Le Musée des Beaux-Arts de Gand monte la première exposition monographique consacrée à Theodoor Rombouts. Ce peintre virtuose inspiré par Le Caravage comme par Rubens était très apprécié à Anvers au début du 17e siècle.
Beaucoup de maîtres anciens nous séduisent et nous intriguent uniquement par leur peinture alors que les informations à leur sujet et sur la genèse de leur œuvre sont plus que parcellaires. C'est le cas de Theodoor Rombouts (Anvers, 1597 – Anvers, 1637). On a longtemps dit que le peintre anversois, connu comme le virtuose des caravagistes flamands, était un concurrent jaloux de Rubens. Il semble que ce ne soit pas le cas. Les deux artistes vivaient en bonne entente, partageant même à l'occasion leurs collaborateurs et développant chacun un style propre.
Un des points les plus remarquables de la courte carrière du peintre (il est mort à quarante ans) est d'avoir forgé son identité artistique en puisant dans les traditions du Nord comme du Sud. Formé en Italie, où il a séjourné pendant 9 ans, il est ensuite revenu à Anvers pour le restant de sa vie. Certaines de ses toiles sont marquées par la théâtralité et le clair-obscur de la peinture de Caravaggio et de son disciple Bartolomeo Manfredi, alors que d'autres reflètent l'influence de Rubens avec une lumière plus diffuse, des couleurs plus chaudes et une présence plus affirmée du paysage. Rombouts y ajoute toujours sa palette personnelle aux tons violet, rouge, bleu et jaune ocre. Et l'artiste semble avoir oscillé entre les deux styles sans logique chronologique. La comparaison entre deux versions du martyre de saint Sébastien est assez explicite. Sur la première, au format vertical, peinte dans sa période italienne, on a un saint Sébastien aux contrastes marqués entre ombre et lumière, alors que sur la seconde, peinte dans sa période anversoise, il est allongé, soigné par la veuve romaine et sa servante dans un paysage bucolique.
Van Dijck, qui réalisa son portrait vers 1632, définit Rombouts en le qualifiant de « peintre des figures humaines ». Un intérêt que l'on retrouve notamment dans ses scènes de divertissement peuplées d'élégants personnages et de musiciens, représentés à mi-corps dans des attitudes théâtrales. Un genre de peinture qui était assez populaire à son époque et qui a contribué à sa renommée.
Pour mieux apprécier la touche de Rombouts, l'accrochage met ses toiles en regard de celle de ses contemporains italiens, français, hollandais ou flamands.
Les scènes de jeux, une tradition qu'il a probablement ramenée d'Italie, étaient ce qu'on appelait des « peintures de conversation ». Leur format horizontal allongé les prédisposait à être accrochées au-dessus de la cheminée. Derrière ces scènes vivantes se dissimule souvent un message moralisateur. Une poignée de pièces brillantes abandonnées sur la table rappelle que ce jeu de bons vivants est aussi un jeu d'argent avec toutes les dérives qu'on y imagine. La luxure n'est jamais loin du plaisir, avec la carafe et le verre de vin, et surtout avec la vieille femme qui chuchote dans l'oreille du jeune homme, et qui est une entremetteuse lui proposant un rendez-vous galant tarifé.
Une salle est réservée aux commandes prestigieuses de grande taille où se font face La Descente de la croix, réalisée pour la cathédrale Saint-Bavon et L'Allégorie du banc des Echevins des Parchons, une toile monumentale commandée au peintre par la Ville de Gand pour orner une salle de ce qui était l'équivalent de la Justice de paix et qui est restée ensuite très longtemps accrochée dans le salon de échevins. On y voit la Vierge, symbolisant la ville, trônant sur la plus haute marche d'un escalier avec à ses pieds un lion, symbole de justice. Les personnages, historiques ou mythologiques, représentent les vertus et fonctions de la ville jusqu'à l'Escaut et la Lys, personnifiés respectivement par une figure masculine et l'autre féminine.
Au fil de la visite, on remarquera des visages récurrents de toile en toile, l'un d'eux est celui du peintre lui-même qui se représente tantôt en joueur de luth, tantôt, non sans un certain humour, en arracheur de dents.
Le MSK, qui possède dans ses collections trois toiles de Rombouts, tenait à cette exposition car l'une d'entre elles - l'Allégorie des cinq sens - est la première œuvre d'un maître ancien acquise en 1860 par le musée qui avait ouvert ses portes en 1802.
Peintre jouissant d'une importante renommée, à son époque, Theodoor Rombouts a été progressivement éclipsé par l'aura de ses contemporains Rubens et Van Dijck. Par cette exposition et le catalogue qui l'accompagne, première recherche approfondie à lui être consacrée, le peintre des figures humaines devrait retrouver l'éclat et la reconnaissance dont il a longtemps été privé.
Theodoor Rombouts
MSK Gent
Fernand Scribedreef 1
9000 Gand
Jusqu'au 23 avril
Du mardi au vendredi de 9h30 à 17h30
Samedi et dimanche de 10h à 18h
www.mskgent.be
Rédacteur en chef
Il n’imagine pas un monde sans art. Comment sinon refléter et traduire la beauté, la douceur, la sauvagerie et l’absurdité des mondes d’hier et d’aujourd’hui ? Écrire sur l’art est pour lui un plaisir autant qu’une nécessité. Journaliste indépendant, passionné et curieux de toutes les métamorphoses artistiques, il collabore également à Bruzz et COLLECT
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