Amoureuse de la culture avant d’en avoir les responsabilités, Alda Greoli se dit naturellement baroqueuse en musique, éclectique en littérature – avec un penchant pour la littérature japonaise contemporaine – et amatrice d’art brut et d'art différencié. Nous avons rencontré la ministre et écouté ses projets pour la culture.
Qu’avez-vous fait jusqu’ici pour faire bouger les lignes et rendre l’art accessible au public ?
Alda Greoli.– Une chose essentielle a été de pouvoir boucler toute la période de concertation et de consultation de Bouger les Lignes dont on a finalisé le travail début février. J’ai reçu les dernières conclusions et pour l’instant, nous travaillons à leur opérationnalisation. Nous allons travailler ça au regard des législations existantes avec – faut-il le rappeler – comme envie maîtresse, celle de remettre l’artiste au centre mais aussi de rendre la culture à son public et son public à la culture. Ca va dans les deux sens, dans le sens de la médiation réciproque.
Si je prends ce qui a déjà été réalisé, comme le vote du décret des arts de la scène, nous avons veillé à deux choses : premièrement, se rendre compte que le meilleur moyen de rendre la culture accessible est d’être conscient du bien qu’elle nous apporte, d’où l’importance du lien avec les écoles. Le deuxième aspect, c’est de la rendre accessible par la médiation, non pas en désignant une seule personne mais dans la formation continuée des équipes. Enfin, il faut également travailler sur l’accessibilité territoriale et financière.
Sur le plan territorial et financier justement, quel est votre avis sur le musée d’art contemporain, le musée Citroën ? La Fédération Wallonie-Bruxelles pourrait-elle y participer, avec des collections et/ou un financement ?
Premièrement, je trouve qu’il est important de pouvoir valoriser les artistes belges contemporains. Aussi, il est primordial de réfléchir globalement, en ayant une bonne synergie entre les acteurs publics sur la méthode et les moyens d’acquisition des collections. Si je prends la collection de la FWB, c’est une collection de qualité. Aujourd’hui, on a un déficit de lieux à mettre en valeur, par contre on a toute une série de lieux qui sont essentiels. Le Mac’s, La Boverie, le Wiels, le Mima ou la Fondation Boghossian sont des lieux importants, qui existent déjà, où l’art contemporain international mais aussi de la Communauté française est mis en valeur.
Je considère le dossier Citroën de la même manière que je le ferais avec un dossier Wiels ou un autre, c’est un acteur supplémentaire. Ce qui m’intéresse, c’est de voir comment, dans un bon esprit de coopération, ces différentes institutions qui coexistent sur le territoire se coordonnent, se complètent, voire s’enrichissent les unes les autres. Le musée Citroën, dont le pouvoir organisateur est la Région bruxelloise, sera un acteur supplémentaire. À l’heure actuelle, il n’est pas venu trouver la Communauté française pour une quelconque collaboration. Par contre il est allé trouver Pompidou pour mettre en valeur ses collections… On a donc là un beau défi à relever mais en tenant compte de l’ensemble des institutions.
À cet égard, le mille-feuille politique belge ne pose-t-il pas problème ?
Il n’y a pas de mille-feuille politique belge ! Il n'y a qu’une seule autorité chargée de la culture, c’est la Communauté française. Ici, la Région bruxelloise acquiert un bâtiment – le musée Citroën – en se donnant le défi d’en faire un centre d’art contemporain dont Bruxelles a besoin. Moi, je suis chargée de la politique culturelle en Communauté française, dans ce cadre-là, le musée Citroën est un acteur comme les autres… J’attends de savoir comment il imagine son rapport à l’autorité chargée de la politique culturelle qu’est la Communauté française. Si, comme le Mima, il estime ne pas avoir besoin de collaboration financière, ce n’est pas un problème non plus. Ce qui est intéressant, c’est de voir comment, sur Bruxelles, les artistes belges, et plus particulièrement les artistes de la Communauté française, sont mis en valeur dans une institution bruxelloise.
Pouvez-vous donner des exemples concrets d’actions pour rendre les artistes plus visibles ?
Des acteurs majeurs comme le Mac’s, La Boverie, le Mima, sont venus nous trouver pour demander quel était notre projet. Ma réponse a tout de suite été d’insister sur ma principale réflexion : quelle est la place des acteurs francophones ? Par exemple, au Mima, ils ont fait le choix de garder la liberté de politique éditoriale de leur musée, mais ils travaillent aussi en complémentarité avec les écoles et les artistes francophones sur la visibilité de ces derniers. Je ne veux pas instaurer une institution publique supplémentaire, il y en a assez. L’important, c’est que s'ils viennent me trouver pour obtenir des moyens, j’aurai dans mes exigences une visibilité des artistes de la Communauté française.
Par ailleurs, il existe aujourd’hui à Bruxelles une série de galeries, de petits lieux privés qui le font très bien ! C’est une vraie réflexion politique de se demander pourquoi nous irions, nous, pouvoirs publics, privilégier des collections étrangères alors que – et je m’en félicite – des acteurs privés sur notre territoire privilégient les artistes francophones. Je pense qu’on pourrait retrouver de la fierté à ce niveau-là dans les institutions de la Communauté française.
