Les œuvres sur papier ont le vent en poupe depuis plusieurs années. En général moins chères qu'une œuvre sur toile ou qu'une sculpture du même artiste, l'œuvre sur papier, plus fragile, a le charme et l'attractivité des objets plus intimes, qu'on choisit pour soi et non pour épater ses amis. S'adonner à la passion de la collection est un plaisir qui semble inaccessible à beaucoup. Pourtant, en acquérant des œuvres sur papier, il est possible de développer quelque chose avec peu de moyens. Art on Paper, qui s'ouvre jeudi prochain, est l'occasion de découvrir de nombreux artistes pour qui le papier est le support principal de leur travail. Nous avons interrogé trois spécialistes.
« Un moyen pour débuter une collection ? Oui, bien entendu, dit Christophe Veys, commissaire indépendant et grand collectionneur d'œuvres sur papier, même si l’on oublie parfois les coûts des encadrements qui sont importants. On peut trouver des dessins – donc des œuvres originales – à des prix accessibles d’artistes ayant déjà un parcours intéressant. Ou l’on peut aussi faire le choix de chercher des artistes tout jeunes, en allant par exemple dans les expositions de fin d'année des écoles d'art. »
« Les œuvres sur papier ont la cote depuis 20 ans, nous explique Rodolphe Janssen, dont la galerie ouvre l'exposition Pierre Alechinsky, Karel Appel, Fred Bervoets: works on paper from the Stéphane Janssen collection le jeudi 8 septembre, avec des œuvres issues de la collection de son père, lui-même galeriste dans les années 1960. D'ailleurs, les salles de ventes internationales n'hésitent pas à organiser des ventes spécifiques comme celle de Christie's à New York en mai 2016, Impressionist & Modern Art Works on Paper, ou à avoir un département spécialisé en multiples, comme Prints chez Sotheby's. »
Ch.V.– Les œuvres sur papier sont souvent des pièces où l’artiste est sans filet. Sans une série de filtres technologiques qui parfois masquent un contact direct avec ses intentions sensibles. On est en prise directe avec ce qu’il cherche à transmettre. Un bon tiers des œuvres de la collection Veys-Verhaevert est sur support papier. J’aime leur délicatesse, leur spontanéité, l’humour qui existe chez certains d’entre eux, la poésie subtile qui transparait dans d’autres. Qu’elles soient conceptuelles ou figuratives, elles enchantent mon quotidien car, le plus souvent, elles sont bien plus simples à accrocher que des installations ou de l’art vidéo qui sont des parties de la collection que je ne vois presque jamais.
R.J.– Ce n'est pas le même rapport physique avec une œuvre sur papier qu'avec une peinture sur toile ou sur panneau. En grande partie en raison de la taille moindre de l'œuvre. Même s'il existe des artistes qui travaillent sur de très grands formats. Une œuvre sur papier, ça peut être beaucoup de choses : un dessin au crayon dans un carnet de notes, un pastel, une encre, etc. Il y a un côté cabinet d'amateur, spécialiste. C'est facile à stocker mais il faut être attentif à bien le conserver.
Ch.V.– Il faut être attentif, selon le collectionneur que je suis, à savoir si l’on aime réellement ce que l’on voit. Se poser la question de savoir si on pourra la regarder mille fois. Si elle gardera son mystère. Se demander si on l’aimera encore même si par accident la cote de l’artiste baisse. Par ailleurs, il arrive aussi bien entendu qu’elle monte. Pour le garantir le plus possible, je pense qu’il faut acheter dans des galeries intéressantes ou dans des lieux associatifs qui le sont aussi. Auprès de personnes qui savent partager leur passion à propos du travail de l’artiste et non pas juste le vendre. Il s’agit aussi de faire attention à la manière dont l’artiste produit. Trouve-t-il toujours de nouvelles formes pour développer sa pensée ?
R.J.– Il faut faire attention à la place du papier dans le parcours d'un artiste. S'agit-il d'un dessin préparatoire, d'une œuvre indépendante ? L'artiste utilise-t-il de manière récurrente ce support ou bien s'agit-il de dessins qu'il a fait par exemple durant un temps au début de sa carrière ?
R.J.– Oui, leur cote montera dans la même proportion que les pièces sur d'autres supports de l'artiste.
Jean Marchetti, du Salon d'Art.– Alexandre Hollan impose que ses petites aquarelles soient vendues au prix de 750 €, pour les rendre accessibles à plus de gens. J'ai eu en main des dessins de Stéphane Mandelbaum, vers 1986, qui valaient alors 20.000 FB.
R.J.– Toutes les galeries proposent des œuvres sur papier. Et de nombreux salons spécialisés sont organisés comme Art on Paper à Bruxelles, Drawing Now et le Salon du Dessin – pour le dessin classique – à Paris, Ink à Miami, durant Art Basel Miami ou encore la Works on Paper Fair à Londres.
J.M.– Il fut un temps où les estampes étaient un moyen d'acquérir une œuvre bon marché. En général, elles prennent de la valeur quand le tirage est épuisé. Beaucoup d'artistes pensent gravure dès le début de leur processus de création, comme par exemple Pierre Alechinsky. D'autres estampes ont fait parler d'elles. Une sérigraphe italienne avait tiré des sérigraphies d'Andy Warhol. Elles faisaient 99 cm de côté alors que celles produites par Warhol lui-même faisaient 100 cm de côté. Comme elles étaient bien tirées, Warhol a choisi de les signer. Longtemps elles ont été considérées comme des faux. Aujourd'hui, elles ont le même statut que les estampes originales de l'artiste. Mais il faut dire qu'Andy Warhol avait un rapport particulier avec les multiples, qui font partie intégrante de son œuvre.
Art on Paper
Bozar
Terarken rooms
23 rue Ravenstein
1000 Bruxelles
Du 8 au 11 septembre
http://www.artonpaper.be/
Fondatrice
Voir et regarder l’art. Puis transformer en mots cette expérience première, qui est comme une respiration. « L’écriture permet de transmuter ce que l’œil a vu. Ce processus me fascine. » Philosophe et sculptrice de formation, elle a été journaliste entre autres pour L’Echo, Marianne Belgique et M Belgique. Elle revendique de pouvoir écrire dans un style à la fois accessible et subjectif. La critique est permise ! Elle écrit sur l’art, la politique culturelle, l’évolution des musées et sur la manière de montrer l’art. Elle est aussi artiste. Elle a fondé le magazine Mu in the City en 2014.
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