Transbordement transfigurant

Laure Eggericx
16 octobre 2015

Jan Brueghel I, Canal avec lieu de transbordement, huile sur cuivre, 17,5 x 22,5 cm, estimation 300.000-400.000 euros – vente du 20 octobre 2015 chez Dorotheum à Vienne – www.dorotheum.com


Comme tous les ans à pareille époque, Dorotheum va vivre une intense semaine de ventes du 20 au 22 octobre. En prélude, la maison viennoise a exposé une sélection d’œuvres dans ses différentes représentations internationales, dont Bruxelles. Une des œuvres parmi les plus petites exposées rue aux Laines, était ce petit tableau sur cuivre dû à Jan Brueghel I (Bruxelles 1568 – 1625 Anvers), portant une estimation de 300-400.000 euros. Il s’agit d’une œuvre rare, de qualité muséale si l’on se réfère au spécialiste Klaus Ertz qui la rapproche de trois autres tableaux de l’artiste traitant de sujets similaires et conservés dans de prestigieuses institutions à Munich (Alte Pinakothek), Milan (Pinacoteca di Brera) et Moscou (Musée Pushkin). Ces œuvres, qui s’échelonnent entre 1603 et 1610, lui permettent de situer celle du Dorotheum dans les mêmes eaux, vers 1610.

Le sujet en lui-même et la façon dont il est traité donnent également de précieuses indications sur le contexte de création de cette œuvre arrivée jusqu’à nous en très belle condition et estampillée, ce qui est excessivement rare. Il semble en effet que Brueghel I ait produit quelque 170 peintures sur cuivre, dont seules 12 étaient estampillées ! Dans ce tableau, le peintre combine le genre du paysage villageois à celui d’un cours d’eau, un canal en l’occurrence que les experts identifient volontiers comme celui de Herentals en raison des charriots à quatre roues – les Hessenwagens – utilisés pour acheminer les marchandises d’Anvers vers l’Allemagne méridionale et l’Italie. Cette association de deux genres témoigne d’une composition avancée et pionnière que l’on peut situer après 1605.

La scène villageoise avec ses multiples activités quotidiennes liées au transbordement (chargement, déchargement) mais aussi aux petits métiers (réparateur de charriots, menuisier, marchands, artisans, fermiers, valet d’écurie) se situe au premier plan et est décrite avec minutie. Les deux maisons devant lesquelles s’active tout ce petit monde qui va des chaloupes et des barges aux différents charriots, amorcent la perspective d’un canal dont les bleus se perdent à l’horizon pour rejoindre un ciel chargé, presque prémonitoire… Les couleurs sont exquises et brillent de cette qualité étincelante que seul le cuivre et la virtuosité de l’artiste peuvent rendre. En avril dernier, une œuvre similaire, le Repos près du moulin du même artiste a été enlevée 523.444 euros chez Dorotheum. Verdict le 20 pour les maîtres anciens, le 21 pour les arts décoratifs et le 22 pour les bijoux et le XIXe.
 

Laure Eggericx

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