Après s'être fait discret ces dernières années, Pascal Bernier revient en force chez Art 22, avec une série de natures mortes de baudruches marines saisies parmi les reflux de notre surconsommation. Jusqu'au 9 juillet.
Artiste déroutant et inclassable, Pascal Bernier a particulièrement marqué les esprits avec sa série Accident de chasse, où il détournait l'art de la taxidermie pour créer des vanités reflétant l'orgueil qui pousse notre espèce à dominer la nature et sa faune, ou encore avec sa série W.W.F., où il ornait les ailes de splendides papillons de cocardes d'avions de chasse de la Seconde Guerre mondiale.
Dans la nouvelle série qu'il présente à la Galerie Art22 dans les Marolles, il est à nouveau question d'animaux et de détournement. Les couleurs sont pop acidulées et vives. Les animaux ont l'air sympathiques et on a envie de s'en faire des amis, de les prendre et de leur faire des câlins. Mais à y regarder plus près, on se dit qu'il y a quelque chose qui cloche. Le vernis du paradis s'écaille. Les pélicans, crocodiles, dauphins et baleines sont entourés de guirlandes de déchets, emballages ou sacs en plastique, gants blancs de chirurgien. Les animaux souriants ressemblent à des jouets gonflables de piscine. Et c'est ce qu'ils sont. Pour cette série, Pascal Bernier a renoué avec une technique qu'il avait explorée dans les années 1990, à savoir disposer des objets gonflables en sandwich entre une première toile et une seconde en polyester translucide fortement tendue, qui écrase les objets prisonniers en laissant deviner une image fantomatique, colorée et floue.
Dans la lignée des artistes pop, Pascal Bernier s'empare d'objets de plaisir et de consommation qu'il associe avec quelques-uns de ses déchets personnels. Pas complètement satisfait de l'impact visuel de ces natures mortes de plastique, l'artiste décide de revenir dessus avec de la peinture et du pastel sec. Le réalisme des objets s'y combine avec le velouté de la matière picturale créant une image étrange et insaisissable. « Ce que j'essaie d'éviter avant tout, c'est le systématisme. Cette série est un travail entre la peinture et la sculpture, très manuel et très physique. Et j'avais besoin de ça. »
Pascal Bernier nous titille là où ça fait mal. Semblables à des pythies dégonflées, ces baudruches souriantes viennent hanter notre mauvaise conscience d'humains pollueurs. Mais l'artiste se garde bien de jouer au moralisateur, son propos est avant tout plastique, et c'est le cas de le dire. « J'aime bien les contrastes qui surgissent quand on parle de choses complexes avec des moyens très simples. Ce qui m'a intéressé, c'est de montrer une image de la nature quand elle passe par les mains de l'homme.» Tout est parti d'une réaction très émotive qui ne demandait qu'à sortir. « Après, j'aime la capacité de l'art à pouvoir distiller des commentaires en s'éloignant du cadre documentaire ou trop explicite. »
Dirty Waters
Pascal Bernier,
Art 22 Gallery
67 place du Jeu de Balle
1000 Bruxelles
Jusqu'au 9 juillet
Du vendredi au dimanche de 10h30 à 16h30
www.art22.gallery
Rédacteur en chef
Il n’imagine pas un monde sans art. Comment sinon refléter et traduire la beauté, la douceur, la sauvagerie et l’absurdité des mondes d’hier et d’aujourd’hui ? Écrire sur l’art est pour lui un plaisir autant qu’une nécessité. Journaliste indépendant, passionné et curieux de toutes les métamorphoses artistiques, il collabore également à Bruzz et COLLECT
Pour rester au courant de notre actualité,
inscrivez-vous à notre newsletter !
Faites un don pour soutenir notre magazine !