait qualifier d’enfantine. Une belle complexité sourd de ce tableau, car sous le poétique et naïf nuage rouge, se dit toute une vie d’artiste et d’homme.
So Far So Good
Walter Swennen
Wiels
354 av. Van Volxem
1190 Bruxelles
Jusqu’au 26 janvier 2014

Muriel de Crayencour

Fondatrice

Voir et regarder l’art. Puis transformer en mots cette expérience première, qui est comme une respiration. « L’écriture permet de transmuter ce que l’œil a vu. Ce processus me fascine. » Philosophe et sculptrice de formation, elle a été journaliste entre autres pour L’Echo, Marianne Belgique et M Belgique. Elle revendique de pouvoir écrire dans un style à la fois accessible et subjectif. La critique est permise ! Elle écrit sur l’art, la politique culturelle, l’évolution des musées et sur la manière de montrer l’art. Elle est aussi artiste. Elle a fondé le magazine Mu in the City en 2014.

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