Oana Coșug, sous le corps

Muriel de Crayencour
14 juin 2018

La Galerie Artitude prend une nouvelle fois ses quartiers au Rivoli Building le temps d'une exposition : Hidden. Elle y montre les dessins à l'aquarelle d'Oana Coșug, jeune artiste roumaine (1979) qui vit et travaille à Bruxelles.

Cela fait bien bien longtemps que l'aquarelle ne renvoie plus aux dessins surannés réalisés par des jeunes filles en fleurs trop fragiles pour s'emparer d'un autre médium ! Par sa fluidité, sa souplesse d'utilisation, l'aquarelle offre aux artistes la possibilité d'exprimer leurs ressentis et émotions. L'eau, le papier mouillé sur lequel l'aquarelle va glisser et se diffuser, les effets d'éclatement, la transparence sont autant d'éléments qui vont leur offrir des surprises et des vibrations qui ajoutent au propos.

Oana Coșug présente une belle série de petits dessins, alignés sur les murs de la galerie comme des petits soldats. Ah, des petits dessins à l'aquarelle faits par une femme... alors c'est délicat ? Non ! Sur presque tous, on retrouve le corps féminin. Parfois tordu, parfois caché sous une couverture, parfois pris dans quelque végétation. Miroir intense du creuset intime et secret des pensées et émois de l'artiste. Réalisant chaque jour un nombre important de dessins à l'aquarelle, comme si elle tenait un journal quotidien de ses émotions, Coșug fait ensuite le tri - comme on trie ses pensées le soir avant d'aller dormir - de ce qu'elle montrera. Héritière assumée de grandes artistes comme Louise Bourgeois, Marlène Dumas ou Berlinde De Bruyckere, Oana Coșug interroge le féminin, le corps, sa fragmentation provoquée par la vision publique de ce corps. Ainsi, une femme, d'après la publicité, serait seulement une paire de jambes, ou une paire de seins. Où déployer la complexité de sa féminité propre, dans ce monde formaté ? Que faire de sa tête, de son énergie, de la sensualité secrète qui n'a rien à voir avec la pornographie qui habille nos écrans et qui pourtant bouillonne intensément à l'intérieur du corps, de ses pensées vives, de ses émois ? Se placer où ? Comment ? Voilà tout ce qui sourd des formidables dessins d'Oana Coșug. On peut dire ce qu'on veut sur la notion de femmes-artistes, elles ont toutes, d'Artemisia à Bourgeois en passant par Alina Szapocznikow ou Anne-Marie Schneider, dépassé une frontière, creusé dans un intime jusque-là invisible, caché et obligé le monde à regarder là où personne ne regardait avant. Mine de rien, Coșug fait cela, elle aussi. Et c'est beau.

 

Oana Cosug
Hidden
Galerie Artitude
Rivoli Building #31
690 chaussée de Waterloo
1180 Bruxelles
Jusqu'au 7 juillet
Du jeudi au samedi de 14h à 18h
www.artitude.be

Muriel de Crayencour

Fondatrice

Voir et regarder l’art. Puis transformer en mots cette expérience première, qui est comme une respiration. « L’écriture permet de transmuter ce que l’œil a vu. Ce processus me fascine. » Philosophe et sculptrice de formation, elle a été journaliste entre autres pour L’Echo, Marianne Belgique et M Belgique. Elle revendique de pouvoir écrire dans un style à la fois accessible et subjectif. La critique est permise ! Elle écrit sur l’art, la politique culturelle, l’évolution des musées et sur la manière de montrer l’art. Elle est aussi artiste. Elle a fondé le magazine Mu in the City en 2014.