A Ostende, la collection Vanmoerkerke

Muriel de Crayencour
02 avril 2020

{ARCHIVES} Mark Vanmoerkerke, homme d’affaires flamand, a démarré sa collection d’art contemporain à la fin des années 1990, sans vraiment s’en rendre compte. Cherchant des “choses” pour décorer ses nouveaux bureaux, il est envoyé par son architecte vers une galerie de Knokke. On le jette dehors quand il demande s’il y a des posters à vendre. Le week-end suivant, retournant dans la galerie, Vanmoerkerke y découvre une photo d’Axel Ruuter et une peinture de Zebedy Jones. "Ce fut comme un shoot d’héroïne, raconte-t-il. Depuis, je collectionne et c’est une drogue, une addiction."

Depuis 2008, ses bureaux ont déménagé dans un ancien hangar pour pièces d’avion, à quelques minutes du centre d’Ostende. Au milieu de cet espace immense, un volume fermé : les réserves. Aux murs, les œuvres de la collection. Dans ces bureaux lumineux et d’un nouveau genre, les employés travaillent au milieu des œuvres et se disent ravis. Un deuxième hangar jumeau du premier a été construit en 2010. Au fond, on découvre des rayonnages qui vont jusqu’au plafond. C’est la bibliothèque de la collection. Mark Vanmoerkerke a installé son bureau au centre de cet espace, entouré de toiles immenses de Rudolf Stingel.

Chaque année, un curateur extérieur est invité à mettre en place une exposition à partir des pièces de la collection. Il a carte blanche et puise dans un stock de 200 œuvres. Il doit bien évidemment tenir compte du fait que des gens travaillent dans ces espaces. En mars 2015, l’accrochage est réalisé par Jason Ysenburg. Mark Vanmoerkerek apprécie particulièrement les grands formats et la peinture. Mais on trouve aussi dans sa collection des petits formats. Comme ces broderies sur châssis de Alighiero Boetti, dont deux exemplaires nous accueillent à l’entrée des bureaux. Notons un superbe Robert Longo composé de deux dessins en noir et blanc et d’un bas relief central en bois laqué rouge vif.

Ainsi qu’une Unholy Trinity de Elmgreen & Dragset, pleine d’humour, prévoyant un confessionnal avec trois entrées : une pour l’artiste, celle du milieu pour le galeriste et la troisième pour le collectionneur.

Quand vous avez commencé à collectionner, où avez-vous apporté vos premiers achats ?

D’abord chez moi, puis dans mon bureau, puis dans mon garage. C’est pourquoi j’ai acheté cet espace. Aujourd’hui, cette collection me prend 50% de mon temps. Le reste est occupés à mon activité professionnelle de base, les investissements immobiliers.

Combien d’œuvres achetez-vous ?

J’achète chaque semaine!  Des œuvres de toutes les tailles, même si je préfère une pièce petite mais de bonne qualité. Il y a 5 ou 6 ans, nous avions 326 œuvres exactement. Aujourd’hui nous avons trié et revendu certaines pièces, pour nous concentrer sur une trentaine d’artistes.

Vous êtes vous parfois trompé dans vos achats ?

Bien sûr ! On a droit à 50% d’erreur, comme quand on essaie de mettre un panier en basket ! C’est comme ça qu’on apprend. Plus l’erreur est chère, plus la leçon est efficace !

Qu’est-ce qui vous motive à collectionner ?

C’est pour mon plaisir ! Vous pouvez l’écrire ! Juste pour le plaisir. Ce n’est ni un musée, ni une encyclopédie complète. Je fonctionne au coup de cœur. Je ne me pose pas de question. Les œuvres que j’achète doivent me rendre heureux, positif. Comme ces photos en noir et blanc de New York, par Thomas Shutte. Je les ai acquises car elles me rappellent de bons souvenirs. Je dois aimer une œuvre, la sentir, vouloir vivre avec. Evidemment ça me questionne aussi mais il faut bien écrire que je n’ai pas de problèmes existentiels ! Et je ne suis pas assez intelligent pour être critique.

Comment sélectionnez vous aujourd’hui les pièces ?

Je voyage beaucoup. Je sais mieux ce que je veux. Je suis les galeries, aussi via leur site internet. Je regarde les ventes d’autres collections. Je recherche aussi les pièces de certains artistes.

En tant que collectionneur, avez-vous un rôle dans le monde de l’art ?

Les musées n’ont plus assez d’argent. Avant les directeurs de musées pouvaient dire quel artiste était intéressant ou pas. Aujourd’hui ce sont les collectionneurs qui jouent ce rôle. Je suis prêt à faire une donation s’il y a un avantage fiscal. Ca n’existe pas en Belgique et c’est dommage. Aux Etats-Unis n’importe quel citoyen peut faire une donation.

Pensez vous faire une fondation ?

Non. Je crois que personne n’attend la collection Vanmoerkerke. Ici, elle est visible par le public sur rendez vous. C’est la seule obligation que je ressens. Ma collection reviendra à mes enfants. S’il n’en ont rien à faire, qu’ils vendent. Sinon, qu’ils choisissent 10 pièces et qu’ils démarrent leur propre collection. C’est le fait de chercher, de trouver qui est un plaisir, pas le fait de posséder. C’est comme un chasseur ou un pêcheur.

Votre collection est elle une bonne ou une mauvaise collection ?

Je ne sais pas. Chaque pièce a son propre charme. Vous savez, les bonnes pièces se présentent elles-mêmes. Elles n’ont pas besoin de moi.

Comment choisissez vous les curateurs ?

C’est un ami, un galeriste, un artiste, une connaissance ... Curateur, c’est un vrai métier, c’est un don. Arriver à présenter une sélection qui fait sens. C’est une nouvelle manière de voir la collection et de découvrir d’autres relations entre les œuvres. C’est toujours très instructif et enthousiasmant pour moi.

 

Things I Can't Live Without
Collection Vanmoerkerke 

10 Oud Vliegveld 
8400 Oostende
www.artcollection.be
La collection Vanmoerkere est accessible sur rendez vous : info@artcollection.be

Muriel de Crayencour

Fondatrice

Voir et regarder l’art. Puis transformer en mots cette expérience première, qui est comme une respiration. « L’écriture permet de transmuter ce que l’œil a vu. Ce processus me fascine. » Philosophe et sculptrice de formation, elle a été journaliste entre autres pour L’Echo, Marianne Belgique et M Belgique. Elle revendique de pouvoir écrire dans un style à la fois accessible et subjectif. La critique est permise ! Elle écrit sur l’art, la politique culturelle, l’évolution des musées et sur la manière de montrer l’art. Elle est aussi artiste. Elle a fondé le magazine Mu in the City en 2014.