Deux compères chez Mathilde Hatzenberger

Oriane Thomasson
24 mars 2022

La galerie Mathilde Hatzenberger présente Old farts ?!, une exposition des œuvres récentes de Pierre Dessons et Richard Meitner

Pierre Dessons et Richard Meitner font tous deux partie de ces artistes qui se passent de discours explicites sur leurs œuvres ; celles-ci portent en elles-mêmes tous les possibles contenus dans leur forme. La maîtrise et l’imagination de ces deux compères -devenus amis lors de l’ouverture du nouvel espace de la galerie - livrent à elles seules toutes les clés au spectateur, à qui il ne reste plus qu’à regarder, voir, sentir, interpréter. Et c’est ce à quoi le visiteur se laisse prendre avec le plaisir renouvelé qui est celui du jeu. 

On rentre ainsi dans les peintures de Pierre Dessons (1936, Villiers-le-Bel, France) comme les personnages des débuts de contes, en passant le seuil d’un de ses tableaux pour se retrouver à l’intérieur transformé en pantin de bois, plongé dans une comédie de rêves et de songes où l’on peut voir à tout instant son cœur disparaître en fumée... L’artiste réalise également de très belles sculptures en bois de tilleul peint, dont la dernière en date est l’infiniment touchante Poupée aux fleurs et sa poupée. Comme des pensées, des fleurs sortent de la tête de la poupée de bois, animée de cette douce vie un peu triste de la marionnette, qui se souvient du temps où elle était humaine. Les personnages de Pierre Dessons sont ainsi en proie aux mains d’un démiurge certes un peu fou, mais qui n’est pas pour autant dénué d’humour.  

Car si au premier abord, Pierre Dessons et Richard Meitner semblent très différents, c’est justement ce même esprit de farce et de malice qui lie si intimement les deux artistes. 

Richard Meitner (1949, Philadelphia, Pennsylvania, USA) est un artiste virtuose dans la maîtrise du verre, et son œuvre est conservée dans de nombreux musées. Les pièces présentées pour l’exposition ne sont, elles, pas (vraiment) en verre, mais en fibre de verre laquée, d’une incroyable plasticité. Leurs formes blanches, rondes et lisses, sont riches en évocations, pourtant il est impossible d'en fixer aucune. Des tubes connectent des boyaux, qui se nouent puis s’enroulent, rappelant les formes impossibles des ballons en tubes à sculpter soi-même de notre enfance. Ces œuvres déroutantes jouent un jeu où ce que le spectateur voit n’est pas forcément ce qu’il pense être, et même la tonalité du blanc de chaque pièce n’est jamais la même et varie du crème à l’opalin, de l’albâtre à l’écru. Il n’est d’ailleurs pas interdit de s’imaginer que les sculptures de Richard Meitner sont directement sorties des toiles de Pierre Dessons, y laissant leurs couleurs au passage... 

Pierre Dessons et Richard Meitner ont une immense carrière derrière eux. Tous deux se caractérisent par la forte singularité de leur œuvre, ainsi qu’une posture résolument engagée dans un art sans concession. En découle richesse et générosité, source inépuisable de renouvellement, véritable fontaine de jouvence qui détient le secret de leur éternelle jeunesse. 

Pierre Dessons et Richard Meitner 
Old farts ?! 
Mathilde Hatzenberger Gallery 
145 rue Washington 
1050 Bruxelles 
Jusqu’au 2 avril
Jeudi et vendredi de 11h à 18h, samedi de 12h à 18h
http://www.mathildehatzenberger.eu

Oriane Thomasson

Journaliste

Diplômée de l’ERG en Arts Visuels, photographe mais pas seulement, Oriane Thomasson s’intéresse à l’art dans tous ses états, avec une prédilection pour les arts non-européen, le dessin, et la peinture. Passionnée de littérature, l’histoire naturelle et les voyages sont pour elle à la fois une source d’inspiration, et de fascination. Après avoir obtenu l’agrégation en arts plastique, écrire pour Mu in the city sur les expositions qu’elle voit lui permet de partager un regard sur l’art, et son enthousiasme pour les artistes.