Place à la couleur

Muriel de Crayencour
10 janvier 2014

Quelles formes peut-on encore peindre aujourd'hui si tout a déjà été inventé ? A cette question,  deux artistes à voir actuellement à Bruxelles répondent : l’histoire des formes est infiniment malléable. C’est le creuset d’un réagencement permanent et ludique. La main et le cœur y puisent.

Claude Viallat, né en 1936, vit et travaille à Nîmes. Depuis 1966, il répète inlassablement la même forme, née dans le hasard de ses manipulations d’atelier. Il  avait découpé une mousse, l’avait imprégnée de peinture puis laissée tremper une nuit dans l’eau de Javel. Le lendemain, il ne restait que de la charpie et un seul morceau récupérable, une figure irrégulière, quelconque, accidentelle, sur laquelle il s’est calé. Depuis, inlassablement répétée, cette matrice (haricot, cocon, amibe ?) au gabarit presque toujours le même, devenue parti pris, marque son travail de manière aussi obsessionnelle que les rayures pour Daniel Buren ou les chiffres pour Roman Opalka.

Dans la Verrière Hermès, il déploie d’immenses pans de toile souples qui s’entrecroisent au milieu de l’espace, ainsi que d’énormes coupons de twills de soie (Hermès) sur lesquels reviennent la forme fétiche. Un rythme coloré, frais et joyeux en naît.

 

 Toiles et twills
Claude Viallat
La Verrière Hermès
Bruxelles


Chez Guest Room, tout jeune espace d’exposition, deux installations - mobiles suspendus - de Didier Mencoboni ainsi que de très beaux dessins à l’aquarelle sont à découvrir. Le mobile y est abordé comme une peinture dans l’espace.

Des pastilles colorées, parfois mates, parfois laquées, parfois transparentes, parfois miroirs, de forme oblongue, s’accumulent, additionnent les effets et se donnent à voir sous plusieurs angles comme un tableau en trois dimensions. Légères, ces formes, comme flottantes dans l’espace, bougent ou tremblent au moindre souffle d’air.

 Didier Mencoboni, né en 1959, vit à Ivry-sur-Seine. Malgré l'apparence conceptuelle de sa peinture (c'est-à-dire, même si l'on pourrait hâtivement la croire essentiellement soumise à des règles abstraites), elle est, en fait, animée par la recherche du plaisir sensible, notamment celui que provoque la couleur. L'artiste ne se prive d'aucun des moyens permettant à la couleur de rendre sa toute-puissance…

Les aquarelles, préparatoires au travail de mise en espace, ainsi que de très beaux dessins à main levée, à l’encre de chine, sont comme des rébus aux mobiles présentés au centre de l’espace de la galerie. Les feuilles blanches, patiemment striées de lignes ou parsemées de points à l'encre sont loin d’être minimalistes. On sent la liberté du geste de la main, un rythme organique et quelques suggestions figuratives… mais aussi comme une méditation zen.

 

 

« Revolutions »
Guest Room
Bruxelles
Paru dans L'Echo en 2010

 

Muriel de Crayencour

Fondatrice

Voir et regarder l’art. Puis transformer en mots cette expérience première, qui est comme une respiration. « L’écriture permet de transmuter ce que l’œil a vu. Ce processus me fascine. » Philosophe et sculptrice de formation, elle a été journaliste entre autres pour L’Echo, Marianne Belgique et M Belgique. Elle revendique de pouvoir écrire dans un style à la fois accessible et subjectif. La critique est permise ! Elle écrit sur l’art, la politique culturelle, l’évolution des musées et sur la manière de montrer l’art. Elle est aussi artiste. Elle a fondé le magazine Mu in the City en 2014.

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