C’est une première édition pour le festival Sculptura qui explore les variations de la sculpture contemporaine et son rapport à l’espace public. Une manifestation inédite et gratuite qui rassemble les œuvres de 22 artistes belges et internationaux (dont Tom Frantzen, Benedikt Tolar ou Arne Quinze) dans l’écrin architectural de la Gare Maritime à Tour & Taxis.
Lorsqu’on arrive sous la grande halle de fer et de verre de la Gare Maritime, l’émulation est palpable. Une poignée de techniciens accompagne l’installation de la monumentale Birth of Apollo, œuvre chorale du plasticien Ivan Cremer, intégralement composée de métal et de bois brut. Dans la tension des corps qui poussent, tirent et ajustent, c’est la matérialité, la physicalité même de la sculpture qui saute aux yeux. À l’autre extrémité de la nef, Clash of the Stock Exchange, mastodonte de près de 17 tonnes, frappe également par son incontournable présence. Dernière réalisation de l’artiste hongrois Gábor Miklós Szőke, véritable chantre de la sculpture animalière contemporaine, elle figure le combat acharné entre un ours et un taureau. À l’issue du festival, ces deux colosses aux pieds d’airain trouveront leur place définitive devant les nouveaux locaux de la Bourse de Budapest, pour laquelle ils ont été conçus. En convoquant de nombreux artistes ayant déjà travaillé dans l’espace public, Sculptura propose de retisser les liens historiques entre la sculpture et la ville, dans l’espoir de voir davantage d’œuvres habiller les rues de la capitale « pour en faire profiter ceux qui y vivent, y étudient ou y travaillent ».
Sur 280 mètres de long, la perspective de l’ancienne gare de fret est ponctuée de pièces aux styles et formats divers, tantôt poétiques, étonnantes, légères ou tout à fait drôles. Il n’y a point de parcours recommandé, la déambulation est libre, laissant à chacun la latitude de forger son goût ou d’être appelé par ses coups de cœur. On pourra y croiser tantôt une sympathique Vénus à tête de chou-fleur (Caroline Coolen), un hippopotame ventru en plein somme (Tom Frantzen) ou encore un totem à la silhouette atypique, intégralement composé de baignoires recyclées (Benedikt Tolar) ! « La sélection, volontairement éclectique, reflète bien la variété de l’offre sculpturale dans l’espace public à Bruxelles, qui, de la statue de Jean-Claude Van Damme jusqu’au penseur de Rodin du cimetière de Laeken, en passant par Madame Chapeau de Tom Frantzen, ouvre le champ des possibles », nous confie Äke Verstraelen, fondateur du festival et par ailleurs galeriste à la Sculptura Galley.
« Sans pour autant se priver de la présence d’artistes internationaux comme Katerina Komm ou Pal Horvath, cette première édition prend la scène belge comme point de départ », complète notre interlocuteur. L’incontournable Arne Quinze, toujours inspiré par les délinéations du végétal, y propose l’exubérante Blossom. Véritable écosystème suspendu aux voûtes du bâtiment, elle déploie des faisceaux de cordes telles des lianes où explosent de fascinantes fleurs de métal. Un peu plus loin, la patte griffue du T-Rex de Koen Vanmechelen (aux ongles vernis d’or) fait sensation, tout comme les monolithes aux teintes fumées de Jean Boghossian. Plus discrète, la Frozen Wave de Luke Van Soom défie la pesanteur en figeant l’ondulation furieuse d’une mer agitée. Le sculpteur, connu à Bruxelles pour son œuvre In the Clouds installée sur le toit de l’Espace Jacqmotte, donne une vitalité singulière à la densité du bronze et continue d’explorer avec brio les métamorphoses des éléments.
Tourné vers l’avenir, Äke Verstraelen envisage de faire de Sculptura un rendez-vous annuel. Avec Tour&Taxis comme point de départ, mais sans s’interdire pour autant un possible déploiement dans le quartier du Canal ou ailleurs à Bruxelles. En 2024, « nous souhaitons donner une tonalité encore plus internationale à l’événement, et espérons pouvoir convoquer des artistes issus de tous les pays de l’Union européenne ». Une initiative ambitieuse et qui ne manque certainement pas de relief.
Sculptura #1
A Journey to Discovery
rue Picard 7-11
Gare Maritime
1000 Bruxelles
Jusqu'au 12 mars
Du lundi au dimanche de 11h à 18h
www.sculpturafestival.be
Journaliste
Historienne de l’art avec un goût prononcé pour l’art contemporain, Mylène Mistre-Schaal est collaboratrice régulière pour le magazine culturel Novo. Elle écrit également pour le city-magazine français ZUT et pour la revue Hermès. Co-autrice du livre L’Emprise des Sens aux éditions Hazan, elle s’intéresse tout particulièrement aux rapports sans cesse renouvelés entre l’art et les cinq sens.
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