Si Roger Raveel est bien connu du public néerlandophone belge, il l'est sans doute moins du public francophone. Ce peintre flamand, qui resta toute sa vie dans son village, revendiqua un individualisme presque rigide, qui le tint éloigné - mais pas tant que ça - des grands mouvements de la peinture de l'après-guerre. Il aurait eu 100 ans cette année et Bozar lui rend hommage avec une importante rétrospective qu'il ne faut absolument pas manquer.
Franz Wilhelm Kaiser, commissaire de l’exposition, a construit un propos d'une belle clarté, qui nous permet de (re)découvrir le cheminement de l'artiste au fil des décennies.
Alors que le monde des arts s’internationalisait toujours plus, Raveel a délibérément choisi de continuer à vivre dans son village natal de Machelen-aan-de-Leie, trouvant son inspiration tout près de chez lui : dans sa famille, sa maison et son environnement immédiat, au cœur de la région de la Lys. Il s'attache aussi à la figuration, avec conviction, creusant ce sillon avec acharnement. La première salle présente des œuvres de la fin des années 1940, paysages bucoliques mais pourtant vivement esquissés : un chemin entre deux champs, une vache, quelques poules. En face, on découvre les mêmes sujets, que Raveel a peint une deuxième fois trente ans après, illustrant ainsi presque comme une profession de foi : ses sujets, il les trouve autour de lui, dans son environnement proche, simple. Le motif n'est en rien une excuse, le sujet est une occasion de peindre, il ne prévaut pas. Le peintre veut dévoiler l'universalité de la quotidienneté.
Suit une série d'autoportraits datant de plusieurs époques. Au fil du temps, le visage disparaît. Roger Raveel, c'est l'homme sans visage, qui peint sans discontinuer. Il en va de même pour d'autres personnages. Apparaît dans plusieurs peintures une mosaïque de carrés de couleur, remplaçant le visage. Dans ses représentations d'intérieurs : une table, un verre, une cafetière, la simplicité des lignes vous sautent au visage. Même chose avec ses personnages lignés, qui reviennent dans plusieurs peintures. Raveel peint figuratif mais graphique, pas de chipotages, d'effets de manche. Il regarde le monde.
Au fil de l'exposition, on perçoit très finement que l'artiste, bien que local, s'est tenu informé de ce qui se passait dans le monde de l'art. Et l'intègre subtilement dans sa peinture. Comment ne pas penser aux quadrillages de Mondrian dans ces visages mosaïques, au carré blanc de Malevitch dans cette forme qui apparaît au détour d'un drap suspendu, puis dans d'autres peintures? Et même à une tentation vers l'abstraction, qui nous fait penser à Twombly, à la fin des années 1950.
En 1962, Raveel passe par Berne et y visite l'exposition 4 Amerikaner. Il est particulièrement impressionné par le travail de Rauschenberg et son travail prend un tournant radical. Il se met à intégrer des éléments du réel dans ses peintures, comme un encadrement de fenêtre, un miroir, une cage avec des oiseaux. Il se met à peindre sur des objets, une charrette, une armoire.
L'exposition se termine avec la présentation de très grands formats qui sont de véritables peintures-manifestes, qui résument plus de quarante années de peinture. Franchement, une régalade en ces temps de disette culturelle.
Roger Raveel, une rétrospective
Bozar
23 rue Ravenstein
1000 Bruxelles
Jusqu'au 21 juillet
Du mardi à dimanche de 10h à 18h
Tickets à réserver en ligne
www.bozar.be
Fondatrice
Voir et regarder l’art. Puis transformer en mots cette expérience première, qui est comme une respiration. « L’écriture permet de transmuter ce que l’œil a vu. Ce processus me fascine. » Philosophe et sculptrice de formation, elle a été journaliste entre autres pour L’Echo, Marianne Belgique et M Belgique. Elle revendique de pouvoir écrire dans un style à la fois accessible et subjectif. La critique est permise ! Elle écrit sur l’art, la politique culturelle, l’évolution des musées et sur la manière de montrer l’art. Elle est aussi artiste. Elle a fondé le magazine Mu in the City en 2014.
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