Quels sont les principaux obstacles auxquels vous faites face ?
J’ai surtout découvert un secteur qui, globalement, était en attente d’être écouté et compris. Même dans les difficultés, j’ai plutôt vu des opportunités de faire avancer les choses. J’ai de gros défis à relever, c’est vrai, mais la seule difficulté que je peux ressentir, c’est qu’il n’est pas toujours facile de faire comprendre cette lasagne institutionnelle au commun des mortels. Parfois, il y a des attentes pour lesquelles je n’ai pas de levier… Je pense par exemple au statut des artistes : je peux faire avancer un certain nombre de choses mais c’est peu au regard de ce que pourraient faire le fédéral ou encore les régions qui ont le contrôle du chômage. Donc, je m’en empare, je vais en concertation avec des collègues mais je n’en porte pas la responsabilité finale, c’est ça qui est parfois un peu compliqué. Mais dans mes dossiers au quotidien, ce sont des défis, pas des difficultés.
La culture pourtant, cette dernière année, a connu des moments très difficiles, notamment des coupes budgétaires importantes.
Il y a eu concertation et dialogue. J’ai expliqué le pourquoi de certaines décisions… Mais j’ai pu obtenir des moyens complémentaires et supplémentaires en culture ! Je dois être l’une des rares ministres européennes à avoir obtenu des budgets complémentaires pour la culture. Dans certains pays, comme aux États-Unis, il n’y a même pas de budget alloué à la culture. Et donc effectivement, ces moyens-là je les ai mis dans des politiques particulières plutôt que de récupérer le pourcentage qui avait été décidé en 2015. Mais nous n’avons pas continué à raboter les budgets, au contraire. On les a augmentés.
Pour conclure, pouvez-vous dire ce qui vous étonne le plus dans votre métier, au sens positif ?
La richesse et l’enthousiasme des gens que je rencontre sur le terrain. Quels que soient les secteurs, je rencontre des gens qui ont non seulement un projet artistique mais aussi une vision de la société. Pour moi qui viens de l’éducation permanente et de la militance dans la sécurité sociale, retrouver dans le secteur de la culture des gens qui ont des projets à défendre et, en fondement de cela, une vision de société, c’est particulièrement enthousiasmant et ça me donne un sens encore plus aigu des responsabilités qui sont les miennes, ça me donne envie d’agir. Et la deuxième chose, très importante, c’est que j’ai retrouvé des personnes qui ont le sens de la concertation et de l’écoute. C’est fondateur d’une action politique.
Amoureuse de la culture avant d’en avoir les responsabilités, Alda Greoli se dit naturellement baroqueuse en musique, éclectique en littérature – avec un penchant pour la littérature japonaise contemporaine – et amatrice d’art brut et d'art différencié. Nous avons rencontré la ministre et écouté ses projets pour la culture.
Qu’avez-vous fait jusqu’ici pour faire bouger les lignes et rendre l’art accessible au public ?
Alda Greoli.– Une chose essentielle a été de pouvoir boucler toute la période de concertation et de consultation de Bouger les Lignes dont on a finalisé le travail début février. J’ai reçu les dernières conclusions et pour l’instant, nous travaillons à leur opérationnalisation. Nous allons travailler ça au regard des législations existantes avec – faut-il le rappeler – comme envie maîtresse, celle de remettre l’artiste au centre mais aussi de rendre la culture à son public et son public à la culture. Ca va dans les deux sens, dans le sens de la médiation réciproque.
Si je prends ce qui a déjà été réalisé, comme le vote du décret des arts de la scène, nous avons veillé à deux choses : premièrement, se rendre compte que le meilleur moyen de rendre la culture accessible est d’être conscient du bien qu’elle nous apporte, d’où l’importance du lien avec les écoles. Le deuxième aspect, c’est de la rendre accessible par la médiation, non pas en désignant une seule personne mais dans la formation continuée des équipes. Enfin, il faut également travailler sur l’accessibilité territoriale et financière.
Sur le plan territorial et financier justement, quel est votre avis sur le musée d’art contemporain, le musée Citroën ? La Fédération Wallonie-Bruxelles pourrait-elle y participer, avec des collections et/ou un financement ?
Premièrement, je trouve qu’il est important de pouvoir valoriser les artistes belges contemporains. Aussi, il est primordial de réfléchir globalement, en ayant une bonne synergie entre les acteurs publics sur la méthode et les moyens d’acquisition des collections. Si je prends la collection de la FWB, c’est une collection de qualité. Aujourd’hui, on a un déficit de lieux à mettre en valeur, par contre on a toute une série de lieux qui sont essentiels. Le Mac’s, La Boverie, le Wiels, le Mima ou la Fondation Boghossian sont des lieux importants, qui existent déjà, où l’art contemporain international mais aussi de la Communauté française est mis en valeur.
