Les états psychologiques de Dashiell Manley

Caroline Roure
18 septembre 2021

La Galerie Nino Mier signe Soft Hidings, la première exposition monographique de l’artiste américain Dashiell Manley en Belgique. Située à deux pas de la place du Sablon, la galerie a ouvert ses portes à Bruxelles pendant le confinement. Le collectionneur Nino Mier, américain d’origine autrichienne, possède déjà cinq galeries à Los Angeles et une résidence d’artiste à Cologne. Il inaugure à Bruxelles une rétrospective de Dashiell Manley avec une série de seize peintures abstraites, travaillées au couteau, exprimant les états psychologiques de l’artiste. 

Pour mieux comprendre le travail de ce jeune artiste basé à Los Angeles, il faut remonter à l'une de ses premières séries intitulée New York Times, dans laquelle il retranscrivait sous une forme textuelle abstraite les informations qu’il lisait et analysait dans les journaux. De cette série en est découlée une autre, Various Sources, pour laquelle il a redessiné, collé et parfois même modifié des caricatures politiques qu’il exhumait des journaux. C’était une façon de traduire, de manière graphique cette fois, les informations et d’explorer singulièrement l’actualité quotidienne. Puis est venue la série Elegy, dans laquelle il a cherché à extérioriser ses émotions face à l’inflation informationnelle. Sa pratique a alors basculé d’une expression analytique à une manifestation plus émotionnelle et psychologique. La série Elegy a été conçue comme un contrepoint aux idées souvent négatives présentées dans les médias. L’artiste y a trouvé une sorte de refuge au monde chaotique environnant.

Chez Nino Mier, Dashiell Manley présente une série puisée dans ses états d’âme. Cette fois-ci, l’information n’est plus la source d’inspiration de départ, même si la technique de l’artiste reste comparable. L’artiste travaille sur une toile plus ancienne qui sert de support à ses explorations plastiques. Il mélange de la cire avec de la peinture en vue d’obtenir une pâte qu’il travaille pendant des heures au couteau. La peinture, très texturée, se libère de sa planéité et prend du relief. L’artiste ajoute ensuite des pigments pour travailler les variations de couleur sur la toile.

Personnellement, ces toiles m’évoquent la mer et notamment le mouvement des vagues. J’y vois aussi à certains moments une succession de coquillages emboîtés les uns dans les autres, tandis qu’à d'autres m’apparaît la représentation du feuillage fourni d’un arbre. Ces toiles laissent place à toute interprétation personnelle, mais évoquent toujours une sorte de fragment de paysage abstrait. Le travail de l’artiste est puissant en ce qu’il arrive à nous transporter dans un monde poétique. Il présente aussi une grande cohérence d’ensemble ainsi qu’une plasticité innovante et insolite. Le point fort de la série, c’est peut-être son accessibilité : une peinture qui parle d’elle-même, détachée de toute prétention conceptuelle !

 

Soft Hidings
Galerie Nino Mier
25 rue Ernest Allard 
1000 Bruxelles
Jusqu’au 9 octobre
Du mardi au samedi de 10h à 18h
https://www.miergallery.com/

Caroline Roure

Journaliste