IN/OUT, une OFF pas comme les autres !

Mélanie Huchet
21 février 2020

Collectible, la foire dédiée au design de collection du 21e siècle, s'ouvre pour la troisième année au Vanderborght. Nous y reviendrons. Son succès permet à d'autres initiatives de germer dans son sillage. Ainsi, le Salon IN/OUT, composé de 50 artistes et créateurs, se tiendra aux mêmes dates. Une initiative ambitieuse de BeCraft, le représentant belge francophone des Arts appliqués. Pour comprendre ce projet inédit, nous avons rencontré Isabelle Azaïs, coordinatrice du projet, ainsi que la galeriste Mathilde Hatzenberger, invitée à cette occasion pour endosser, en plus de son rôle de marchande, celui de curatrice de ce salon a(r)typique. Entretien.

Avant de parler du Salon IN/OUT, pouvez-vous nous dire quelques mots sur BeCraft ?

Isabelle Azaïs : Le siège et nos galeries se trouvent dans les Anciens Abattoirs de Mons. Nous organisons le Prix européen des arts appliqués et d’importantes triennales internationales autour du bijou contemporain, du verre et de la céramique. L'été 2020, c'est le textile qui sera mis à l'honneur. BeCraft est atypique car il regroupe actuellement 80 membres, artistes, designers et artisans des métiers d'art, travaillant en Fédération Wallonie-Bruxelles. L’association a longtemps été connue sous le nom de WCC-BF (World Crafts Council - Belgique francophone), avant d’être rebaptisée BeCraft en 2018. Avec le changement de nom, nous souhaitons engager une nouvelle dynamique dans le prolongement du travail qui a déjà été fait mais en rajoutant un zeste de peps et, surtout, plus de visibilité dans les moments-clefs du calendrier culturel belge.

Qu’est-ce qui a déclenché le projet IN/OUT ?

Isabelle Azaïs : Le refus de notre candidature à Collectible ! Il est vrai que c’est un événement réputé avec beaucoup d’appelés mais très peu d’élus...

Pourquoi avoir voulu faire partie de cette foire-là précisément ? 

Isabelle Azaïs : Collectible rassemble un public d’amateurs, de collectionneurs et d’artistes qu’il nous paraît important de rencontrer. Notre association rejoint en partie les valeurs de cet événement car elle met en avant l’idée d’objet d’art ; et nous savons qu’il est urgent de montrer que l’art ne s’arrête pas aux beaux-arts. Nous avons de nombreuses fois et depuis des années participé à des salons internationaux comme Collect (Londres), Eunique (Karlsruhe), Résonances (Strasbourg), Révélations (Paris)… Malgré cela, l’association est moins visible au niveau local. C’est pour cette raison que l’on s’est mises en quête de trouver un salon professionnel dans la capitale. On a fait un peu le tour et on a eu un gros coup de cœur pour Collectible. Leur refus a été, je l’avoue, une déception. 

Après le refus de la part de Collectible, vous auriez pu laisser tomber... ?

Isabelle Azaïs : C’est vrai... mais lors d’une réunion, j’ai lancé une blague en proposant de faire un Off ! Nous avions déjà en interne un bon réseau à travers nos membres et une bonne expérience de l'organisation d'événements de qualité. Il fallait encore trouver des locaux juste à côté des anciens magasins Vanderborght, là où se tient Collectible. Pari gagné ! Nous avons eu l'accord aux environs du 15 janvier. On n'y croyait plus ! On aura donc tout monté en deux mois. Preuve que la structure de BeCraft est souple et réactive. Il nous fallait enfin trouver le curateur. L’enthousiasme et la disponibilité de Mathilde Hatzenberger aura beaucoup contribué à la réussite de ce projet fou.

Mathilde Hatzenberger, pourquoi avoir accepté ce projet porté par BeCraft ?  

Mathilde Hatzenberger : Leur proposition était intéressante et correspondait à un parti pris avec lequel je suis en totale adéquation : celui de la place des artistes-artisans. C’est une catégorie hybride qui n’est pas bien vue, ni dans son milieu spécialisé car il transgresse le medium, ni dans les galeries d’art contemporain généralistes. Ce sont des artistes à cheval entre plusieurs techniques et matériaux. 

Qu’allons-nous découvrir à cette première édition du Salon IN/OUT ?

