Avec ses 310 années d’existence, l’autrichienne Dorotheum est la plus ancienne salle de ventes du monde. Dorotheum démarre ses activités en 1707 comme mont-de-piété. Installée dans un immense palais connu de tous les Viennois et recommandé comme lieu à visiter dans certains guides touristiques, Dorotheum occupe tout un pâté de maisons.
En passant par l'une de ses quatre entrées, on peut aller soit y déposer un objet au mont-de-piété, soit le mettre en vente. Il y a des ventes presque tous les jours, couvrant tous les domaines de l’art et de la création. Cette structure étatique fut créée par Joseph 1er et a été privatisée il y a 15 ans seulement. Achetée par un consortium de trois familles autrichiennes, Dorotheum a fait un boum international ces dernières décennies. Aujourd’hui, on compte une représentation en Italie, deux en Allemagne, une à Londres, une à Paris, une à Prague et une à... Bruxelles.
Ouverts en 1996, les bureaux bruxellois furent la première représentation à l’étranger de la salle de ventes autrichienne. Bruxelles, capitale de l’Europe, était un choix logique. Rencontre avec sa directrice depuis 12 ans, Honorine d’Ursel. Au départ fraîchement diplômée en droit et engagée à mi-temps, son job est vite devenu un plein temps.
Quels types d’objets d’art sélectionnez-vous au départ de Bruxelles ?
De Bruxelles, nous réceptionnons les objets pour les ventes internationales qui ont lieu quatre fois par an à Vienne. Deux semaines de ventes d’Art ancien : l’une en avril et l’autre en octobre, et deux semaines de ventes en art moderne et contemporain : l’une en mai et l’autre en novembre. Bruxelles était une plateforme logique pour être visible en Europe. Et aujourd’hui d’autant plus, vu la quantité de collectionneurs que compte notre pays.
Dorotheum est traditionnellement spécialisée en maîtres anciens, mais nous développons l’Art moderne et contemporain. Christie’s et Sotheby’s ne veulent que des œuvres très chères. Nous visons au départ de Bruxelles des objets entre 20 000 € et 1 million d’euros.
Il nous arrive de refuser des objets dont la qualité n’est pas suffisante. En effet, il faut les assurer et les envoyer à Vienne, donc nous devons trier.
Certaines œuvres font-elles parfois des records de vente ?
En 2010, un Allemand est venu présenter un grand tableau de Frans Franken qui se trouvait dans son grenier, L'homme devant choisir entre les vertus et les vices, un tableau de plus de 2 m de long. Il était prêt à le vendre pour 50 000 €. Ursula Härting, spécialiste de Franken, est venue étudier la toile. Notre équipe l’a fait nettoyer, et l’a étudié. Chaque petit élément du tableau est porteur d’un sens symbolique. Nous avons retracé sa provenance : commandé par la ville d’Anvers à l’artiste, il a été offert à un cardinal allemand et le tableau était resté dans la famille jusqu’alors. Cette provenance presque directe est elle-même un gage de qualité. La cote de l’artiste se situe entre 40 et 70 000 €. Nous avons estimé le tableau à 400 à 500 000 €. Et nous avons déployé un marketing du tonnerre. Lors de la vente, le tableau est parti à... 7 millions d’euros ! Il a ensuite été présenté à la Tefaf pour 12 millions d’euros.
Et à Bruxelles ?
A Bruxelles, nous avons eu un Frans Verbeeck, qui est un peintre des drôleries du temps de Brueghel. Il peignait à tempera et ses peintures se sont mal conservées, il est donc rare de trouver un de ses tableaux sur le marché. Son tableau représente de nombreux hiboux – symbole de la folie. Il fut estimé à 900 000 – 1 200 000 euros. Lors de la vente, il y avait 10 amateurs par téléphone : huit Belges, un Allemand et un Hollandais. Il est parti finalement à 3 millions frais compris !
Qu’implique le travail chez Dorotheum ?
Travailler pour Dorotheum, c’est vivre, respirer Dorotheum, à tel point que certains se trompent et m’appellent Dorothée. Une partie de mon travail est de la représentation. En allant aux vernissages et ouvertures, j’entre en contact avec des collectionneurs qui ont peut-être des œuvres à mettre en vente ou désirent acheter une œuvre de notre catalogue. Il est donc important que j’y sois. Une autre partie est bien sûr la gestion et la vision à long terme du bureau et de l’équipe qui y travaille. J’ai démarré il y a 12 ans avec un mi-temps en tant qu’assistante. Aujourd’hui et depuis janvier 2009, c’est un temps plus que plein que je module en fonction de mes quatre enfants, ce qui n’est pas tous les jours simple !
https://www.dorotheum.com
Fondatrice
Voir et regarder l’art. Puis transformer en mots cette expérience première, qui est comme une respiration. « L’écriture permet de transmuter ce que l’œil a vu. Ce processus me fascine. » Philosophe et sculptrice de formation, elle a été journaliste entre autres pour L’Echo, Marianne Belgique et M Belgique. Elle revendique de pouvoir écrire dans un style à la fois accessible et subjectif. La critique est permise ! Elle écrit sur l’art, la politique culturelle, l’évolution des musées et sur la manière de montrer l’art. Elle est aussi artiste. Elle a fondé le magazine Mu in the City en 2014.
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