Pieter Vermeersch cristallise l'espace-temps

Caroline Roure
22 mars 2023

La galerie Greta Meert signe la troisième exposition de Pieter Vermeersch, une installation qui se compose de peintures de dégradés de couleur et de marbres peints et sérigraphiés. Toutes ces œuvres entretiennent un lien particulier avec les trois concepts-clés de l’artiste : le temps, l’espace et la matière.

Pieter Vermeersch s’intéresse à l’essence des choses immuables. À travers son œuvre, il essaye de repousser les limites de la peinture. Il tente de montrer, d’une part, quelque chose de bien concret, la pierre, et de l’autre, de représenter la dimension impalpable que constitue l’espace-temps. Il souhaite capturer picturalement le temps et l’espace pour les cristalliser dans la matière. À découvrir à deux pas de la place Sainte-Catherine, jusqu’au 23 avril.


L’incommensurable

Pour mieux comprendre le travail de l’artiste, il faut se pencher sur une œuvre qu’il a réalisée en 1999 et qu’il considère comme un projet « manifeste ». Il s’agit plus exactement d’une série de huit petits tableaux 8 paintings, qui figure la même image ordinaire d’un pare-brise et d’un essuie-glace photographiée par l’artiste. Pour réaliser cette série, Pieter Vermeersch s’est abstrait de toute dimension métaphysique de l’art et a préféré se cantonner à la conception d’un travail répétitif et méticuleux.

Des peintures dans des dégradés de couleurs évanescentes viennent ponctuer le parcours de l’exposition. À travers ces toiles, Pieter Vermeersch tente de capturer l’insaisissable, l’essence même de la couleur, de la peinture. Le regard se promène sans pouvoir se poser sur un point distinctif de la toile. L’artiste met en place une méthode rigoureuse pour obtenir des surfaces de couleur sans délimitation nette entre les différentes nuances. Par le biais de son travail abstrait hyperréaliste, il confronte le regardeur à ses propres limites visuelles.


Vers le degré zéro de la peinture

Pour réaliser ces dégradés de couleurs, l’artiste part toujours d’une photographie issue du quotidien telle des images de ciels clairs, des détails d’architecture, sur laquelle il vient appliquer une grille, qui divise l’image en plusieurs nuances de couleurs. La photographie figurative est ainsi à l’origine de l’abstraction picturale. Pieter Vermeersch entretient un rapport ambivalent avec l’abstraction et la figuration et cherche à montrer la charnière entre ces deux types de représentation, il tente d’atteindre le « degré zéro » de la peinture.

Au rez-de-chaussée de la galerie, Pieter Vermeersch a réalisé une composition artistique qui dialogue de manière sublime avec l’espace : une installation monumentale composée de trois éléments qui entretiennent un rapport particulier avec la lumière. Deux toiles se répondent, l’une est horizontale et faite de nuances de blanc pures et éclatantes, l’autre est verticale dans des tons orangés et évoque une lumière chaude et accueillante qui rappelle l’automne, la fin de l’été, la nostalgie du temps perdu. Au milieu de ces deux toiles, un bloc erratique de marbre est simplement apposé contre le mur. Réfléchissant la lumière, il illumine ainsi l’espace d’exposition. Pieter Vermeersch s’intéresse particulièrement à la géologie, et notamment au marbre, qui représente à ses yeux une forme de cristallisation dans la matière de la dimension espace-temps.


Subjectivité éphémère

Certaines œuvres sont composées de marbres sur lesquels l’artiste est venu ajouter une couche supplémentaire de peinture ou de sérigraphie. Il tente de superposer la subjectivité éphémère de l’artiste à une tranche du temps que constitue le marbre. L’artiste ajoute un énième moment aux milliers de moments déjà cristallisés dans la pierre.

Grâce à son travail sur le marbre, Pieter Vermeersch réussit à rendre concrète et tangible cette notion d’espace-temps qui n’est a priori pas mesurable et qui nous dépasse. L’artiste arrive à matérialiser une idée abstraite et nous livre une expérience personnelle de ce que pourrait être l’expérience du sublime, liée au sentiment d’inaccessibilité, d’infinitude qui émane de ses œuvres. Pieter Vermeersch se révèle un maître dans la capture de la beauté éphémère d’un moment fugace. À ne pas manquer.

 

HUBBLE TROUBLE
Galerie Greta Meert

13 rue du Canal
1000 Bruxelles
Jusqu'au 23 avril
Du mardi au vendredi de 10h à 18h
Samedi de 14h à 18h
galeriegretameert.com

Caroline Roure

Journaliste

Diplômée d’un master en Architecture à l’ULB-La Cambre-Horta et d’un master en Histoire de l’art à l’ULB, cette double formation lui a donné l’opportunité de s’occuper de la scénographie des expositions « Belgian Follies » (2020) et « Superstudio Migrazioni » (2021) au CIVA. Depuis septembre 2018, elle travaille également très régulièrement en tant que guide-conférencière. Elle anime notamment des visites guidées pour Arkadia, Brussels Gallery Weekend et Art Brussels. De 2019 à 2021, elle a enseigné le cours de projet d’architecture en bachelier à la faculté d’architecture de l’ULB-La Cambre-Horta.