Mathilde Hatzenberger : Du bijou contemporain, de la sculpture et du mobilier piochés parmi les artistes de chez BeCraft, de ma galerie et d’ailleurs, utilisant des techniques relevant des arts appliqués. 

Pouvez-vous nous parler des locaux et de leurs emplacements ?

Mathilde Hatzenberger : L’immense chance que nous avons eue, c’est de disposer d’un espace de 200 m2. Il s’agit de quatre commerces différents, mais les uns à côté des autres. L’intérieur, en attente de travaux, est et restera à l’état brut. Ce qui n’est pas dérangeant, au contraire, ça change du white cube aseptisé ! Je connais déjà la scénographie que nous allons mettre en place. Vous aurez la surprise à l’ouverture ! C’est un salon - on y vend les créations -, mais conçu comme une exposition. Quant à l’emplacement, il est clairement stratégique. Nous avons calé nos dates et nos horaires sur ceux de Collectible. Il suffit de traverser la rue, c’est à une minute à pied. Bien sûr que nous espérons attirer l’attention des clients de Collectible, mais aussi d’un tout autre public. 

Quelles sont les différences entre IN/OUT et Collectible ?

Mathilde Hatzenberger : Je dirais plutôt qu’il s’agit d’un complément. Nous apportons des pièces uniques et des microéditions d’artistes alors que, chez Collectible, ce sont des designers - c’est d’ailleurs dans le titre ! - qui sous-traitent pour la plupart. Nous présentons le fleuron belge tandis qu’eux se positionnent à l’international, même si l’on retrouvera tout de même quelques excellents artistes internationaux basés ou liés à Bruxelles. On joue énormément sur la diversité dans l’âge (de 30 à 75 ans), il y a aussi bien de nouveaux entrants que des artistes confirmés. Ce qui explique aussi notre tranche de prix avec une entrée de gamme bien plus accessible : de 15 euros à 15.000 euros. 

Le titre est énigmatique, éclairez-nous !

Mathilde Hatzenberger : Je fais référence à l’expression être in, c’est-à-dire à la mode et être out, donc has-been. C’est un fonctionnement ancien que l’on observe au 20e siècle, par exemple. Les courants artistiques sont encensés dix ans avant d’être dépassés par une nouvelle forme d’expression qui tiendra à son tour une décennie. Ce qui est in aujourd’hui sera out demain et ainsi de suite. Les artistes que nous montrons sont certes dans l’air du temps mais en étant - et je le dis sans aucune prétention - absolument avant-gardistes. Ce sont des créateurs qui veulent être en accord avec l’environnement, la société, en font acte dans leurs travaux, et font, tout court. Les Arts and Crafts, comme vous le savez sûrement, étaient il y a peu fort méprisés, alors qu’il est de bon ton depuis quelques années d’aligner céramique ou textile sur un stand de foire d’art contemporain. Pour autant, les artistes-faiseurs sont encore méprisés et il faut que cela change !

IN/OUT, un salon que l’on a hâte de découvrir tant l’énergie et le plaisir investis dans ce projet sont palpables. Sans parler de la ferveur de ces artistes sélectionnés, ces faiseurs, ces créateurs qui vont toujours plus loin dans leurs explorations. 

Salon IN/OUT
16,18, 22, 24 rue des Dominicains
1000 Bruxelles
Ouverture le 4 mars de 18h à 22h
5 mars : 11h à 21h 
6 et 7 mars : 11h à 19h
8 mars 11h à 18h
https://www.becraft.org
https://www.mathildehatzenberger.eu

 

Mélanie Huchet

Journaliste

Diplômée en Histoire de l’Art à la Sorbonne, cette spécialiste de l’art contemporain a été la collaboratrice régulière des hebdomadaires Marianne Belgique et M-Belgique, ainsi que du magazine flamand H art. Plus portée sur l’artiste en tant qu’humain plutôt qu’objet de spéculation financière, Mélanie Huchet avoue une inclination pour les jeunes artistes aux talents incontestables mais dont le carnet d’adresse ne suit pas. De par ses origines iraniennes, elle garde un œil attentif vers la scène contemporaine orientale qui, bien qu’elle ait conquis de riches collectionneurs, n’a pas encore trouvé sa place aux yeux du grand public.