Trio de printemps chez Contretype

Oriane Thomasson
25 avril 2022

Contretype présente le travail des trois photographes Katherine Longly, Jérôme Hubert et Pauline Vanden Neste qui, chacun à sa manière, nous livrent une vision ainsi qu’une écriture photographique singulière. 

On rentre dans la série Hernie & Plume, comme on imagine la photographe Katherine Longly pénétrer un jour froid de décembre, dans cet univers à la fois insolite et chaleureux qu’est celui du chalet de Blieke et Nicole, où chaque objet semble avoir son histoire, chaque image son souvenir. Au fil des photographies et d’un accrochage constellaire qui confine à l’installation, le spectateur s’immerge progressivement dans la vie rocambolesque du couple et de ses amis. Une vie rythmée par l’humour, la tendresse et la bonne humeur d’épisodes mémorables, souvent festifs. Plusieurs régimes d’images, traités selon un choix formel cohérent, s’entrelacent. La trame déployée par la photographe associe ainsi à ses propres photographies aux couleurs douces, pastel et acidulées, des brochures de journaux relatifs à des faits divers policiers, venant titiller la curiosité du spectateur qui s’interroge sur la nature de leur relation aux protagonistes.

On retrouve également des photographies familiales dans de petits cadres de verre, ou encore des tirages noir et blanc sur papier mat des clichés réalisés au jetable par Blieke, Nicole et leur entourage lors de leurs soirées endiablées. Ceux-ci participent ainsi activement à l’élaboration de la série. L’écrit, par la retranscription de SMS ainsi que de certaines conversations échangées, approfondit la compréhension des liens d’amitié qui se sont tissés entre le couple et la photographe. Katherine Longly instaure ainsi progressivement une narration dont les strates de lecture sont riches et complexes, multipliant les points d’entrée dans cette série à la fois touchante et déroutante pour un spectateur qui se voit parfois confronté à ses propres projections. À cette belle histoire d’amour, se mêlent d’autres personnages comme Plume, leur petit chien, et Hernie, un perroquet. Ceux-ci sont mis à l’honneur puisque leurs noms ont donné son titre à la série, ainsi qu’à la très belle édition qui y est intimement liée, parue chez The Eriskay Connection, et dont la pertinence de la forme enrichit encore davantage ce magnifique récit qui aborde des thématiques sociales avec sensibilité. 

Dans l’obscurité de la salle noire du sous-sol, le spectateur pénètre ensuite dans l’intimité du travail de Jérôme Hubert, avec D’ici là, une série à la temporalité tendre et mélancolique. Les rencontres, la famille et différents voyages au Maghreb nourrissent ce corpus sensible, composé de bribes temporelles qui se frôlent, se chevauchent, se contaminent. Tout en délicatesse, le photographe capture des fragments de situation, ramasse les éclats du quotidien, cueille un instant fugace. Jérôme Hubert distille subtilement ce sentiment qui est celui de l’écoulement du temps, et égrène au fil de ses photographies, comme un compte à rebours, des morceaux de vie qui forment le mouvement même de la mémoire. Jérôme Hubert a été sélectionné lors des Propositions d’artistes de 2021, un appel à projets lancé chaque année par Contretype

Avec Retour à La Louvière, Pauline Vanden Neste construit une œuvre documentaire sur un territoire marqué par une industrie dont les activités furent jadis florissantes. La Louvière est aussi la ville d’origine de la photographe, qu’elle a quittée depuis plusieurs années. La série s’élabore comme une enquête topographique, que la subjectivité de Pauline Vanden Neste vient teinter, par touches. Dans sa reconstitution mentale, La Louvière est ainsi une sorte de territoire retrouvé, esquissé par la surimpression des souvenirs personnels de la photographe, aux lieux sur lesquels elle revient qui sont, eux, empreints de réalités sociétales. Par ce retour à un territoire perdu, Pauline Vanden Neste opère ainsi un mouvement proustien, et dans ce geste qui se retourne pour mieux se saisir, construit un regard nouveau sur un sujet qu’elle documente. À travers ses superbes portraits noir et blanc, la photographe cerne les contours d’une jeunesse dont les trajectoires sont intimement liées à celle de leur ville. Pauline Vanden Neste est l'une des deux lauréates des Propositions d'artistes 2021, appel à projets annuel initié par Contretype

 

Katherine Longly, Jérôme Hubert, Pauline Vanden Neste
Contretype
4a Cité Fontainas
1060 Bruxelles
Jusqu'au 22 mai
Du mercredi au vendredi de 12h à 18h
Samedi et dimanche de 13h à 18h
www.contretype.org

Oriane Thomasson

Journaliste

Diplômée de l’ERG en Arts Visuels, photographe mais pas seulement, Oriane Thomasson s’intéresse à l’art dans tous ses états, avec une prédilection pour les arts non-européen, le dessin, et la peinture. Passionnée de littérature, l’histoire naturelle et les voyages sont pour elle à la fois une source d’inspiration, et de fascination. Après avoir obtenu l’agrégation en arts plastique, écrire pour Mu in the city sur les expositions qu’elle voit lui permet de partager un regard sur l’art, et son enthousiasme pour les artistes.

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