Je considère le dossier Citroën de la même manière que je le ferais avec un dossier Wiels ou un autre, c’est un acteur supplémentaire. Ce qui m’intéresse, c’est de voir comment, dans un bon esprit de coopération, ces différentes institutions qui coexistent sur le territoire se coordonnent, se complètent, voire s’enrichissent les unes les autres. Le musée Citroën, dont le pouvoir organisateur est la Région bruxelloise, sera un acteur supplémentaire. À l’heure actuelle, il n’est pas venu trouver la Communauté française pour une quelconque collaboration. Par contre il est allé trouver Pompidou pour mettre en valeur ses collections… On a donc là un beau défi à relever mais en tenant compte de l’ensemble des institutions.
À cet égard, le mille-feuille politique belge ne pose-t-il pas problème ?
Il n’y a pas de mille-feuille politique belge ! Il n'y a qu’une seule autorité chargée de la culture, c’est la Communauté française. Ici, la Région bruxelloise acquiert un bâtiment – le musée Citroën – en se donnant le défi d’en faire un centre d’art contemporain dont Bruxelles a besoin. Moi, je suis chargée de la politique culturelle en Communauté française, dans ce cadre-là, le musée Citroën est un acteur comme les autres… J’attends de savoir comment il imagine son rapport à l’autorité chargée de la politique culturelle qu’est la Communauté française. Si, comme le Mima, il estime ne pas avoir besoin de collaboration financière, ce n’est pas un problème non plus. Ce qui est intéressant, c’est de voir comment, sur Bruxelles, les artistes belges, et plus particulièrement les artistes de la Communauté française, sont mis en valeur dans une institution bruxelloise.
Pouvez-vous donner des exemples concrets d’actions pour rendre les artistes plus visibles ?
Des acteurs majeurs comme le Mac’s, La Boverie, le Mima, sont venus nous trouver pour demander quel était notre projet. Ma réponse a tout de suite été d’insister sur ma principale réflexion : quelle est la place des acteurs francophones ? Par exemple, au Mima, ils ont fait le choix de garder la liberté de politique éditoriale de leur musée, mais ils travaillent aussi en complémentarité avec les écoles et les artistes francophones sur la visibilité de ces derniers. Je ne veux pas instaurer une institution publique supplémentaire, il y en a assez. L’important, c’est que s'ils viennent me trouver pour obtenir des moyens, j’aurai dans mes exigences une visibilité des artistes de la Communauté française.
Par ailleurs, il existe aujourd’hui à Bruxelles une série de galeries, de petits lieux privés qui le font très bien ! C’est une vraie réflexion politique de se demander pourquoi nous irions, nous, pouvoirs publics, privilégier des collections étrangères alors que – et je m’en félicite – des acteurs privés sur notre territoire privilégient les artistes francophones. Je pense qu’on pourrait retrouver de la fierté à ce niveau-là dans les institutions de la Communauté française.
Quels sont les principaux obstacles auxquels vous faites face ?
J’ai surtout découvert un secteur qui, globalement, était en attente d’être écouté et compris. Même dans les difficultés, j’ai plutôt vu des opportunités de faire avancer les choses. J’ai de gros défis à relever, c’est vrai, mais la seule difficulté que je peux ressentir, c’est qu’il n’est pas toujours facile de faire comprendre cette lasagne institutionnelle au commun des mortels. Parfois, il y a des attentes pour lesquelles je n’ai pas de levier… Je pense par exemple au statut des artistes : je peux faire avancer un certain nombre de choses mais c’est peu au regard de ce que pourraient faire le fédéral ou encore les régions qui ont le contrôle du chômage. Donc, je m’en empare, je vais en concertation avec des collègues mais je n’en porte pas la responsabilité finale, c’est ça qui est parfois un peu compliqué. Mais dans mes dossiers au quotidien, ce sont des défis, pas des difficultés.
La culture pourtant, cette dernière année, a connu des moments très difficiles, notamment des coupes budgétaires importantes.
Il y a eu concertation et dialogue. J’ai expliqué le pourquoi de certaines décisions… Mais j’ai pu obtenir des moyens complémentaires et supplémentaires en culture ! Je dois être l’une des rares ministres européennes à avoir obtenu des budgets complémentaires pour la culture. Dans certains pays, comme aux États-Unis, il n’y a même pas de budget alloué à la culture. Et donc effectivement, ces moyens-là je les ai mis dans des politiques particulières plutôt que de récupérer le pourcentage qui avait été décidé en 2015. Mais nous n’avons pas continué à raboter les budgets, au contraire. On les a augmentés.
Pour conclure, pouvez-vous dire ce qui vous étonne le plus dans votre métier, au sens positif ?
La richesse et l’enthousiasme des gens que je rencontre sur le terrain. Quels que soient les secteurs, je rencontre des gens qui ont non seulement un projet artistique mais aussi une vision de la société. Pour moi qui viens de l’éducation permanente et de la militance dans la sécurité sociale, retrouver dans le secteur de la culture des gens qui ont des projets à défendre et, en fondement de cela, une vision de société, c’est particulièrement enthousiasmant et ça me donne un sens encore plus aigu des responsabilités qui sont les miennes, ça me donne envie d’agir. Et la deuxième chose, très importante, c’est que j’ai retrouvé des personnes qui ont le sens de la concertation et de l’écoute. C’est fondateur d’une action politique.
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