La vie en rébus de Simon Outers

Véronique Bergen
25 mars 2022

Dans ses œuvres récentes exposées au Salon d’Art, Simon Outers délivre une vision de la condition humaine confrontée à une nature, à des formes de vie que l’Homo sapiens a plongées dans la destruction.

Personnages au bord de l’envol, vacillants, emportés dans le déséquilibre, jeu sur l’évidement et l’intrication d’éléments, sur la respiration du silence et des saynètes, des figures récurrentes (tels que les maîtres-nageurs)… l’œuvre de Simon Outers témoigne d’un art de la composition qui ressaisit aussi bien les liens familiaux (explorés dans Portraits de famille, cocréé avec l’écrivain Jean-Luc Outers) que la cogenèse des embranchements de la vie. Expérimentant un ensemble de techniques variées, il associe la gravure, la sérigraphie, le dessin, le collage au geste de graver des concrétions temporelles dans l’espace de l’œuvre. Au XXIe siècle, la physionomie humaine, le Visage, au sens où l’entend Levinas, sont emportés dans le flou, dans l’indéterminé. Comme Stéphane Mandelbaum, il cisèle des gueules traversées de collages, de bandes, d’écrits, il dresse des gueules barrées, au bord de la disparition, isolées ou en groupe. La luxuriance d’arbres affichant une tension vers le ciel se plante au milieu de visages d’hommes soufflés par l’immense poussée du végétal. La beauté silencieuse des forêts, du monde végétal que l’humain n’a cessé d’exploiter, de détruire, affirme son principe génésique, renvoyant les civilisations humaines à leur fragilité, leur caducité.

La vie est un rébus dont Simon Outers traque la musique, recherchant des correspondances entre les rythmes de la nature et ceux de la culture, entre les parties du corps humain et les espèces animales. C’est parfois sous la forme de la tombée en absence, du blanc qu’il convoque des animaux, un crocodile, un lion, un dromadaire… : victimes de la sixième extinction massive des espèces animales, grands sacrifiés muets de l’Anthropocène, ils nous laissent en héritage leur extermination. Ses œuvres archivent les traces de la disparition. L’humour, le sens du grotesque, les « gimmicks » visuels donnent à voir un univers coloré que rehaussent le tracé enfantin des dessins et le dynamisme chorégraphique. A coups de bifurcations de perspectives et d’appariements, de chevauchements de plans hétérogènes, la vitalité des traits acérés s’allie à un regard ludique sur l’existence.

Simon Outers
Œuvres récentes
Le Salon d’Art
81 rue Hôtel des Monnaies
1060 Bruxelles
Jusqu’au 14 mai 
Congés de printemps du 2 au 18 avril
Du mardi au vendredi de 14h à 18h30
et le samedi de 10h à 12h et de 14h à 17h30
www.lesalondart.be

Véronique Bergen

Journaliste

Véronique Bergen est philosophe, romancière et poète. Docteure en Philosophie de l’Université de Paris 8, auteure d’essais philosophiques, dans le champ de l’esthétique, de romans, de recueils de poèmes, de nombreuses monographies sur des plasticiens. Membre de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, elle collabore à diverses revues, notamment des revues d’art.