À Charleroi, une trentaine d’artistes approchent cette créature étrange et mystérieuse qu’est l’adolescent. Teintée des effluves d’un Kurt Cobain, l’exposition Teen Spirit expose ce passage sensible avant l’âge adulte dans toute sa complexité et sa splendeur. De Joseph Beuys à Nan Goldin, il y a beaucoup à voir au BPS22 et on ne regrette pas d’avoir bravé les travaux en face du musée !
Si la notion est relativement nouvelle, l’adolescence fascine. Que ce soit par nostalgie ou par curiosité, elle attise les imaginaires et surtout interpelle. L’exposition éclaire cette période sans caricature ni préjugé, loin des railleries parentales sur les ados « en crise ». La série de photos de Vincen Beeckman témoigne de cette complexité, en dépeignant des jeunes Carolos dans la banalité de leur quotidien. Il dévoile les moments flottants d’une jeunesse en train de se vivre. Au contraire, Neil Beloufa nous plonge dans les rouages d’une fiction assumée, sans début ni fin, qui confronte le spectateur à la superficialité de certains rapports adolescents. Dans un autre registre, les peintures de Thomas Mazzarella évoquent ces temps suspendus de solitude, propres à la rêverie adolescente, dans un cadre coloré à l’allure vidéoludique.
Les œuvres présentées exposent les difficultés inhérentes à cet âge mais sensibilisent également aux différentes réalités sociales vécues. Quand l’adolescence est pour certains synonyme de découverte et d’exploration, pour d’autres le passage vers l’âge adulte est beaucoup plus abrupt. La vidéo Missing Stories de Laura Henno atteste de ces disparités. Elle met en scène des migrants mineurs et isolés qui rejouent métaphoriquement leur parcours, immergés dans des espaces indéterminés. Teresa Margolles présente une vidéo d’enfants des rues à Ciudad Juárez (Mexique). Déjà marqués par le temps, ils conservent envers et contre tout une espièglerie propre à l’enfance en communiquant avec l’artiste à travers une vitre de voiture. Grimaçant depuis l’extérieur, ils répètent «¿como salimos ?» (comment sortons-nous ?) au ralenti, comme une triste prophétie.
« I feel stupid and contagious », dit Cobain dans la chanson Smell Like Teen Spirit devenue l’hymne de toute une époque. Cet esprit résonne dans les sculptures de Maen Florin, petites créatures un peu effrayantes en recomposition qui, coûte que coûte, perdurent. La survie est au cœur de cette exposition, comme métaphore d’un passage mais également comme réalité bien concrète d’une adolescence sur le fil. Survie à la pauvreté, aux pressions sociales, aux insécurités : grandir n’est pas qu’une partie de plaisir. Sophie Podolski témoigne d’ailleurs de ces conflits internes à travers ses dessins qui grouillent de pensées, de traits, d’énergie. Le Tireur d’épine de Johan Muyle représente un jeune messager sur une civière, qui retire l’épine de son pied, alors qu’une flèche lui traverse le corps. Il résume finalement bien le propos : une adolescence attaquée de toutes parts mais résiliente, et messagère d’espoir.
Tout au long de l’exposition, différentes activités sont proposées au sein du musée sur le thème de l’adolescence (à destination des boomers comme de la génération Z !). N’hésitez pas à jeter un coup d’œil à la programmation ici.
Teen Spirit
BPS22
22 boulevard Solvay
6000 Charleroi
Jusqu’au 22 mai
Du mardi au dimanche de 10h à 18h
www.bps22.be
Journaliste
Formée à l’anthropologie à l’Université libre de Bruxelles, elle s’intéresse à l’humain. L’aborder via l’art alimente sa propre compréhension. Elle aime particulièrement écrire sur les convergences que ces deux disciplines peuvent entretenir.
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