Voici venue la quatrième édition du PhotoBrussels Festival. Désormais bien implanté dans le paysage culturel bruxellois, l’événement marque le coup en nous offrant cette année un saut qualitatif spectaculaire qui lui prédit un avenir radieux.
Une situation de choix sur la place du Châtelain à Bruxelles, un lieu industriel magnifiquement rénové, des espaces généreux, le Hangar Art Center est un pôle culturel d’exception. Créé par Rodolphe de Spoelberch en 2014, le centre se déploie sur plus de 1000 m².Très active, son équipe a mis sur pied pas moins de 10 expositions durant la saison 2018-2019, dont 80 % étaient dédiés à la photographie. Le PhotoBrussels Festival, quant à lui, a vu le jour en 2016 et souffle donc les quatre bougies de son gâteau d’anniversaire cette année. Et quel gâteau ! Ce court laps de temps lui a en effet permis de soigner ses petites maladies de jeunesse et il parvient aujourd’hui à l’âge adulte en un temps record.
Le PhotoBrussels Festival 2019, ce n’est pas moins de 20 photographes talentueux, connus ou à découvrir, de tous horizons : Belgique, bien sûr, mais aussi France, Italie, Autriche ou Etats-Unis. Plutôt jeunes mais au talent déjà bien affirmé, hommes ou femmes quasi à parité, ces artistes présentent une large palette d’œuvres autour du thème Still Life, autrement dit la nature morte, une expression à laquelle on peut lui préférer la formulation anglaise, tant les photographes retenus font preuve d’une créativité bien vivante. Comme le dit d’ailleurs Delphine Dumont, directrice au Hangar : "De la nature morte figée dans son époque et ses carcans à la still life contemporaine, qui a l’art de susciter des émotions et des interrogations, nous en dévoilons différents états et tendances. A l’aune de ce que nous montrons au Hangar, la nature morte est plus que jamais une thématique contemporaine, un voyage dans le temps et un moyen d’expression intense, elle est bien vivante."
Ambitieux, le festival ne se cantonne pas à l’exposition au Hangar et fait preuve d’une belle ouverture. Visites guidées, workshops, présentations d’artistes, sans oublier le Festival Tour, viennent en effet compléter l’initiative. Ainsi, muni d’un plan, vous pourrez vous concocter une balade qui vous mènera d’une exposition photographique à l’autre dans Bruxelles. Galeries, centres d’art, librairies spécialisées, c’est l’occasion d’un agréable voyage dans une trentaine de lieux d’art. Tiens donc, la dynamique équipe de Hangar aurait-elle dans ses cartons le projet de mettre sur pied un véritable mois de la photo à Bruxelles ? C’est fort possible. Mais ne le répétez pas, c’est encore un secret. On croise les doigts.
Last but not least, Hangar a décerné pour la première fois son PBF Prize. Les délibérations du jury d’experts de la photographie ou de l’art contemporain ont couronné le projet de Geneviève Gleize, dont l’œuvre investit littéralement tout le front space. Dead Grocery raconte l’histoire d’une vie immobile et des vestiges d’une épicerie abandonnée, autrefois riche et populaire. L’installation est impressionnante et émouvante.
Mais, au fait, qui sont les autres artistes mis à l’honneur chez Hangar ? Difficile de les départager, vu la qualité d’ensemble, mais on se lance, voici nos coups de cœur.
D’origine israélienne, la photographe vit et travaille à Berlin. Ses œuvres ont été exposées dans des places prestigieuses comme le MoMA ou le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, tandis que le Centre Pompidou, entre autres, l’a incluse dans ses collections et que les Rencontres d’Arles lui ont décerné le prix Découverte en 2014. Les travaux de la série No Thing Dies présentés au Hangar sont en quelque sorte des montages, des boîtes photographiques savamment assemblées et qui forment des tableaux à la fois déstructurés et magnifiquement équilibrés, jouant sur les perspectives multiples. Très fouillées, les photographies d’Ilit Azoulay invitent à s’attarder sur les détails, à déceler et interpréter chaque représentation. Ses sujets, elle les a exhumés des réserves de l’Israel Museum de Jérusalem et ses créations trouvent leur source dans la tradition des miniatures perses. Intelligence rime ici avec esthétique.
Images recomposées, ripolinées à coup de Photoshop ? Absolument pas, le photographe belge né à Anvers en 1976 n’a pour alliés que son imagination, son sens de la composition et une maîtrise bluffante de la lumière. Et pourtant, au premier abord, on se croirait devant un tableau de Chirico, qui viendrait de prendre un verre avec son ami Magritte. Utilisant avec maestria divers objets parfois incongrus et des placages de bois, Wim Wauman parvient à créer une mise en place qui dégage à la fois une grande pureté de lignes et de perspective, couplée à une réelle tactilité des matières. Sans oublier une petite touche d’humour. Nous sommes au pays du surréalisme, n’est-ce pas ? Travail parfait.
Sorti de l’Ecole nationale supérieure Louis-Lumière mais aussi doté d’une solide formation dans le domaine social, Jean-Robert Dantou, né 1980 à Paris, s’intéresse aux rapports qui lient photographie et sciences sociales. Ses préoccupations sociales l’amènent à s’intéresser à la mémoire, la santé mentale ou les migrations. Sa série Objets sous contrainte nous confronte aux effets de la vie quotidienne de personnes souffrant de troubles schizophréniques, bipolaires, de désordres obsessionnels ou de syndromes dépressifs. Une brosse à dents brisée, une paire de chaussettes souillées, une fourchette tordue sont autant d’objets minimalistes qui dégagent une émotion forte et prégnante. Indispensable.
En pénétrant dans la salle principale de l’exposition, le regard est irrésistiblement aimanté par une ménagerie bigarrée : rhinocéros, requin, scorpion, chouette, le tout en grands formats couvrant un mur entier. Effet garanti. Le travail d’un photographe animalier ? Pas vraiment. En s’approchant, en prenant le temps d’admirer les tirages somptueux, des détails intriguent. Les crocs de la chouette seraient-ils en métal ? La peau du requin en matière synthétique ? L’extrémité des pinces du scorpion des circuits électroniques ? Ne cherchez plus, Vincent Fournier nous soumet son questionnement sur les rapports entre nature et technologie, passé et futur, mémoire et science-fiction. Troublant.
A l’étage, la visite se corse sérieusement. Au fond de la salle, un ours pas très rassurant vous fixe, il est prêt à en découdre. Mais, au fait, pourquoi est-il dans cet ascenseur ? Le pauvre est cantonné au sous-sol du Musée d’Histoire naturelle de Vienne. Sage comme une image, ou plutôt une nature morte, en somme. Cette série intitulée Skeleton in the Closet a été construite par le photographe Klaus Pichler, au cours de ses longues pérégrinations dans les sous-sols du musée. A quoi ressemblent les coulisses d’un musée, que deviennent les animaux non exposés ? Ont-ils une vie cachée ? Questionnement et humour glacial assurés.
Vivement l’année prochaine !
PhotoBrussels Festival
Hangar Art Center
18 place du Châtelain
1050 Bruxelles
Jusqu'au 21 décembre
Du mardi à samedi de 12h à 18h
www.photobrusselsfestival.com
Journaliste
Journaliste passionné d’art sous ses diverses expressions, avec une prédilection pour la photographie. La pratiquant lui-même, en numérique et argentique, il est sensible à l’esthétique de cet art mais aussi à ses aspects techniques lorsqu’il visite une exposition. Il aime rappeler la citation d’Ansel Adams : « Tu ne prends pas une photographie, tu la crées. »
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