Théodore van Loon, entre Bruxelles et Rome

Muriel de Crayencour
22 décembre 2018

L'exposition Théodore van Loon à Bozar rassemble une cinquantaine de tableaux, gravures et (un) dessin représentatifs du travail de cet artiste baroque influencé par l'art du Caravage et aujourd'hui pratiquement inconnu du grand public. C'est aussi le point d'orgue d'un long travail de recherche de l'historienne de l'art Sabine van Sprang, qui publie au même moment une monographie de l'artiste au Fonds Mercator.

2018 fut l'année dédiée au baroque à Anvers. On a pu y voir, entre autres, l'exceptionnelle exposition Michaelina, redécouverte d'une artiste oubliée, contemporaine de Rubens. C'est peu dire qu'aujourd'hui notre œil est friand de cette peinture baroque qui se déploie de la fin du 16e jusqu'au 17e siècle. Contrairement à Rubens, van Loon a presque disparu dans les limbes de l'histoire. Ce peintre bruxellois fut pourtant un des artistes les plus importants et renommés de sa génération. Il reçoit des commandes prestigieuses de la cour des archiducs Albert et Isabelle et des églises importantes des Pays-Bas méridionaux. Son œuvre est de nature essentiellement religieuse et sert les intérêts de la Contre-Réforme. Van Loon peint de nombreux retables pour les églises de Bruxelles. Cette rétrospective fascinante a aussi été l'occasion de procéder à la restauration de cinq toiles importantes. Via la Fondation Roi Baudouin, l'IRPA a restauré cinq toiles grâce au Fonds Baillet Latour. Quatre de ces peintures proviennent de l'église Saint-Jean-Baptiste-au-Béguinage, tandis que la cinquième appartient au couvent des Carmélites de Bruxelles. Un tiers des tableaux présents dans l'exposition proviennent de collections particulières.

Voyage à Rome


Van Loon fut profondément influencé par la peinture italienne et par ses séjours à Rome, alors capitale des arts. Dès son retour aux Pays-Bas, Théodore van Loon formule une esthétique picturale moderne, capable d'incarner le renouveau spirituel de l'Eglise catholique. C'est surtout au cours de ses deux premiers séjours en Italie que l'artiste forge son langage pictural. Il est marqué par les peintres de l'avant-garde de la création italienne, dont Caravage et ses suiveurs. Probablement inscrit en 1604 à la prestigieuse Accademia di san Luca, van Loon exerce à Rome son métier avec succès. Il fréquente les mêmes cercles de peintres flamands et d'intellectuels que Pierre Paul Rubens.

Voyez cette Pietà, un des premiers tableaux de l'exposition, le blanc lumineux et le modelé de la peau du Christ, les vêtements de la Vierge rouge et bleu comme deux grands aplats. Le tableau est destiné à être installé dans une église, alors juste éclairée aux bougies. Il faut faire ressortir le sujet, qu'il saute aux yeux du spectateurs. Pour le béguinage de Bruxelles, van Loon peint L'assomption, avec trois femmes à l'avant. Il s'agissait d'inciter les béguines à tendre à la sainteté ! Pour un tableau commandé par le couvent Saint-Albert et Sainte-Elisabeth, van Loon introduit des personnes de la rue. Son style puissant, les compositions traçant de grandes diagonales, les personnages majestueux, aux visages très clairs, modelés par un clair-obscur tranché, le soin qu'il apporte aux rendus des textures et des ornements sont une réjouissance pour l'œil. La redécouverte de cet artiste baroque est fulgurante. A ne pas manquer. Jusqu'au 13 janvier 2019.

Théodore van Loon
Un peintre caravagiste entre Rome et Bruxelles
Bozar
23 rue Ravenstein
1000 Bruxelles
Jusqu'au 13 janvier
Du mardi au dimanche de 10h à 18h
www.bozar.be

 

Muriel de Crayencour

Fondatrice

Voir et regarder l’art. Puis transformer en mots cette expérience première, qui est comme une respiration. « L’écriture permet de transmuter ce que l’œil a vu. Ce processus me fascine. » Philosophe et sculptrice de formation, elle a été journaliste entre autres pour L’Echo, Marianne Belgique et M Belgique. Elle revendique de pouvoir écrire dans un style à la fois accessible et subjectif. La critique est permise ! Elle écrit sur l’art, la politique culturelle, l’évolution des musées et sur la manière de montrer l’art. Elle est aussi artiste. Elle a fondé le magazine Mu in the City en 2014.

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