Après plus de 20 ans d'activité, Marie-Ange Boucher avait, l'an passé, fermé sa Galerie 2016. Aujourd'hui, elle a ouvert un nouvel espace, à Watermael-Boitsfort, qu'elle inaugure avec une belle exposition de Petrus De Man. "Les artistes ne te demandent jamais d'où tu viens, ce que tu fais, qui tu es. Et les œuvres disent des choses que tu ne peux pas dire avec des mots. Sans doute est-ce pour cela que je suis devenue galeriste", raconte Marie-Ange Boucher. L'espace est partagé avec Philippe Desomberg, dont on aperçoit l'atelier de sculpture derrière une grande baie vitrée.
On connaît les petits bonshommes blancs cernés de noir de Petrus De Man. Les revoici, à la gouache, à l'aquarelle, au pastel, tant sur des tout petits formats que sur de très grands papiers. Tout d'abord, ces beaux papiers artisanaux, que l'artiste affectionne et qu'il passe au papier de verre, "pour les abîmer", dit-il. Ensuite, le pastel sec, cette matière mate et poudrée, ces pigments intenses. Et l'aquarelle, la transparence, la volubilité. Et ce motif du petit personnage, qu'on retrouve dans toute son œuvre.
"Est-ce que ce personnage, c'est moi ? Sans doute. Je le représente toujours coincé dans un cadre, il y a comme un malaise, ça cogne et ça grince", explique l'artiste. Hommes-singes, hommes-enfants, les mini-Petrus magnifient leur condition humaine, leur solitude, leur fragilité. Pour ce grand format dans une palette de gris, le personnage est répété plusieurs fois. Ils se promènent sur des roches rectilignes, qui servent de cadre et de structure aux formes elles aussi cassées des personnages. Le corps intégré dans le chaos de la nature.
Sur des papiers de petit format, encore ces bonshommes, intégrés dans un réseau de lignes. Parfois pliés en deux, parfois la tête en bas, ils prennent des poses inconfortables, se roulent par terre, s'assoient, toujours les yeux vides. Mêlés à d'autres motifs : un arbre, une fleur, un oiseau, une maison, ils sont encore et toujours enfermés dans une case, immobilisés. Eléments parmi d'autres, indifférenciés.
Voici des paysages stylisés. Sur un fond d'un rose délicat, des arbres, des plantes, une chaise et un oiseau. Paysage silencieux, prétexte à poser ces éléments simplifiés, à tester des textures avec le pastel. Plus loin, une maison, quelques arbres, une échelle. Une maison sans porte et avec une seule fenêtre. Ludiques, stylisés, les arbres de Petrus De Man sont parfois comme des mains, leurs branches, des doigts, ou comme des fourchettes. L'important n'est pas le réel, mais la forme qui se déploie sur l'espace du papier.
Que penser devant les œuvres de Petrus De Man ? Qu'y voir ? Nous parlent-elles de solitude, d'inconscient, de contes enfantins ? Ou sont-elles là juste pour exhaler leur présence intense et poétique ? Nous penchons pour cette deuxième possibilité, celle qui nous permet de savourer l'œuvre qui est là, sa matérialité, la beauté d'une palette de tons sourds, les formes si particulières, la texture profonde du pastel. Ça vibre doucement, ça existe tranquillement, et c'est bon.
Petrus De Man
Galerie Marie-Ange Boucher
5, av. du Grand Forestier
1170 Bruxelles
Jusqu'au 19 novembre
Du vendredi au dimanche de 12h à 18h
www.galeriemab.com
Fondatrice
Voir et regarder l’art. Puis transformer en mots cette expérience première, qui est comme une respiration. « L’écriture permet de transmuter ce que l’œil a vu. Ce processus me fascine. » Philosophe et sculptrice de formation, elle a été journaliste entre autres pour L’Echo, Marianne Belgique et M Belgique. Elle revendique de pouvoir écrire dans un style à la fois accessible et subjectif. La critique est permise ! Elle écrit sur l’art, la politique culturelle, l’évolution des musées et sur la manière de montrer l’art. Elle est aussi artiste. Elle a fondé le magazine Mu in the City en 2014.
Pour rester au courant de notre actualité,
inscrivez-vous à notre newsletter !
Faites un don pour soutenir notre magazine !