Panoramas et paysages métamorphiques au BPS22

Eric Mabille
11 octobre 2016

Avec Panorama et Metamorphic Earth, le BPS22 envisage le rapport de l’individu avec son environnement. En pleine immersion dans les immenses projections de Gast Bouschet et Nadine Hilbert, en surface avec une sélection d’œuvres contemporaines issues de la collection de la Province de Hainaut qui réappréhende et réinvente la notion même du paysage, de la nature et du décor.

Si la collection de la Province de Hainaut – qui compte une majorité de paysages – s’est constituée dès la fin du XIXe siècle, le panorama, lui, devient un genre à part entière dès 1792 avant de connaître son heure de gloire au cours des deux siècles qui suivent. Ces peintures monumentales et circulaires à 360 °, bien que populaires, ont été fortement dénigrées par la grande histoire de l’art qui les voyait davantage comme un spectacle que comme des œuvres. Ces panoramas sont nés de l'envie du tout voir pour tout appréhender et tout maîtriser. C’est aussi l’époque des premiers voyages en montgolfière, des relevés topographiques et cartographiques. Pour satisfaire son besoin de rationaliser l’espace, l’homme apprend à dézoomer et prendre de la hauteur. Le BPS22 propose deux expositions autour d’artistes locaux et internationaux qui, tous à leur manière, jouent de ce rapport au panorama dans une grande diversité d’approches disciplinaires.

 

Metamorphic Earth


L'œuvre multimédia monumentale et vivante Metamorphic Earth se situe au croisement de la vidéo, de la photographie, de l’installation, du dessin et de la matérialisation du son. Fruit d’un travail évolutif et des voyages du duo d’artistes luxembourgeois Gast Bouschet et Nadine Hilbert, elle invite, par une immersion totale et une expérience physique, à réfléchir sur la relation de l’homme à la planète et à l’univers. Collision des images et du son, fusion, fission, flux organiques, formats macros et micros se télescopent dans un magma noir et blanc où les repères se perdent, le stable devient instable, le naturel se fond avec le culturel. Ce tableau se complète en mezzanine, où les artistes convoquent l’énergie naturelle et surnaturelle, révélant par moments ces endroits de contact à l’autre, fut-il non humain, terrestre ou cosmique. En rejetant tout anthropocentrisme, cette installation recrée un univers où l’homme se retrouve intimement lié à son environnement. L’architecture du lieu, ici reformatée, occultée sur deux étages, participe pleinement à la mise en valeur de cette œuvre renforcée par l’énergie dark et métallique de la musique – presque matière – de Stephen O’Malley.

 

 

Panorama


L'exposition Panorama est construite à partir de la collection de la Province de Hainaut, tout en donnant la possibilité à certains artistes d’y intégrer des pièces plus récentes ou remaniées. De là naissent ces perceptions dynamisées et vitaminées du paysage. David Evrard rompt avec la verticalité du panorama et propose ses plages idylliques bordées de palmiers sur posters. Face au paysage, son banc 360 °. Christine Felten et Véronique Massinger réinventent la camera obscura avec une caravane de camping transformée en chambre noire géante et itinérante pour souligner le paysage urbain dans son côté éphémère jusqu’à l’effacement et l’oubli.

Emilio Lopez-Menchero évoque les questions sécuritaires. Inspiré par le livre de l’architecte Neufert sur la rationalisation des espaces, il sature à l’extrême et asphyxie le plan du BPS22 de 15 000 petits bonhommes stylisés. Réalité de l’enfermement chez Xavier Mary qui utilise comme motifs, dupliqués sur carton plan, les captations Google Earth d’une prison française. Mira Sanders travaille sur la ville de Charleroi et déploie les divers endroits visités sur une carte épousant fidèlement les contours de la cité.

Le paysage devient habité. Exploration d’une région française à travers l’abondance de ses architectures préfabriquées chez Simona Denicolai et Ivo Provoost pour en extraire une sculpture publique utopique. Se pose ensuite la question de savoir à qui appartient l’intérieur d’une sculpture, et celle du rapport public-privé. Paysage, décor illusoire chez Massimo Vitali, posé telle une plage de sable blanc au bord des eaux rendues laiteuses par les résidus pollués de l’usine voisine. Vue plongeante sur l’humain devenu indifférent à ses propres dérives.

Évocation de la liberté et du mouvement. Course effrénée et aliénante dans l’espace urbain chez Michel Couturier. Terrain de jeu chez Jan Kopp. Sur le site d’une foire internationale avortée pour cause de conflits, à Tripoli au Liban, une caméra capte l’artiste qui court au milieu des carcasses de bâtiments dessinés par Oscar Niemeyer. Lui font écho deux photos de Frédéric Lefever et ces bâtiments inachevés au sud de Rome qui structurent et emprisonnent le paysage.

Paysage poétique à l’esthétique minimale. Condensé au creux d’une main et suspendu aux conditions atmosphériques comme une bulle de savon chez Edith Dekyndt. Consonance intime chez Marie-Ange Cambruzzi avec ce lys blanc posé sur un linceul d’eau calme et laiteuse.

Paysages fantasmés enfin. Celui déployé du collectif Ruptz, issu d’une gravure d’un guide touristique de 1811, créé de multiples et décliné en quatre saisons sous paillettes. Et, non loin de là, celui d’Allan Sekula, qui dans son travail sur la migration en Europe, nous laisse avec ce personnage presqu’île, échoué sur un banc, paysage de la désillusion.

Cette exposition réussit non seulement à dynamiser les œuvres d’une quarantaine d’artistes présents dans la collection, tout en leur laissant exprimer la richesse de leurs points de vue réels, imaginaires, esthétiques, poétiques et à chaque fois très personnels. Le tout est renforcé par des choix scénographiques particuliers, où se font face un accrochage abondant – manière dont les œuvres étaient montrées au XIXe siècle – et un autre plus minimaliste, correspondant aux codes de l’art contemporain.

 

Metamorphic Earth
Panorama
BPS22
22 Boulevard Solvay
6000 Charleroi
Jusqu’au 22 janvier 2017
Du mardi au dimanche de 11h à 19h
www.bps22.be


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Eric Mabille

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