Le temps suspendu de Robin Wen

Gilles Bechet
30 mars 2023

Le jeune Robin Wen expose ses dessins et peintures au réalisme troublant dans la project room Chez Olivia. Jusqu'au 29 avril.

Des ballons qui flottent, des corps comme figés en plein mouvement. Des personnages qui tournent la tête, se cachent le visage. Des corps emmêlés entre étreinte et combat. Il y a dans l'art de Robin Wen une volonté de rester à la surface ou dans le dos des choses, et de glisser sur les formes pour paradoxalement les saisir plus en profondeur. En accordant au spectateur la liberté de laisser errer le regard et d'imaginer.

Pour sa première exposition dans le project room d'Olivia Delwart, le jeune artiste présente deux séries. Des dessins au Bic, bleu ou de couleur, généralement de petit format, et des huiles qui revisitent la tradition du nu classique, comme une rave chez Botticelli. Le trait minutieux de ses dessins au Bic renvoient des textures douces et sans aspérités, comme des photos tirées de ces vieilles revues en bichromie. Plus qu'un hyperréalisme, ce serait plutôt un hyperréalisme magique. Aux origines on ne peut plus contemporaines. Robin Wen aime en effet s'immerger dans les raves et, dans ces rassemblements, prendre des photos de corps anonymes, de visages cachés, de reflets lumineux qu'il redessine avec un soin méticuleux.


Liberté partagée

Dans une rave, il n'y a plus d'individus, il n'y a qu'un seul corps dansant, porté et démultiplié par la musique. Si on les écoute attentivement, ces dessins évoquent aussi un silence, celui des limbes, d'un moment suspendu où plus aucun souffle n'agite les esprits, où il n'y a ni passé ni présent et où toutes les gouttes de sueur se sont rétractées, retournées d'où elles viennent, où plus aucun effort n'est nécessaire. Les étranges ballons qu'il représente en sont la plus parfaite incarnation. Qu'est-ce qu'un ballon, si ce n'est une fine enveloppe autour du vide ou d'un gaz inodore et incolore. Il y a assurément dans son travail un aspect méditatif, poussé à l'extrême dans ses dessins de ronds ou de traits de lumière qui virent à l'abstraction. Il y a aussi un très beau dessin en couleurs, toujours au Bic. Des bras sur un ventre où le troublant rendu de la peau naît de la combinaison d'à peine quelques couleurs.

Les sujets de certains dessins sont repris dans les peintures à l'huile. Comme avec ce ballon solitaire à la forme énigmatique suspendu en plein ciel. Dans les séries de nus, on ne quitte pas vraiment le monde de la rave et de son ivresse de liberté partagée. Les corps anonymes qui semblent saisis en plein mouvement manipulent et enlacent des ballons gonflables aux miroitements dorés. Robin Wen excelle dans le jeu de textures entre la souplesse de la peau, les reflets du plastique et la profondeur des nuages qui tapissent l'horizon comme dans un tableau classique. Une certaine idée du paradis où l'on ne pense plus, on ressent.

 

Robin Wen
Contes nus
Chez Olivia
73 chaussée d'Alsemberg
1060 Bruxelles
jusqu'au 29 avril
Du jeudi au samedi de 14h à 18h
www.chezolivia.be

Gilles Bechet

Rédacteur en chef

Il n’imagine pas un monde sans art. Comment sinon refléter et traduire la beauté, la douceur, la sauvagerie et l’absurdité des mondes d’hier et d’aujourd’hui ? Écrire sur l’art est pour lui un plaisir autant qu’une nécessité. Journaliste indépendant, passionné et curieux de toutes les métamorphoses artistiques, il collabore également à Bruzz et COLLECT

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