Peindre ou ne pas peindre

Muriel de Crayencour
31 janvier 2019

Il y a longtemps que la peinture a pris ses cliques et ses claques et s'est barrée de la toile. Des décennies ! Pourtant, les artistes actuels inventent encore et toujours, comme jouer avec la couleur sans châssis ni pinceaux. We need to talk about Paintings chez LMNO réunit dix artistes dont la pratique inclut une certaine manière de peindre. C'est la deuxième exposition collective dans la galerie depuis son ouverture en septembre 2016.

Natacha Mottart et son commissaire attitré et vieil ami Christophe Veys montrent rarement de la peinture. D'où l'idée de montrer des artistes actuels qui utilisent la peinture, donc de la couleur ou des pigments qu'ils appliquent sur une surface, mais sans pinceau ni toile, ni châssis. Leurs modus operandi personnels et singuliers sont finalement le cœur de leur œuvre, presque sur le principe de la performance.

Ainsi, Lionel Estève (1967) nous parle d'un cours d'eau et de la trace de l'onde qui s'écoule sur des galets, en peignant un groupe de ceux-ci d'une aquarelle violette. On avait pu voir cette installation sous une forme plus large dans l'expo Melancholia à la Villa Empain.

Laurette Atrux-Tallau (1969) nous présente ce qu'elle appelle avec malice ses coloriages. S'appropriant des photographies issues de magazines de sciences naturelles des années 1960-70, elle les rehausse d'un motif répété de petits points au vernis, masquant le sujet, le transformant en œuvre d'art. Une transmutation qui se fait par la grâce de la couleur ajoutée.

Aïda Kazarian (1952) peint avec son corps. Ici l'empreinte de son index marque la surface - une fine toile de soie translucide - de manière répétée, créant une structure quadrillée mouvante et dansante. Le choix de la couleur blanche légèrement nacrée offre un résultat précieux, comme un collier de perles ou une broderie au fil d'argent.

Nicolas Floc'h (1970) présente trois monochromes bleus, des photographies sous-marines de colonnes d'eau. Associés à une œuvre sonore, la couleur de l'eau, fruit d'une rencontre avec Hubert Loisel, chercheur océanographe. Son but est de collecter toutes les nuances de bleus existantes dans l'eau : une collecte à la fois sans fin et d'une infinie poésie, digne de Jacques Mayol, personnage du Grand Bleu de Luc Besson, complètement englouti par son amour pour les grands fonds.

Adrien Lucca (1983) fait depuis plusieurs années un travail sur la lumière et la couleur. Nous avions vu ses somptueux vitraux, projet pour le métro de Montréal, chez Eté 78 en 2017. Il présente aujourd'hui une déclinaison de son expo solo à la galerie en 2018. Présentant plusieurs rectangles de jaune pur éclairé par un néon trafiqué, il montre et démontre que la lumière nous trompe, puisque notre œil voit cinq teintes différentes, suivant la lumière, alors qu'il s'agit du même jaune. Cette œuvre est aussi installée en grand format dans le métro de Rotterdam depuis décembre.

Voyons aussi Pierre Gerard (1966), Yoann Van parys (1981), Pep Vidal (1980) et Detanico & Lain (1974/1973) dans ce show d'excellente tenue, avec une sélection d'œuvres qui toutes racontent avec soin ce qu'il faut savoir de la couleur et de la lumière aujourd'hui. A ne pas manquer.

 

We need to talk about Paintings
LMNO
31 rue de la Concorde
1050 Bruxelles
Jusqu'au 23 février
Du jeudi au samedi de 14h à 18h
www.lmno.be

Muriel de Crayencour

Fondatrice

Voir et regarder l’art. Puis transformer en mots cette expérience première, qui est comme une respiration. « L’écriture permet de transmuter ce que l’œil a vu. Ce processus me fascine. » Philosophe et sculptrice de formation, elle a été journaliste entre autres pour L’Echo, Marianne Belgique et M Belgique. Elle revendique de pouvoir écrire dans un style à la fois accessible et subjectif. La critique est permise ! Elle écrit sur l’art, la politique culturelle, l’évolution des musées et sur la manière de montrer l’art. Elle est aussi artiste. Elle a fondé le magazine Mu in the City en 2014.

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