Les dessins de Stéphane Mandelbaum (1961-1986) sont toujours d'une beauté foudroyante. Ici et là, aujourd'hui chez Pierre Hallet, ils pointent le bout de leur nez, développent devant nos yeux l'univers si personnel de cet artiste parti trop tôt.
Grands papiers aujourd'hui un peu jaunis. Au feutre, au crayon, Mandelbaum trace ce qui hante ses nuits. Démons, cauchemars, fantasmes et toujours le corps. Le corps malléable comme l'est une motte de terre glaise. Le corps sexué, malmené, gonflé de vie tourmentée. Mandelbaum en fait ce qu'il veut. Ici, ce visage d'homme dont tout le bas est gonflé, comme un vieux ballon. Le nez comme un champignon vénéneux. Là, cette femme nue, aux seins vertigineux, qu'elle offre en partage comme deux fruits, le regard même pas baissé, la mine réjouie.
Le crayon de l'artiste griffe le papier, le marque, y invente des portraits, souvent accompagnés de mots ou de morceaux de phrases. Hachurés, tracés à vif, ils font comme de petits coussins pour les dessins : ouvriers socialistes, Rainer... Ce ne sont pas des titres mais plutôt une prolongation du dessin qui lui saigne déjà de tant de brutalité contenue, de tant de violence.
Mandelbaum est un remarquable dessinateur. Son trait vient directement du cœur, de là où il en crève, de la peur, de l'angoisse. La main n'est qu'invitée, instrument complètement dédié à ce qu'il tente de dire. Aujourd'hui, son œuvre est aussi teintée de son destin tragique.
Né à Bruxelles le 8 mars 1961 et mort assassiné à 25 ans, Stéphane est le fils du peintre Arié Mandelbaum et de l'illustratrice Pili Mandelbaum. Il montre très jeune des dispositions exceptionnelles pour le dessin. Une forte dyslexie amène ses parents à le placer, de onze à quatorze ans, au Snark, une école expérimentale dans laquelle il va apprendre à écrire. Il entre ensuite à l’Académie d’art de Watermael-Boitsfort, où il aura pour professeur Lucien Braet, puis en 1979 à l’Ecole des arts d’Uccle, où il s’initiera à la gravure.
À ce moment correspond une profonde transformation physique : l’enfant frêle devient un jeune homme charismatique, qui discipline son corps à travers des sports de combat et ne cesse de dessiner de façon compulsive. Il s’installe dans le quartier de Saint-Gilles, à Bruxelles, apprend le yiddish et s'intéresse à ses racines juives.
Fasciné par les grandes figures de la transgression et par leur vie violente, il dessine ou peint de façon répétitive les portraits de Francis Bacon, Pasolini, Rimbaud ou Pierre Goldman, ainsi que des nazis célèbres comme Goebbels. Il exécute aussi, en 1983, deux tableaux particulièrement subversifs, intitulés Rêve d’Auschwitz, dans lesquels il confronte des scènes érotiques à la représentation de l’entrée du camp de concentration. Mandelbaum est également fasciné par les voyous et la pègre. Il fréquente le quartier de Matonge, épouse Claudia, une jeune Zaïroise, dédie sa première exposition à un célèbre trafiquant noir. À partir de ce moment, il est mêlé à diverses affaires, dont la plus célèbre est le vol d’un Modigliani, dans un appartement de l’avenue Louise, en 1986, qui lui sera fatale. Devenu menaçant car le commanditaire refuse de lui remettre sa part, il est assassiné par ses complices au mois de décembre 1986 et abandonné, à demi défiguré par l’acide, dans un terrain vague de la banlieue de Namur. Son corps ne sera retrouvé que plus d’un mois plus tard par des enfants. (Source Wikipédia)
Stéphane Mandelbaum
Galerie Pierre Hallet
33 rue Ernest Allard
1000 Bruxelles
Jusqu'au 11 novembre
Mardi, jeudi, vendredi de 14h30 à 18h30
Samedi et dimanche de 11h30 à 13h30
http://www.galeriepierrehallet.com/
Fondatrice
Voir et regarder l’art. Puis transformer en mots cette expérience première, qui est comme une respiration. « L’écriture permet de transmuter ce que l’œil a vu. Ce processus me fascine. » Philosophe et sculptrice de formation, elle a été journaliste entre autres pour L’Echo, Marianne Belgique et M Belgique. Elle revendique de pouvoir écrire dans un style à la fois accessible et subjectif. La critique est permise ! Elle écrit sur l’art, la politique culturelle, l’évolution des musées et sur la manière de montrer l’art. Elle est aussi artiste. Elle a fondé le magazine Mu in the City en 2014.
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